Le football français en perte de vitesse

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Par Thierry Le Gueut Modifié le 20 octobre 2012 à 7h31

A nouveau, donc, des sourires sur les visages des supporters français à la suite d’un nul inespéré contre la Roja espagnole. Et un peu de soleil bleu, dans l’eau froide du football français. Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Explications.

Ce n’est pas le coaching de Didier Deschamps, ou une tête décroisée d’Olivier Giroud au bout du bout du temps additionnel qui doit masquer la triste réalité. Pas plus que les réélections de Frederic Thiriez à la présidence de la Ligue du Football Professionnel, ou demain, de Noel Le Graet à celle de la Fédération Française de Football. Les bases du football national sont atteintes, et il serait sans doute temps de s’en occuper.


Premier indice. L’affluence dans les stades. La faillite de la rénovation des enceintes sportives, lors de la Coupe du Monde 98, porte ses fruits, si l’on ose dire. Certes, sportivement, certains clubs emblématiques de notre championnat goutent désormais à l’échelon inférieur de la Ligue 2 (Nantes, Auxerre etc..) voire du "National" comme Metz , mais cela ne saurait expliquer que cette barre des 20 000 personnes, en moyenne ait été franchie, et pas du bon coté. Il faudra donc avoir attendu 18 ans, pour qu’enfin, à l’occasion de l’Euro 2016 organisé dans nos contrées, 2 des stades mythiques du football français, Geoffroy Guichard et le Stade Vélodrome puissent retrouver un statut digne des clubs qu’ils abritent.

Deuxième indice. Les licenciés. Si la France n’est pas un pays sportif, ce que tout observateur un peu au fait des choses ne peut que constater, le football français n’en avait pas moins franchi depuis un moment la barre symbolique des 2 millions de pratiquants et dirigeants. Chose désormais terminée, puisque l’on se rapproche allégrement des 1, 8 millions d’acteurs du football en France, avec des conséquences économiques évidentes.

Troisième indice. La chute du bénévolat. Il n’y a pas de football amateur sans les bénévoles. Entièrement focalisés sur la réussite de joueurs professionnels surpayés ou des exploits de tel ou tel club professionnel on en arriverait à oublier que tout cela n’est possible que par le maillage du territoire au travers des 18 000 clubs amateurs qui reposent sur l’investissement humain de ceux qu’on ne voit jamais, qui ne revendiquent rien, sauf l’amour qu’ils portent à leur sport .



Bien sur, le football n’est pas la seule discipline ou s’exerce ce dévouement, mais de par son statut de 1er sport collectif pratiqué en France, la désertion progressive de toute une génération de dirigeants et d’éducateurs menace les bases memes de son implantation, et de son rayonnement.

Quatrième indice. Corollaire du précédent, la disparition pure et simple de clubs. Soit parce que les dirigeants considèrent que la philanthropie a des limites, et que le jeu n’en vaut plus la chandelle, soit qu’ils décident de regrouper leurs forces avec le club voisin. D’ou ces ententes-fusions, que l’on voit proliférer pour des raisons, au départ économiques, et qui touchent désormais le football professionnel (Arles-Avignon, Evian Thonon Gaillard etc..)

Cinquième indice. L’exposition au spectacle. Vécue comme inéluctable par les décideurs de chaines de télévision comme par les dirigeants du football national, la disparition de la plus prestigieuse des compétitions de clubs, ( à savoir La Ligue des champions) des écrans des chaines gratuites constitue à long terme un affaiblissement de ce sport. Certes, TF1, d’abord , et ponctuellement M6 continuent la diffusion des matches de l’Equipe nationale, mais la simple lecture des audiences des matches ne doit pas lasser d’inquiéter les dirigeants.

Tout le monde sent bien l’anomalie de voir un France-Japon scotché à 5 millions de téléspectateurs et je ne suis pas certain que les 8,5 millions de footeux accrochés à Espagne–France rassure grand monde, dans la mesure ou ce match avait fait l’objet d’une campagne médiatique intense, face à un adversaire espagnol considéré à juste titre, comme sans doute la meilleure équipe de tous les temps.



Sixième indice. La Coupe du monde 2014. Jouée au Brésil, terre s'il en est, du ballon rond, les droits de retransmission ont été achetés par TF1, dans un paquet cadeau (si l’on peut dire…) avec celle de l’Afrique du Sud. Tout cela, il y a 7 ans. L’eau a coulé sous les ponts, et même si la FIFA a réussi, a organiser le décalage horaire, en permettant aux européens de voir les matches en début de soirée , la chaine historique française peine à refourguer une partie des matches à sa concurrence, que ce soit M6, mais aussi le nouveau venu quatari Beinsport.

A 135 millions d’euros l’achat, on peut comprendre que des sueurs froides rythment les matches de qualification des Bleus dans les couloirs de la chaine bleue-blanc-rouge. Et si l’exigence de la revente des lots se fait dans la 1ère chaine de télévision européenne, c’est aussi lié au fait qu’elle sait que les rentrées publicitaires liées au matches, vont sinon vers l’amenuisation, du moins vers la stagnation.

Septième indice. L’essor du football féminin. Que l’on ne se méprenne pas. Aucune jalousie de ma part, d’autant plus que j’ai toujours milité pour l’ouverture de sections féminines dans le foot amateur. A contre courant, je dois dire… Pour autant, difficile de ne pas voir dans le succès relatif de nos footeuses, y compris sur feue Direct 8, une critique, en creux, de tout ce que véhicule le football masculin. La fraicheur et la simplicité opposées à l’égocentrisme et au trucage. A tort ou à raison. Peu importe. Mais l’image reste bien celle là tout de même.

Huitième indice. Il résume, à lui seul un peu le tout des sept précédents. Les parents. Le sport, en général, et le football , en particulier, véhiculent des notions éducatives et collectives fortes. Les parents en sont les prescripteurs et décident de l’orientation sportive qu’ils donneront à leurs enfants. Le parent est un spectateur, un téléspectateur, un consommateur, un acheteur de licence pour son gamin de 6 ans, et souvent via sa progéniture, il se projette lui-même.

Et le sport pratiqué, véritable code social, reflète sa perception du milieu ou il amène son fils ou sa fille, avec lequel il doit se sentir en parfait accord. On ne saurait trop conseiller aux décideurs de la Fédération et au bureau prochainement élus, de ne pas oublier cette donne.

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Thierry Le Gueut, vieux routier des médias (20 ans notamment au journal Le Monde) a été dans le civil dirigeant d'un club amateur pendant 17 ans, et est supporter de l'AS Saint Etienne et du Football Club de Rouen.

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