Et si toutes les tentatives de nos gouvernants d’« acheter » une solution pour nous sortir de la crise s’avéraient vaines, pires, si le fait d’imprimer de la monnaie et d’accroître la dette publique, ne faisait qu’entraver notre flexibilité économique à long terme et nos perspectives financières globales ?
Au risque de défier le bon sens économique, nous pensons que le krach financier s’est produit parce que le monde consomme maintenant plus de pétrole qu’il ne peut raisonnablement en produire et à des prix trop élevés pour être supportés par l’économie.
Ce problème n’est pas apparu du jour au lendemain. Depuis plus de 20 ans s’est creusé un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande de pétrole. Une poudrière potentielle que les hommes politiques, les économistes et les banquiers ont délibérément choisi d’ignorer, afin de profiter des quelques années de complaisance financière qui se sont achevées durant l’été 2007.
Le tournant s’est produit lorsque le monde virtuel de la monnaie a été rattrapé par la réalité. Le temps du pétrole bon marché est désormais révolu. Et, dès lors que l’économie mondiale est privée de son élément vital, la croissance économique ne peut que s’arrêter. Il est pourtant impossible de sous-estimer notre dépendance économique à l’égard de cette source d’énergie primaire, historiquement bon marché.
Le pétrole fait fonctionner 50 à 60 % de nos transports, de passagers comme de marchandises, par voie terrestre, maritime ou aérienne. L’agriculture dépend du pétrole et du gaz pour alimenter ses machines et pour la production d’engrais chimiques. Le pétrole fournit l’essence des véhicules et permet de produire chaleur et électricité. Il procure l’asphalte des routes, ainsi que la matière première des objets en plastique qui sont à la base de la fabrication de la plupart des produits de consommation. Le pétrole est présent partout, des vêtements aux ordinateurs, des maisons aux emballages. Et chaque jour il nous en faut plus.
Mais aujourd’hui, nous avons atteint les limites de la production d’or noir. Le « réservoir » commence à donner des signes d’épuisement et le premier de ces signaux nous a fait passer très près de l’effondrement du système financier.
Les signes annonciateurs s’offraient pourtant aux yeux de tous depuis longtemps ; encore fallait-il savoir où regarder. En tant qu’économistes du secteur pétrolier, nous avons comptabilisé les champs pétrolifères, recensé les investissements et analysé les prévisions de production de pétrole brut depuis de nombreuses années.
Dès 2000, nous avons averti l’industrie de l’imminence d’un essoufflement des capacités de production à partirde 2005 et prévu l’augmentation des prix qui allait s’ensuivre. En 2005, nous avons de nouveau signalé que des problèmes plus graves allaient se poser au niveau de la chaîne de production et avons anticipé les effets dévastateurs de l’explosion des prix auxquels il fallait s’attendre entre 2007 et 2010.
Cependant les signaux avertisseurs de mauvaises nouvelles n’ont pas leur place dans les agendas politiques. Une crise n’est pas considérée comme telle tant qu’elle ne se concrétise pas et ce n’est qu’alors qu’il est politiquement opportun de réagir, mais il est trop tard.
Une crise évitée est, par définition, une crise qui n’a jamais eu lieu.
Extraits du livre " La Crise incomprise, quand le diagnostic est faux, les politiques sont néfastes" écrit par Maarten Van Mourik et Oskar Slingerland paru aux éditions du Toucan Ventana. Prix : 14,90 euros.
Article initialement publié le 18 janvier 2014