Comment pouvaient faire nos grands-parents pour vivre sans aucune aide sociale ?

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Par Daniel Moinier Publié le 15 décembre 2017 à 5h00
France Aides Sociales Politique Etat
1,84 millionAujourd'hui en France, 1,84 million de familles touchent le RSA.

Alors que les Français bénéficient d’un niveau d’aides jamais atteint, les plaintes n’ont jamais été si importantes provenant de couches très différentes de la population, tant professionnelles que non actives.

Actuellement, la France dépense 34,3% du PIB pour sa protection sociale soit 765 Mds, comparée aux 1226 Mds des dépenses publiques, elle représente plus de 62% de celles-ci ! Si on ajoute toutes les aides autres que sociales : aux entreprises, à la transition énergétique, à l’immobilier, à l’agriculture etc…soit plus de 300 Mds, on arrive à plus 1000 Mds d’aides en tout genre. Leur nombre est très difficile à répertorier car il varie sans cesse, mais il se situe aux environs de 500 aides !

Aujourd’hui, alors que beaucoup de nos concitoyens disent ne pas s’en sortir, boucler difficilement les fins de mois, se trouver en permanence stressés, utiliser un maximum de médicaments notamment des antidépresseurs, et pourtant bénéficier d’un maximum d’aides ; comment pouvaient faire nos grands-parents à leur époque sans aucune aide ? Ce sont trois circonstances et rencontres qui m’ont interpellé et décidé à écrire cet article. Lors des Jécos de Lyon, trois journées de l’économie avec plus de 200 économistes, à la fin d’une séance je me suis retrouvé avec un groupe de jeunes de niveau prépa, qui m’ont posé des questions sachant que mon 6ème livre venait de sortir. Comment faire repartir l’économie. ? J’ai avancé plusieurs possibilités dont l’augmentation des temps de travail ; pourquoi pas 40 heures... Stupéfaction, ils étaient presque tous à penser partager le travail, aller à 32 heures et même 30, passer à 6, voire 7 semaines de congés et même pourquoi pas augmenter le nombre de jours fériés !

Cette fois lors d’une réunion, c’est un groupe de personne plus âgées qui propose de faire partir des séniors plus tôt, pour faire de la place aux jeunes. Théorie maintes fois évoquée, y compris par beaucoup de politiques. Ce qui voudrait dire rediminuer la date de départ en retraite ou créer une « période » permettant d’atteindre la retraite. Qui paiera ? Et c’est surtout, ne pas penser en termes d’économie globale. La troisième, lors d’une commission sur le numérique, un jeune entrepreneur de start-up, me dit réfléchir à réduire ses horaires à moins de 35 heures pour que chacun soit plus « cool » et également vouloir aller vers la décroissance, plus d’emplois pour tous en travaillant moins ! Autre questionnement : Comment trouver un emploi s’il n’y a pas assez d’emplois ? De la part d’un employeur cela m’a beaucoup surpris.

Pour bien comprendre l’évolution économique de la France, son endettement progressif, son incapacité à se redresser, il est intéressant de rappeler les principales lois sociales misent en place :

- Les allocations familiales ont été véritablement créées en 1932 mais seulement étendues à tous en 1946.
- La Sécurité Sociale a été créée en 1945.
- En 1958, Le Général de Gaulle, dans une période de plein emploi (sans chômeur), décide de créer l’Assurance Chômage devenue Unedic-Assedic.
- L’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi) ancêtre de Pôle Emploi (crée en 2008) a vu le jour en 1967, création à l’apparition des tout premiers chômeurs. Avant c’était les bourses du travail qui géraient les flux sortants et rentrants en entreprise.
- En 1977, c’est l’apparition de l’APL (Aide Personnalisée au Logement)
- En 1988, création par Michel Rocard du RMI (Revenu Minimum d’Insertion). C’est en fait une transformation de l’indemnité chômage qui se composait de deux parties ; d’une indemnité de base fixe pour tous non limitée dans le temps, et d’une autre indemnité proportionnelle aux salaires perçus, limitée à deux années. C’est cette indemnité de base qui est passée RMI après ces deux années. Par contre ce qui a énormément changé, c’est que le calcul n’était plus le même puisque pas uniquement pour le chômeur mais pour toute la famille. A titre d’exemple une famille de 3 enfants perçoit 1341,95€ par mois de RSA socle. (Revenu de Solidarité Active), alors qu’il n’aurait perçu (le Chef de famille) que 545,48€ !

Lors de sa création il y avait environ 100.000 familles bénéficiaires, aujourd’hui c’est 1,84 million et 2,9 millions de RSA d’activité. L’ensemble des personnes bénéficiant d’une indemnité se monte à près de 5 millions en 2017 ! Et c’est principalement les départements qui déboursent en criant de plus en plus au secours, vu l’augmentation presque constante des bénéficiaires.

Alors comment vivait une famille avant la guerre de 1939/45 sans aide ou presque ?

Il faut se rappeler qu’en plus, il existait beaucoup de grandes familles, dont certaines de plus de dix enfants. Il fallait au minimum une famille de cinq enfants pour être qualifié de famille nombreuse. La France était un pays essentiellement rural. L’exode rural plus massif a démarré surtout après la guerre et 1950, pour s’amenuiser vers 1975. Il y avait eu entre les deux guerres une arrivée massive de polonais. Mais c’est surtout après 1945 que le flux a été important avec l’arrivée en premier, des italiens, puis des espagnols, ensuite des portugais et des magrébins ; tunisiens, marocains et surtout après la fin de la guerre d’Algérie en 1962, l’arrivée massive des algériens en général les hommes seuls au départ et des pieds noirs (anciens colons).

A cette époque les temps de travail étaient très élevés. Le chef de famille faisait souvent double journée ; en usine 48 à 50 heures semaine, voire plus et le travail des champs ensuite. Parfois même pour augmenter sa paie, il pouvait faire deux fois huit heures la même journée. Il fallait nourrir toute la famille. Dès que les enfants étaient physiquement aptes à travailler ils participaient aux travaux des champs, mais aussi des bois. La femme en plus des repas, entretenait la maison…s’occupait aussi des travaux des champs, plantations, cueillette… Le bois servait à alimenter le seul poêle qui chauffait toute la maison. Les journées étaient longues souvent éreintantes, Les chambres pouvaient contenir trois, voire jusqu’à cinq enfants, sans chauffage avec des « fleurs » au matin sur les vitres. Malgré cela personne ne se plaignait, c’était la norme.

La paie n’était pas souvent importante et la viande n’étant pas à la portée de tous, c’est l’élevage personnel qui prenait le relai : Cochon, poules, lapins, canards, oies…Ce qui impliquait de s’investir beaucoup en dehors de son travail pour nourrir tout ce petit monde. Malgré toutes ces contraintes chacun semblait toujours heureux de vivre, sans stress…Il est vrai qu’on ne parlait pas de productivité. Il n’y avait pas de réfrigérateur, de télévision, ni même de vélo, il fallait aller travailler à pieds. Dans les villages, les personnes qui ont pu se payer les premières voitures étaient le curé, le patron d’usine et parfois le maire ou une famille plus riche.

Comment a-t-on pu arriver à un tel changement de vie, de pauvreté, de stress, de mal vivre ?

Les durées de travail ont progressivement diminué pour atteindre les 35 heures que l’on connait actuellement. Personnellement, j’ai été au collège puis à l’ENP (Ecole Nationale Professionnelle ancêtre des Lycées Techniques) en temps qu’interne pendant six années. Je ne rentrai qu’une fois par mois. Les horaires allaient de 40 à 45 heures par semaine, les études tous les jours de la semaine y compris le week-end se montaient à environs 32 heures par semaine. La seule distraction possible, une heure à la messe et quatre heures de ballade l’après-midi le dimanche, encadrés par un ou deux pions et en plus de cela des dortoirs de quarante surveillés, aucune fille ou femme même pour les profs.

A cette époque, les étudiants trouvaient presque tous un emploi à la rentrée de septembre, cela va faire rêver ceux d’aujourd’hui qui mettent pour certains plus d’une année pour rentrer dans la vie active en passant pour une part par des emplois aidés peu rémunérés. Mon activité professionnelle a commencé dans un grand groupe avec des horaires de 50/52 heures semaine minimum, comme tous. Certains demandaient même à faire plus d’heures supplémentaires.

L’intermédiaire des presque deux années d’armée ne m’ont pas beaucoup changé par rapport au pensionnat. A la rentrée, reprise dans la même société. Puis 68 est arrivé, presque trois mois de blocage de l’usine par des syndicats externes. Ensuite diminution des horaires jusqu’à atteindre 42h30 dont la ½ heure du repas payée. Puis fermeture de l’usine car moins rentable…suite d’une chute progressive. C’est à partir de la que j’ai recruté en intérim. Un souvenir me vient souvent à l’esprit : Mon collègue me dit « Quand tu verras un chômeur s’inscrire, tu m’appelles ». Il est vrai que les premiers vrais chômeurs à cette époque étaient mal vu, il ne se faisaient pas voir, les familles n’en parlaient pas, un peu comme à l’apparition du sida.

Les années 1982/83 ont sonné le coup de grâce à l’économie, avec l’amplification du chômage, des déficits. Les ordonnances sous Mitterrand en ont été l’amplificateur :
- Passage de 40 à 39 heures payées à l’identique
- 5ème semaine de congés
- 8 Mai redevenu férié (supprimé sous Giscard d’Estaing)
- Et surtout le passage de 65 à 60 ans du départ en retraite

Cette dernière seule loi nous coûte la « modique » somme de 300 Milliards de moins par année dans l’économie, la cause principale de notre endettement. Et oui, 5 années de productifs qui gagnent le plus, dépensent le plus, paient plus d’impôts, sont mis au « rébus », devenus des improductifs avec une retraite à payer dont les cinq dernières années non pas été cotisées, avec des retraites supplémentaires à payer qui engendrent de ce fait, une baisse de consommation, moins de rentrées d’impôts et surtout de charges sociales. Depuis le 1er janvier 2017, nous avons récupérer deux années avec la retraite à 62 ans. Il manque encore 3 années pour retrouver 180 milliards, sachant que depuis 1983 la durée de vie a augmenté d’environ 9 années !

Il faut bien avoir en tête que les cotisations sur salaires sont passées de 6,8% à plus de 22% et celles des employeurs multipliées par deux pour compenser la baisse des temps travail

Il s’en est d’ailleurs suivi deux dévaluations du franc, après celle de 1981, ce qui a complétement affaibli et appauvri la population. C’est Laurent Fabius qui a été appelé à la rescousse pour essayer de redresser les comptes de la nation. N’arrivant toujours pas à se départir des déficits et surtout ceux de la Sécurité Sociale qui atteignaient des niveaux insupportables, Michel Rocard a eu la « riche idée » de créer la CSG (Contribution Sociale Généralisée) dont une partie est fiscalisée sur ce qui n’est pas perçu, un comble ! Cette CSG d’ailleurs au fil du temps n’a fait qu’augmenter et s’étendre à presque toutes les transactions financières, y compris sur les retraites, l’Assedic des chômeurs…et avec une nouvelle hausse de 1,7% au 1er janvier 2018 !

Alors qu’est-ce qui pourrait rendre nos français plus optimistes moins revendicatifs, moins râleurs, maugréeurs, nous sommes presque les plus pessimistes du monde ?

On peut s’apercevoir dans cette analyse que ce n’est pas la baisse du travail, le confort, plus de loisirs, internet, les portables et toutes les technologies numériques qui ont rendu les gens plus heureux, cela semble être même le contraire. Ce n’est peut-être pas non plus la décroissance prônée par certains qui serait la panacée compte tenu des bouleversements économiques engendrés. Alors quoi ? En premier, il est nécessaire de retrouver une nation qui retrouve la valeur travail et vit avec un minimum d’aides, avec des gens autonomes tel que c’était à l’époque de nos grands-parents, mais tout en conservant en partie le « confort » et le niveau de vie actuel.

La solution, remonter le niveau par le bas, par le travail, augmenter le niveau du PIB pour que la France ait une gestion positive, une diminution de son endettement, donc plus de rentrées fiscales pour diminuer l’étau des charges, impôts, taxes, prélèvements, ne plus avoir que des emprunts d’investissement et non pour boucher les « trous » des déficits (225 Mds pour 2016). Ce qui augmenterait immédiatement les marges des entreprises permettrait une meilleure compétitivité, plus d’investissements, plus de consommation, plus d’embauches et une diminution très substantielle du chômage sans avoir recours à de nouveaux emprunts et impositions en tout genre.

www.livres-daniel-moinier.com

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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