Facebook vous donne de nouveaux outils pour mieux contrôler vos données, mais cela ne les empêchera pas de les exploiter, malgré les récents scandales.
“Débuter la décennie en vous aidant à mieux contrôler votre vie privée.” C’est le titre du billet de blog publié au nom de Mark Zuckerberg le 28 janvier 2020. Une série de mesures et d’améliorations y sont présentées pour permettre aux utilisateurs de mieux gérer les données que Facebook partage avec des sites externes. Zuckerberg espère ainsi redorer l’image de son réseau social phare, fortement abîmée par les scandales de ces dernières années, Cambridge Analytica en tête. Au-delà de ces annonces, Mark Zuckerberg veut positionner Facebook comme la plateforme de la liberté d’expression. Une approche qui n’est pas totalement désintéressée.
Que ce soit dans son témoignage face au Congrès en octobre dernier, ou dans son post dédié à ses résolutions pour 2020, Mark Zuckerberg affirme que la question de la publicité sur la plateforme et la liberté d’expression vont de pair. Lors de son discours à Georgetown sur la question, il a fait référence huit fois à la nécessité de protéger la liberté d’expression en citant le premier amendement de la Constitution des Etats-Unis. Le message est passé.
Curieusement, Facebook ne mentionne jamais le quatrième amendement, qui englobe la vie privée en ligne et garantit “le droit des citoyens d’être garantis dans leurs personne, domicile, papiers et effets, contre les perquisitions et saisies non motivées”.
Le problème, c’est que le premier et le quatrième amendement sont intrinsèquement liés. Nous ne pouvons pas parler et agir librement si chaque pensée, et chaque action, sont traquées et enregistrées par des entreprises privées et des gouvernements. L’érosion de notre vie privée menace notre liberté d’expression. Facebook se positionne comme un champion de la liberté alors que l’entreprise est à l’avant-garde de la surveillance de masse au service du capitalisme. Ce ne sont pas quelques effets de manche pour responsabiliser ses utilisateurs qui suffiront à changer cela.
L’ombre de Facebook
Facebook a joué un rôle majeur dans l'avènement d’un monde où il est communément accepté que notre vie privée est visible par défaut, et que nos données sont récupérées, utilisées et échangées comme n’importe quel produit. Cette réalité met directement en danger notre liberté d’expression. Il y a en permanence une ombre au-dessus de chaque individu qui le fait potentiellement hésiter. Peut-il s’exprimer en ligne ? Quel sera l’impact d’appuyer sur le bouton entrée et de publier ce contenu ou commentaire ?
Cela ne relève pas seulement de la théorie. A la suite de l’affaire Cambridge Analytica, le magazine mensuel The Atlantic a réalisé un sondage auprès de ses lecteurs pour savoir si ces révélations avaient eu un impact sur leur comportement sur Facebook. Pour 41,9%, la réponse est oui. Pour la majorité d’entre eux, cela se traduit par de plus grandes précautions dans le choix de ce qu’ils décident de publier ou pas. Plus de 4 participants sur 5 (82,2%) ont répondu qu’ils s'autocensurent.
Si Mark Zuckerberg souhaite réellement se positionner comme un défenseur de la liberté d’expression, il doit commencer par prendre le respect des données privées des utilisateurs au sérieux. Il a la responsabilité de leurs donner plus de visibilité et de contrôle, et pas seulement vis-à-vis des sites tiers.
Par ailleurs, Mark Zuckerberg est désormais un habitué dans grandes annonces sans suites. Ce n’est pas la première fois que le patron de Facebook s’engage. Pourtant, fin 2018, le réseau social était à nouveau sous les feux des projecteurs pour avoir secrètement partagé les données de ses utilisateurs. Le contrôle exercé par Facebook sur ce que peuvent voir, partager et exprimer presque 3 milliards de personne dans le monde n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’Homme. Sans garde-fous ni transparence, un tel pouvoir est un danger majeur en ce qui concerne la liberté d’expression.
Mark Zuckerberg est devenu une figure médiatique à double facette. Il y a d’un côté celui qui s’exprime devant le Congrès américain, le chef d’entreprise en costume, obligé de se défendre sur la gestion des données de ses utilisateurs. De l’autre, il y a le patron de start-up en hoodie qui se positionne en tant que champion de la liberté d’expression et met en avant ses nombreuses initiatives pour protéger la vie privée de tout un chacun. Facebook a encore beaucoup de travail à faire pour aligner ces deux figures publiques et changer son statut actuel.