Euro : une monnaie sans Etat, c’est possible

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Par Ferghane Azihari Publié le 15 novembre 2017 à 5h00
Euro Instrument Commerce Etats Union
2002L'Euro a été introduit en 2002.

L’euro en tant qu’instrument pour favoriser le commerce n’a pas besoin de plus de gouvernance ou d’une Europe fédérale, contrairement à ce qu’avancent les médias.

La Zone euro a toujours été un projet politique. S’il n’était question que d’intégration économique, les gouvernements européens auraient par exemple accepté la proposition de Nigel Lawson, alors Chancelier de l’Echiquier sous Margaret Thatcher, faite en 1989. Elle consistait à ouvrir toutes les zones monétaires nationales à la concurrence des banques centrales étrangères afin de favoriser la circulation des meilleures monnaies sur tout le territoire européen. Cette proposition, plus facile à mettre en oeuvre que l’instauration d’une monnaie unique, aurait conduit, par un concours de vertu, à un système monétaire de meilleure qualité.

L’euro a été conçu par les élites européennes comme un tremplin vers un Etat fédéral et non comme un outil destiné à faciliter le commerce. Mais à l’époque, cette idée d’Etat fédéral souffrait encore d’un manque de crédibilité. Les dirigeants européens ont donc opté en premier lieu pour l’établissement d’une monnaie unique, en espérant que le besoin d’intégration budgétaire et politique se fasse sentir ultérieurement.

C’est désormais chose faite. Les médias attribuent la stagnation de la Zone euro à un manque de gouvernance. Tout est donc en place pour convaincre les populations européennes de concéder davantage de libertés au profit d’un gouvernement central européen. Le Professeur Pascal Salin, ancien président de la Société du Mont-Pèlerin et auteur d’un récent ouvrage intitulé Les Systèmes monétaires : des besoins individuels aux réalités internationales, y voit la conséquence de préjugés politiques tenaces :

« L’idée courante est que la création monétaire est un attribut de la souveraineté, ce qui est contestable puisque la monnaie a été inventée par la pratique des marchés ».

De nombreux exemples démentent la nécessité de doter une zone monétaire d’un gouvernement central pour bien fonctionner. La période de l’étalon-or classique (1870 – 1914) est à cet égard emblématique. La plupart des pays du monde utilisaient alors l’or comme monnaie commune. Or personne ne jugeait utile d’établir un gouvernement mondial pour maintenir l’équilibre du commerce international. Les commentaires de John Maynard Keynes sur cette période sont éclairants :

« Quelle période de progrès économique formidable ce fut pour l’homme avant qu’elle ne s’achève en août 1914 ! […] La majorité de la population, il est vrai, travaillait dur et vivait selon un faible niveau de confort […] Mais il était possible pour n’importe quel homme […] d’accéder à la classe moyenne et supérieur à un faible coût […] Celui qui habitait à Londres pouvait commander par téléphone divers produits venant du monde entier selon la quantité souhaitée tout en dégustant son thé dans son lit le matin et espérer leur livraison rapide au pas de sa porte […] Il pouvait obtenir immédiatement, s’il le souhaitait, des moyens de transit vers n’importe quel pays […] envoyer son domestique au bureau d’une banque de proximité pour la fourniture de métaux précieux, et pouvait alors opérer dans des pays étrangers, sans connaissance de la religion, de la langue ou des coutumes locales… » Keynes 1920

Pourquoi ce système ne s’est-il pas maintenu ? Pas en raison d’un manque de gouvernance mais à cause du déclenchement de la Première Guerre mondiale. La volonté des gouvernements d’utiliser l’inflation pour financer leurs dépenses de guerre a conduit ces derniers à répudier l’étalon-or et la discipline budgétaire que ce système imposait. Etrangement, le succès de l’intégration monétaire internationale sous le régime de l’étalon-or inspire très peu les théoriciens de la construction européenne. Interrogé sur cette question, Pascal Salin suggère un déficit de motivation personnelle pour les chercheurs :

« S’ils reconnaissent que les marchés se suffisent à eux-mêmes pour procéder aux ajustements au sein d’une zone monétaire, les chercheurs en économie monétaire perdent leur fonds de commerce. Ils ne peuvent plus publier indéfiniment des articles sur la politique monétaire optimale et la meilleure combinaison de politiques monétaire, budgétaire et autres ».

Une monnaie sans Etat est donc possible. L’émergence des crypto-monnaies est d’ailleurs une preuve supplémentaire que les échanges monétaires affranchis des gouvernements sont tout à fait viables. La Zone euro n’a pas rougir de son « manque » de gouvernance. Les causes de ses difficultés sont sans doute à rechercher ailleurs…

Pour plus d’informations et de conseils, c’est ici

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Étudiant en droit et en science politique à l’université de Paris-Est Créteil Val-de-Marne, Ferghane Azihari est coordinateur local pour Students for Liberty, un réseau international destiné à promouvoir l’économie de marché. Il est également chargé de mission pour l’École de la Liberté, une plateforme de recherche et d’éducation destinée à faire connaître la tradition libérale à travers le prisme de toutes les sciences humaines. Il publie régulièrement pour le magazine Contrepoints en France, l’Institut Ludwig von Mises aux États-Unis. Il est également rédacteur chez Young Voices. Ses centres d’intérêt se portent plus particulièrement sur les politiques européennes, les relations internationales, la fiscalité et plus généralement les rapports entre le droit positif et la concurrence.

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