Pourquoi demain les entreprises devront investir encore plus dans la formation continue et s’attaquer sérieusement à la formation initiale?

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Par Alexandre Kolow Publié le 11 septembre 2013 à 4h10

Lorsqu'on regarde la direction que semble prendre le monde, un esprit logique ne peut qu'être tenté de penser que dans un avenir proche, l'Entreprise tendra à remplacer l'Ecole. Enfin, pas totalement, mais en grande partie. Pourquoi ?

Tout d'abord, d'un point de vue macro-économique, disons que l'Etat n'aura pas d'autre choix que de se désendetter et qu'il sera donc amené à se désengager de certains domaines qui aujourd'hui dépendent encore du secteur public ou semi-public. Il a déjà commencé à le faire et il continuera de le faire. L'exemple le plus flagrant auquel nombre de Français sont confrontés régulièrement c'est la part de remboursement de plus en plus importante qui est laissée aux mutuelles afin de soulager la sécurité sociale. L'Ecole devra donc se recentrer sur les fondamentaux (lire, écrire, compter et parler anglais) pour « maigrir » et alléger la facture du contribuable. Mais pas seulement.

Se recentrer sur l'essentiel

L'Ecole va devoir également se recentrer sur les fondamentaux pour gagner en efficacité car le niveau général est à la baisse. D'après une étude menée par la direction de l'évaluation de la prospective et de la performance (D.E.P.P) en 2007, le niveau à la sortie du CM2 entre les élèves de 1987 et les élèves de 2007 était en « chute libre » selon les dires de la note d'alerte. Et ce n'est pas faute de moyens lorsqu'on voit la part du budget de l'Etat attribuée à l'éducation. J'ai moi-même pu expérimenter le niveau très faible d'un certain nombre d'élèves de lycées et de B.T.S. La grammaire, l'orthographe, la syntaxe et la capacité à organiser des idées dans une note structurée semble relever d'une mission surhumaine pour un grand nombre d'entre eux. Et pourtant je n'ai pas enseigné dans des établissements dits « difficiles ». Loin de là. Et lorsqu'en conseil de classe je me suis permis de demander le redoublement d'élèves courageux mais qui n'étaient pas au niveau ainsi que l'exclusion d'élèves paresseux et indisciplinés, il m'a été répondu que ce n'était pas possible car le nombre d'élèves l'année suivante serait trop faible et certains collègues perdraient leur plein temps !

Je comprends mieux pourquoi aujourd'hui des élèves qui ne sont pas au niveau continuent de passer de classe en classe sans être inquiétés lors des conseils de classe. Or, ce n'est pas un service qui leur est rendu car une fois le bac en poche, les écoles les plus prestigieuses et les plus sélectives leur resteront fermées. Je vois une nette différence entre le niveau moyen d'une classe de lycée ou de B.T.S dans lequel la sélection à l'entrée est relativement « cool » et le niveau moyen de l'amphi d'étudiants en première année d'une école de commerce privée réputée de Lille où j'enseigne l'économie internationale. Où vont donc les élèves qui ne sont pas au niveau mais qu'on a fait passer de classe en classe et à qui on a donné le diplôme?

De même, l'Education Nationale va devoir maigrir et faire moins mais mieux car la gestion administrative est devenue d'une complexité effroyable. Les différents statuts de personnels à gérer en fait une véritable usine à gaz. Les inégalités conte lesquelles l'Ecole prétend lutter au sein de la société sont monnaie courante dans la gestion même de son personnel. Les contractuels par exemple sont payés au lance-pierre par rapport à leurs collègues titulaires et leur situation est des plus précaires. Très souvent, le salaire ne tombe pas à date fixe (quand le rectorat n'oublie pas de vous payer...) et le montant n'est jamais le même. Chaque mois c'est donc la même question : Vais-je être payé et si oui, quand et combien ?

En revanche, les factures, elles, continuent de tomber à date fixe.

En outre, lors d'un remplacement d'un professeur titulaire en arrêt maladie, il n'est pas rare de ne pas savoir le vendredi soir si on sera toujours en poste le lundi matin. Il me parait donc évident que pour ce qui est de la motivation du personnel, il y a mieux...

C'est donc aux établissements d'enseignement supérieur privés ou semi-privés et aux entreprises que reviendra la tâche de former des « travailleurs » en partant d'une base solide : un élève quittant le collège ou le lycée en maîtrisant les outils nécessaires à l'apprentissage de sa future profession.

Des entreprises de plus en plus importantes

Mais outre le fait que l'Ecole va devoir maigrir pour coûter moins cher au contribuable et pour être plus efficace, l'autre grande raison pour laquelle les entreprises vont devoir investir de plus en plus dans la formation c'est parce que le modèle économique sur lequel repose l'occident est en train de muter lentement vers un modèle économique où l'économie collaborative et l'économie participative vont prendre des places prépondérantes. Et qui dit changement de modèle économique dit changement dans l'organisation des entreprises. Le statut de salarié comme on le connait aujourd'hui va évoluer et les entreprises vont donc être amenées à recruter différemment. De plus en plus, les entreprises vont donc recruter des individus selon des traits de personnalité spécifiques plutôt que selon des expériences passées ou des diplômes car elles formeront leur personnel en interne pour des besoins très spécifiques.

Plus que du personnel qui sait déjà, l'Entreprise va donc devoir recruter du personnel capable d'apprendre. Les entreprises devront former leur personnel du moment de l'embauche jusqu'au départ (bien plus qu'aujourd'hui) pour que ce dernier puisse s'adapter rapidement à un environnement qui change de plus en plus vite. A quoi bon embaucher un individu qui maîtrise certaines compétences qui ne seront peut-être plus utiles dans un an ? Mieux ne vaut-il pas embaucher une personne ayant le potentiel d'apprendre les compétences qui lui seront nécessaires dans l'avenir.

L'Ecole va donc devoir « mettre sur le marché » des élèves capables d'apprendre vite et bien. Lorsque j'étais à l'école primaire mon père me dit un jour : « A l'école, on t'apprend à apprendre ». Je comprends mieux aujourd'hui ce qu'il voulait dire par là.

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Alexandre Kolow est co-fondateur de la plateforme de recrutement koalajob.com. Un site de recrutement qui met l'accent sur l’évolution de carrière et sur la mobilité européenne des talents. Il donne également des cours d'économie internationale en France et en Europe.

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