L’encadrement des loyers, ça ne marche vraiment pas !

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Par Patrick Coquart Modifié le 11 mai 2020 à 6h41
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709 EUROSLe prix moyen d'un loyer en France est de 709 euros par mois.

Mesure jugée « sociale », l’encadrement des loyers est défendu par de nombreux politiciens français. L’exemple suédois montre que la méfiance devrait au contraire être de rigueur…

Le Covid-19 tient le haut du pavé dans les médias… mais les élections municipales n’ont pas fini de faire parler. La polémique sur la nécessité de la tenue du premier tour renaîtra probablement à l’issue du confinement et le début des commissions d’enquêtes parlementaires.

A Paris, la seconde campagne pourrait être catastrophique pour la majorité présidentielle. Après Benjamin Griveaux, Agnès Buzyn pourrait être contrainte d’abandonner si elle est mise en cause dans sa gestion de la crise sanitaire avant son départ du gouvernement.

A l’heure où nous écrivons, nous ne savons pas quand aura lieu le second tour, ni même si le premier ne sera pas tout bonnement annulé puis rejoué. Pourquoi alors se pencher aujourd’hui sur ces élections ? Tout simplement parce que le répit qui nous est donné est une bonne occasion de nous pencher plus longuement sur les programmes des candidats. Et singulièrement sur l’encadrement des loyers.

Encadrer, geler, suspendre les loyers…

Nous n’avons pas choisi ce thème au hasard. Il est, en effet, déjà pleinement dans l’actualité. La CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie), association de consommateurs présidée par le socialiste Jean-Yves Mano, ancien adjoint au maire de Paris, a demandé fin mars au gouvernement de reporter ou suspendre tous les loyers dans le cadre de la crise du coronavirus.

Pour l’instant, le gouvernement n’a pas donné une suite favorable à cette revendication. Nul doute cependant qu’elle fera sa réapparition au fur et à mesure que nous nous enfoncerons dans la crise.

La promesse de contrôler les loyers sera aussi l’occasion pour les candidats aux municipales d’attirer à eux les locataires. Surtout si elles ont lieu à l’automne. La loi Elan permet en effet aux communes des 28 plus grandes agglomérations d’avoir de nouveau recours à l’encadrement des loyers, à condition qu’elles en demandent l’expérimentation avant le 24 novembre 2020.

A Paris, Anne Hidalgo n’a pas attendu novembre 2020. Dès juillet 2019, elle rétablissait le système. Pendant sa campagne électorale, elle a même proposé la mise en place d’un service d’accompagnement juridique pour aider les locataires à faire valoir leurs droits contre les méchants propriétaires.

Benjamin Griveaux puis sa remplaçante Agnès Buzyn et Cédric Villani ont pris position pour maintenir cet encadrement s’ils étaient élus. Le candidat des Verts, David Belliard, s’inspire, lui, de Berlin et entend geler les loyers pendant cinq ans. Danielle Simonnet, qui défend les couleurs des mélenchonistes, veut aller encore plus loin et réclame que la ville puisse avoir la compétence de fixer les loyers de référence. Pour les faire baisser, bien sûr. Seule Rachida Dati semble vouloir sortir de cette ineptie.

L’encadrement des loyers a appauvri la Suède

Car il s’agit bien d’une ineptie, comme nous le dévoile l’étude réalisée pour les think tanks Epicenter et Timbro à partir de l’exemple suédois.

La Suède a en effet mis en place un contrôle des loyers dès 1942. C’est dire si l’on a maintenant du recul pour apprécier les résultats de cette mesure. Ils sont sans appel, si l’on se fie à ce qu’écrit Gustav Fritzon, l’auteur de l’enquête.

Celui-ci a recensé pas moins de neuf effets pervers qui devraient servir d’exemples aux autres pays pour ne pas imiter la Suède :

– Une pénurie de logements

Le contrôle des loyers a provoqué des pénuries de logements et des files d’attente dans tout le pays : 93% des Suédois vivent dans des municipalités où il y a un déficit de logements. La file d’attente moyenne pour obtenir un appartement en location dans la capitale suédoise est de 11,3 ans, et peut même attendre 30 ans pour les appartements les plus recherchés.

– Un accroissement de l’endettement des ménages

Nombre de logements locatifs, pour échapper à la loi, sont convertis en logements coopératifs qui nécessitent un investissement en capital, puisqu’il convient d’acheter une part dans la coopérative pour pouvoir disposer d’un logement. De nombreux locataires achètent également leur logement en pleine propriété pour éviter de le perdre. Ainsi l’endettement des ménages s’accroît et l’offre de logements locatifs se réduit : depuis 1990, Stockholm a perdu un tiers de ses logements locatifs.

– Une augmentation des sous-locations

La faiblesse des loyers incite les locataires à sous-louer leur logement en s’affranchissant des règles vu le profit qu’il est possible de réaliser. A Stockholm, les sous-locataires paient des loyers deux fois plus élevés que les locataires primaires, un coût souvent supporté par ceux qui sont les plus pauvres et les plus vulnérables.

– Un accroissement de la fraude et de la délinquance

Dans le même ordre d’idée, il existe un marché noir des contrats de location dont le chiffre d’affaires annuel est estimé à 110 millions d’euros. Un jeune locataire sur cinq à Stockholm reconnaît avoir payé illégalement sa location. Ce marché noir a, par exemple, entraîné en 2014 une vague d’homicides liés au commerce illégal de contrats.

– Une mauvaise allocation des ressources

Le contrôle des loyers a entraîné une utilisation inefficace du parc d’appartements existant puisque celui-ci n’est pas réparti en fonction de l’offre et de la demande. On voit ainsi des célibataires et des personnes âgées occuper de grands appartements dans des quartiers attrayants du centre de Stockholm alors qu’ils devraient logiquement être occupés par des familles avec enfants. Ces dernières n’ont aucun moyen de faire savoir qu’elles sont demandeuses de ces appartements, en proposant par exemple un loyer plus élevé.

– Des difficultés de recrutement pour les entreprises

La pénurie de logements locatifs pèse aussi sur les entreprises, notamment les jeunes pousses et licornes suédoises qui peinent à recruter les talents étrangers dont elles ont besoin. Dans une enquête, un cinquième des entreprises ont déclaré que la pénurie de logements avait rendu le recrutement plus difficile au cours de l’année précédente.

– Une ségrégation sociale forte

Le contrôle des loyers a provoqué une ségrégation sociale entre les initiés du marché, qui sont généralement des personnes instruites et ayant un réseau leur permettant de tirer avantage de la réglementation, et celles moins au fait du système (étrangers, jeunes, pauvres). En conséquence, ces derniers ont tendance à vivre dans des banlieues peu attrayantes où la proportion de chômeurs et de personnes dépendantes de l’aide sociale est élevée.

– Une subvention aux plus riches

A Stockholm, les ménages occupant des appartements locatifs de plus de 180 m2 ont un revenu moyen appartenant au centile supérieur de revenus. Ce sont donc les plus aisés qui bénéficient de plus de la politique d’encadrement des loyers, alors que le système avait été initialement mis en place en faveur des plus pauvres.

– Un parc locatif trop luxueux

Dans le système suédois, les propriétaires ne sont autorisés à augmenter le loyer que s’ils ont procédé à une rénovation du logement. En revanche, des travaux d’entretien réguliers ne permettent pas de réviser le loyer. Cette règle incite les propriétaires à entreprendre des rénovations coûteuses au détriment de l’entretien. Finalement, les personnes les plus aisées accèdent à des appartements locatifs récemment rénovés idéalement les mieux situés, tandis que les personnes à faibles revenus sont reléguées dans des locaux à peine entretenus et souvent éloignés du centre-ville.

Les effets négatifs de la réglementation suédoise en matière de loyers sont patents. Le système a provoqué une pénurie de logements dans les villes en réduisant le parc d’appartements et en empêchant l’utilisation efficace de ce parc.

Il a également entraîné une plus grande ségrégation sociale, et a pénalisé les entreprises suédoises dans leurs recrutements. Il a par ailleurs encouragé la fraude et favorisé les criminels. Finalement, c’est la Suède et les Suédois qui ont été appauvris.

Pourtant, on peut penser que les politiciens suédois qui ont mis en place, puis maintenu, le système de contrôle des loyers étaient animés des meilleures intentions. Force est de constater que les résultats obtenus sont en complète contradiction avec les objectifs initiaux.

Certes, le contrôle des loyers suédois présente des caractéristiques qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs. Néanmoins, les mêmes causes produisant généralement les mêmes effets, il est à craindre que les effets pervers observés à Stockholm et dans les autres villes suédoises se retrouvent, dans une mesure ou une autre, dans toutes les villes qui introduiront l’encadrement des loyers.

Comme l’a dit l’économiste socialiste suédois Assar Lindbeck : le contrôle des loyers est le moyen le plus efficace de détruire une ville, avec le bombardement.

Pour plus d'informations et de conseils de ce genre, c'est ici et c'est gratuit

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Patrick Coquart est rédacteur et essayiste. Il collabore avec plusieurs think tanks sur des questions d’économie et de politiques publiques. Par ailleurs, il prête sa plume à des entreprises pour les aider à produire des contenus éditoriaux originaux (études et rapports, livres blancs, etc.). Auparavant, il a travaillé dans une organisation patronale puis un organisme paritaire avant de rejoindre le secteur du conseil en management, ressources humaines et relations sociales.

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