Le 8 octobre 2015, les ministres européens des transports ont trouvé un accord sur le volet politique du quatrième paquet ferroviaire, actuellement en discussion entre le Parlement et le Conseil de l’Union Européenne. Ce quatrième paquet ferroviaire, dont la première version avait été présentée par la Commission Européenne en février 2014, a pour objectif la création d’un marché ferroviaire unique européen.
Outre un volet technique qui doit permettre une meilleure interopérabilité du matériel entre les différents Etats, il comporte un volet politique ayant pour but l’ouverture définitive des marchés nationaux à la concurrence, après la libéralisation du fret et du transport international de voyageurs de 2004 et de 2007. Certains Etats membres, au premier rang desquels se trouve la France, restent néanmoins réticents à une ouverture totale à la concurrence du secteur.
L’hexagone a notamment exprimé ses réserves par la réforme ferroviaire de 2014, qui décidait de réunir le gestionnaire des infrastructures, anciennement RFF, et l’opérateur de transports, la SNCF, dans une structure commune, à rebours des orientations préconisées par la Commission Européenne depuis les débuts de la politique de libéralisation du rail. L’accord du 8 octobre semble avoir donné raison à ces Etats et marque le premier véritable recul de l’Union Européenne sur l’ouverture à la concurrence du système ferroviaire.
Une ouverture à la concurrence repoussée pour la plupart des lignes
La proposition initiale de la Commission comportait une date d’ouverture à la concurrence pour l’ensemble des lignes au 3 décembre 2019, cette date n’a été conservée que pour les lignes non subventionnées. Il s’agit principalement des lignes commerciales nationales, comme le TGV en France. De nouvelles compagnies pourront opérer ces lignes sous réserve qu’elles y trouvent un intérêt commercial et qu’elles ne portent pas atteinte aux lignes exploitées au titre du service public. Néanmoins, du fait de la moindre importance de ce réseau et des coûts rédhibitoires auxquels une entreprise doit faire face pour y proposer ses services dans un cadre concurrentiel, ce n’est pas là où les bénéfices de l’ouverture à la concurrence sont les plus attendus. Concernant les lignes de service public, principalement les lignes régionales, qui représentent la majorité du trafic en France et en Europe, l’ouverture à la concurrence est repoussée à 2026. Mais le nouveau régime d’attribution de ces contrats préservera la possibilité de choisir entre le recours à une attribution directe et la mise en concurrence par appel d’offre. En clair, les Etats pourront décider de ne pas ouvrir ces lignes à la concurrence, à la condition de démontrer à la Commission que l’attribution directe permet d’assurer une meilleur qualité de service. Pour les TER français donc, la concurrence s’éloigne. C’est pourtant bien sur le réseau régional que les effets positifs de l’ouverture à la concurrence peuvent se faire sentir, comme en Allemagne ou en Suède où les libéralisations des dernières décennies ont conduit à une forte baisse des coûts.
Un approfondissement limité de l’autonomie des gestionnaires d’infrastructure
Le volet politique du quatrième paquet ferroviaire devait également renforcer l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure par rapport à l’opérateur de transports historique, corolaire indispensable à l’existence d’une véritable concurrence libre et non faussée entre entreprises ferroviaires. Le Conseil a estimé qu’il ne devait pas y avoir de modèle unique de gouvernance, sous la forme d’une séparation totale du gestionnaire de réseau et de l’opérateur de transports, mais que les structures organisationnelles des États membres étaient déjà en grande partie compatibles avec les objectifs exprimés par la Commission. La réunion de RFF et de la SNCF dans une structure commune, mise en place par la réforme ferroviaire de 2014, se trouve donc également confortée par cet accord. Les mesures supplémentaires visant à garantir l'indépendance des gestionnaires d'infrastructure seront limitées à leurs fonctions essentielles, comme la répartition des sillons et la tarification de l'infrastructure.
Pour l’ARAFER, « le compromis présente un volontarisme mesuré quant à la mise en place de cloisons hermétiques entre les acteurs chargés de gérer le réseau et les entreprises de transport, y compris lorsqu’elles coexistent dans une entreprise intégrée ». Le gouvernement français et la SNCF peuvent se féliciter d’une position qui reprend nombre de leurs revendications, même si celle-ci est encore susceptible d’évoluer. Restent encore les négociations en trilogue entre Parlement, Etats membres et Commission, qui devraient permettre d’adopter une version finale du texte avant mi-2016.