Fiscalité : comment retrouver 50 milliards perdus ?

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Par Jean-Paul Gomez Modifié le 23 mars 2023 à 10h06

1,5 an après avoir conclu cet article https://www.economiematin.fr/les-experts/item/588-fiscalite-2012-milliards-budget-finances-taxes par « affaire à suivre… », les mesures indiquées ne sont pas très loin de ce que le gouvernement a vraiment réalisé. Aujourd’hui, du fait de la faiblesse de la croissance de 2013, le gouvernement se lance à nouveau dans la recherche de moyens pour faire face à ce décalage entre la prévision et la réalisation. Il lui faut donc trouver 50 milliards d’Euros sur trois ans.

Cette situation est le résultat de 35 années de laxisme budgétaire et d’une absence totale de clairvoyance des différents gouvernants politiques ou d’entreprises et que ce seul gouvernement n’est pas responsable.

Les entreprises ont voulu gagner de l’argent au grand casino de la spéculation court termiste et chaque minorité réussissait à créer un « lobbysme» suffisamment actif pour amener chaque gouvernement à céder. Smith et Keynes seraient furieux de voir la façon dévoyée dont les écoles d’administration et de gestion enseignent les façons d’organiser et gérer les Etats et les entreprises. Les solutions de facilité, qui ont été appliquées toutes ces années consistant à dire « oui » à tout du fait de la possibilité d’emprunt sur les marchés financiers, qui ont détourné l’esprit d’un financement sain de l’économie, ont abouti à ce que la qualité de nos dirigeants baisse dramatiquement. Nos élus ont oublié que la politique, c’est choisir dans l’intérêt du plus grand nombre. Ils ont donc voté des lois contraire à l’intérêt du plus grand nombre comme Bill Clinton a pu le faire avec le Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act de 1999. Les grands dirigeants des entreprises n’ont plus vu que l’argent facile et ils ont oublié que pour qu’une économie fonctionne, il faut des salariés correctement payés et en bonne santé.

Puis diriger, c’est aussi savoir dire non au risque de mécontenter une partie de la population administrée.

Les plus riches trouvaient qu’ils payaient trop d’impôts : baisse des tranches les plus élevées de l’impôt sur le revenu, les entreprises les plus riches trouvaient qu’elles payaient trop d’impôts : création de niches fiscales ou de règles dérogatoires leur permettant d’échapper au paiement de l’impôt sur le bénéfice, des migrants désargentés avaient besoin de soins onéreux, les gouvernants créaient la CMU, les aides sociales ne permettaient pas de vivre décemment, qu’à cela ne tienne, on a empilé les avantages jusqu’à ce qu’un chômeur de longue durée perçoive autant voire plus qu’une personne travaillant, etc…

Au-delà de l’aspect politique, la vraie faiblesse vient de l’absence de sanctions à l’égard de ceux qui sont les auteurs des faiblesses politiques ou des abus de biens sociaux. C’était tellement facile pour nous d’avoir des élus qui disaient oui à tout ce que nous voulions… De Gaulle, que l’on apprécie ou non ses choix politiques, ne rigolait pas : lorsqu’il a repris les rênes de l’Etat en 1944, il n’a tenu compte que de ce qu’il estimait l’intérêt collectif et de la nécessaire sanction que les fauteurs de comportement suspect devait subir. Allez demander à la famille Gallimard ou la famille Renault ce qu’ils pensent de ce qu’ils ont subi, du fait de De Gaulle, après la deuxième guerre mondiale, accusés qu’ils étaient d’avoir servi ou collaboré avec l’occupant.


Alors comment le gouvernement peut-il s’y prendre ? Augmenter la pression fiscale à nouveau ? Alléger les charges de nos structures administratives ? Ré-envisager le pacte social ? Modifier la durée des mandatures ? Faire preuve d’autorité ?

Donc une solution de facilité, une de plus consisterait à augmenter le taux de TVA, mais ce serait contraire au souhait de François hollande de faire converger la fiscalité Allemande avec la fiscalité française, d’une part, d’autre part, les augmentations récentes des impôts qui nous ont été imposées pour pallier à ce laxisme et pour répondre favorablement aux exigences des marchés internationaux.

Le gouvernement doit s’y prendre en faisant preuve de réalisme, de pédagogie et d’autorité.

Tout d’abord, est-il envisageable d’augmenter encore la pression fiscale ?

Le taux d’imposition en France est un des plus élevés du monde et la qualité du recouvrement de l’impôt est un des points forts qui fait que la France peut continuer à emprunter à des taux très faibles.

D’une part, au vu du grondement de fonds par rapport à la pression fiscale subie, le gouvernement ne prendra pas le risque d’augmenter davantage les impôts, d’autre part, François Hollande voudra probablement se représenter aux élections et la campagne commencera dans moins de 2 ans, donc il n’envisagera pas de ré-augmenter les impôts car cela signerait immédiatement un second tour UMP VS FN. Donc, les augmentations d’impôts deviennent un tabou. Et puis, dans son récent virage de politique économique, il a annoncé la nécessité de faire converger les systèmes fiscaux Allemands et Français.

Or le taux global d’imposition Allemand est plus bas que le français, et la TVA allemande est à 19 %. Donc, si la TVA doit évoluer ce ne sera pas à la hausse. D’autre part, les études récentes faites dans les pays les plus touchés par la crise ont montré que l’augmentation de la pression fiscale entrainait de facto une augmentation du développement d’une économie occulte et donc de problèmes de blanchiment d’argent, de mise en place de réseau de recyclage de ces liquidités, etc…


Le gouvernement, qui a pris conscience que la pression fiscale devait baisser, va probablement revenir de son colloque en nous expliquant que la bonne stratégie consiste à :

- Réduire notre facture sociale, donc repenser notre système de protection sociale en :

1) Diminuant les montants des assurances chomage

2) Diminuant les remboursements des soins non nécessaires ou en ne remboursant pas les doubles consultations, ou en diminuant la couverture de la CMU, ou en ne donnant pas accès à la CMU aux étrangers avant 10 ans de présence sur le territoire, en donnant un statut semi public, semi privé aux hopitaux et en privatisant certaines structures hospitalières … Bref, toutes les mesures qui permettront de diminuer sensiblement la charge des soins. Cela ouvrira la porte à un système de santé à deux vitesses, voire à trois vitesses.

3) Pour la retraite, il va falloir que les fonctionnaires acceptent de voir les modalités de calcul de leur retraite converger vers celles du secteur privé. Au pays des droits de l’homme, il est scandaleux de s’apercevoir que les fonctionnaires peuvent aujourd’hui percevoir dans le cadre de leur activité des traitements quasi identiques à ceux du privé et percevoir leurs retraites (qui proportionnellement est beaucoup plus importante) en fournissant un effort de travail moindre. Cela est à étudier en fonction de la spécificité des métiers bien sur.

4) Un blocage des augmentations des retraites les plus élevées sera à proposer aussi.

- Réduire le cout de nos institutions :

1) En France, le Président et ses principaux ministres ont leur avion… En Allemagne, lorsque la chancelière se déplace, elle prend les vols, peut-être pas en classe économique, mais elle achète son billet sur une compagnie de vol publique. Cela est anecdotique, mais le cout des uns plus le cout des autres, à la fin cela fait une somme de plusieurs dizaines de millions d’euros qui pourraient être économisée. Beaucoup d’abus se produisent en France par rapport au train de vie de nos élus, et une réforme de nos institutions sera probablement proposée à ce titre. Cela touchera également tous les fonctionnaires des armées et des institutions de la magistrature.

2) Le mille feuille administratif est une hérésie que ce gouvernement ou le gouvernement suivant devra détruire. Cela passe par une première étape : le non-cumul des mandats ou par le non cumul des rémunérations des élus. Puis un plafond de rémunération devra être instauré pour un élu ; un élu ne doit pas s’enrichir sur le dos de la communauté. L’étape suivante consistera à instaurer un système de regroupement des communes, des départements ou des régions pour diminuer le nombre de représentants qui multiplient de ce fait les administrateurs des institutions qu’ils doivent gérer. Ces mêmes institutions pouvant dépenser une énergie et un argent fou pour que leurs choix soient retenus et ainsi exister. Cela se fait au prix d’un gaspillage des fonds public qu’il faut réduire.

Le problème de fond de ces deux énormes chantiers est la manière de les réaliser : la population va s’estimer léser et injustement traiter au regard des avantages qui ont été consentis ces trente cinq dernières années aux plus riches. Frondeurs comme le sont les Français, cela ne se passera probablement pas sans mouvements sociaux… A moins que le gouvernement ne donne les moyens aux syndicats d’exister et de signer les nouveaux accords. Donc le problème pour trouver ces 50 Milliards pour les trois prochaines années, va être plus politique et social qu’économique et fiscal. Et puis, nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne nouvelle de reprise économique meilleure que prévue en étant dans le sillage d’un nouveau pacte de croissance international qui est en train de se dessiner…

Encore et toujours une affaire à suivre…

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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