Les « pigeons » doivent faire de la politique

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Par Modifié le 6 octobre 2012 à 7h06

Nous, hauts fonctionnaires de Bercy, ne lassons pas de nous étonner de cette brusque éruption de mécontentement de la part de ces entrepreneurs qui se fontappeler les "pigeons". Comme s'ils se découvraient, dans l'équilibre byzantin des intérêts à partir desquels naissent les politiques publiques, la dernière roue du carrosse. Nous leur livrons ici un secret de Polichinelle : la conception de la politique économique en France, depuis trente ans, se fait sans aucune véritable considération de ce qu'ils sont, de leurs difficultés, ni même de ce qu'ils apportent au pays.

Comment pourrait-il en être autrement, alors que la gauche au pouvoir s'est muée au cours des dernières décennies du parti des ouvriers en celui des fonctionnaires, privilégiant encore et toujours, dans le partage des prébendes qu'alimentent nos impôts, les fonctionnaires, qui majoritairement la soutiennent ? La droite n'est pas si différente, sans idée depuis qu'après ses échecs de 1988 et 1997 elle n'a eu de cesse, Nicolas Sarkozy compris, d'acheter la paix sociale.

Comment pourrait-il en être autrement dans un pays où, hier comme aujourd'hui, ni le président de la République, ni ses ministres, ni leurs collaborateurs proches n'ont jamais, ou alors extrêmement marginalement, travaillé dans le secteur privé ? Où les rares exemples de personnalités venues du privé en politique, non seulement n'y apportent pas le regard critique qu'on pourrait souhaiter, mais au contraire adoptent sans coup férir les pires travers du monde politique, qui n'en manque pas ? Que ne ferait-on pour conserver un maroquin ou s'asseoir à la table du conseil des ministres ? Posez-donc la question à Mme Lagarde, trop heureuse de lire nos notes qu'elle ne comprenait visiblement pas (mais en anglais) aprèsavoir renié au premier jour ses convictions pourtant claires et justes sur le droit du travail.

Comment pourrait-il en être autrement dans un pays où une entreprise, à peine créée, encore dénuée de clients (horreur), de chiffre d'affaires (bis) comme beaucoup de "pigeons" et parmi les auteurs de ces lignes le savent bien, elle reçoit les hommages appuyés et diligents de l'administration fiscale ?
Comment pourrait-il en être autrement dans un pays où l'enseignement de l'économie évite avec un talent rare d'expliciter ce qu'est une entreprise pour exclusivement se concentrer sur des grandeurs macroéconomiques abstraites ? La sortie de Vincent Peillon sur la sensibilisation à l'entreprise dès la classe de 6ème n'en est que plus comique...


A la vérité, la colère de ces "pigeons" nous ferait presque sourire si nous-mêmes, archaïques hauts fonctionnaires sur lesquels la classe politique ne manquera pas de se défausser, n'avions aussi hautement conscience qu'il est vital, si notre pays veut s'en sortir, que la voix de l'entreprise soit enfin entendue.
Mais qui défendra nos malheureux "pigeons", et plus largement ceux et celles des Français qui travaillent et produisent, une fois que l'ampleur de l'ajustement que doit réaliser la France sera révélée ?

Sans doute pas le Medef, petit télégraphiste inaudible de l'intérêt bien compris des grandes entreprises, qui, elles, savent faire avancer leur intérêt, et, si nécessaire,trouver hors de France les débouchés nécessaires.
Sans doute pas le Parlement, si faible dans notre système politique, et si avare dans sa composition de véritables entrepreneurs.
Sans doute pas la presse, malgré sa bonne volonté, qui reste trop déférente vis-à-vis d'une classe politique centralisée, toute puissante, rétive à l'entreprise.

Les entrepreneurs doivent s'investir en politique et être enfin représentés au Parlement. Les hauts fonctionnaires devraient, obligatoirement, effectuer une étape de leur carrière dans les entreprises. Enfin, ils doivent exister dans le débat public, et ne plus se contenter d'une représentation patronale archaïque.

Si les entrepreneurs veulent défendre leur cause, et avec elle, nous le croyons, celle de la liberté d'entreprendre, du dynamisme, de l'innovation, de la compétitivité, et finalement de la prospérité et de l'emploi, nous leur livrons un autre secret : ils doivent comprendre, comme Clemenceau, qui lui ne galvaudait pas les mots de "redressement national", que l'entreprise et l'économie sont choses trop fragiles et importantes pour demeurer encore longtemps entre les mains de cette classe politique qui les méprise et, disons-le, les exploite.

Les Arvernes, collectif de hauts fonctionnaires de Bercy

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