Gilets jaunes : Quand le peuple s’organise… ou pas

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Par Philippe Bapt Modifié le 24 novembre 2018 à 0h19
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100 MILLIARDS €La fraude fiscale en France aurait crû depuis 2013 atteignant 100 milliards d'euros.

OPINION

Il est un fait certain : pas une télévision, pas une radio n'a ouvert ses journaux sans parler des gilets jaunes. Leurs points de barrages, leurs responsables locaux, leurs points de lutte...et tout de même les débordements oraux, physiques, directs ou induits. Bilan à ce jour 2 morts et plus de 500 blessés dont certains dans un état grave.

Gilets jaunes : pourquoi maintenant ?

Et pour continuer, chaque jour les gilets jaunes occupent l'espace médiatique avec le futur incertain de leur mouvement: en route vers Paris ou pas, une révolte ou une révolution, les récupérations en tout genre...de l'extrême gauche à l'extrême droite en passant par Debout la France...

Bref pas un moment même sur le net où on est interpellé par des fakenews sur la participation supposée extraordinaire du peuple de France à ce mouvement 2.0 .

A bien y regarder de plus près, ce mouvement a beau n'être basé que sur un ramassis de revendications allant de l'arrêt des radars à 80 km/h aux hausses de la CSG et de l'essence ou du diesel, il faut toutefois ne pas minimiser ce qui se passe devant nous.

L'explication que je vous propose est basée sur trois piliers.

Dans un premier temps on sous estime trop les effets pervers du quinquennat : procédé électoral actant concomitance de début et durée de mandats présidentiel et legislatif qui devait assurer une stabilité en termes politique. Datant de la cohabitation Chirac-Jospin entre 1997 et 2002, cette période est révolue. L'idée de "L'homme providentiel" en place pour cinq ans avec sa majorité trouve ici son point final... A tout le moins ses points de suspensions!

En second lieu vient la déconsideration des corps intermédiaires : partis politiques, syndicats, journalistes ... Cette dépréciation est en partie due à des affaires : corruption, frais de bouche, évasions fiscales, blanchiment d'argent pour certains, réfection d'un appartement pour les uns ou frais de déplacements pour les autres, enfin une porosité coupable pour d'autres encore, le tout parsemé de soutiens corporatistes à la survenue des implications judiciaires... Il n'en reste pas moins que pour le citoyen: les éléments de contrôle ne paraissent pas très importants et pertinents et le système paraît gangrené lorsque les dirigeants impliqués ne sont au pire pas poursuivis et au mieux ne goûtent jamais aux geôles républicaines.

Tout cela en miroir de faits divers tragiques dès lors qu'il s'agit de pauvres citoyens: en janvier 2018 ce SDF qui, selon son propre aveux, « volait des sandwiches et des mini-pizzas dans la poubelle, des canettes de soda et une nappe pour se couvrir quand il fait froid » fut condamné à 3 mois avec sursis et 210 heures de travaux d'intérêt général. En avril 2017, cet autre citoyen condamné pour: vol d’un paquet de saucisses de Strasbourg, de chaussons aux pommes et d’une brosse à dent électrique dans un magasin à Bordeaux. Montant du préjudice ? 20 euros : sanction 15 jours de prison.

Vous imaginez ? 75 jours ( 2,5 mois) de prison pour 100 euros volés... certain(e)s auraient une sacrée retraite qui les atteindrait si....

Enfin, avant dernière ou antépénultième sommation: l'implosion politique de 2017. Tellement nécessaire pour une remise en cause des écuries classiques politiques promptes à fournir année après année de nouvelles têtes prêtes à s'occuper de notre avenir sans même parfois n'avoir travaillé comme vous et moi. Sans avoir compté euro après euro ou dû jouer à cache-cache avec sa banque. Mais prompt à décider qui, quand, pourquoi et surtout comment je dois vivre en société.

Les premiers de cordée ont dévissé

Le "nouveau monde" incarné par un président jeune et motivé n'allait pas tout résoudre d'un coup de baguette magique.

Il est là, présent, assez attaqué pour des broutilles, mais surtout promeut une politique économique qui ne donne pas ses fruits. Le ruissellement des "premiers de cordée" tarde à se voir. D'autant plus que la fraude fiscale bat des records. Et ce n'est pas la classe moyenne qui est, ici, à la manoeuvre! Entre le scandale des CumEx files, celui des GAFA, voilà que l'on apprend que la fraude fiscale en France aurait crû depuis 2013 atteignant 100 milliards d'euros :" Les 100 milliards viendraient financer le déficit budgétaire". En clair on a promis aux plus riches des dégrèvements pour investir dans l'économie du pays, alors que :

1/ils avaient déjà les moyens d'investir

2/ ils continuent et accroissent la fraude.

Peu importe si le pays se retrouve peu à peu dans le chaos.

Un "automne gaulois" ?

Après cette explication basée sur des faits agrémentés de discussions et de lectures, la question suivante est: quel avenir pour ce mouvement ? Certains le comparant déjà aux debuts du "printemps arabe".

Un "automne gaulois"? Version village d'Astérix...prêts à se battre quelles qu'en soient les raisons? Si la vitalité de la mise en place de ce mouvement est à mettre sur le compte de la viralité des appels via le réseau social des plus de 30 ans, il faut rester prudent mais attentif après le premier samedi, 17 novembre, de manifestation.

Premier constat, côté manifestants : 2 morts directs ou induits, bagarres, paroles racistes, plus de 500 blessés, n'ont pas l'air de désarçonner les tenants du mouvement.

Second constat, les nouvelles têtes qui apparaissent s'appuient sur des vidéos selfies désormais avalisées par la secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Emmanuelle Wargon, qui a usé de ce procédé pour répondre à la vidéo en mode "coup de gueule" qui a lancé le mouvement gilets jaunes.

Bref penser qu'entre les fake news relayées sur les messageries instantanées et ces appels à manifester jusqu'à Paris, ce mouvement va disparaître comme dirait Jacques Chirac en faisant "pschitt!", c'est se mettre le doigt dans l'oeil.

Penser que diaboliser ce mouvement via la proximité de pensées entre ses responsables locaux et l'extrême droite suffira à endiguer le phénomène est se mettre un second doigt dans l'oeil.

Souci : nous, comme le gouvernement n'avons que deux yeux !

Alors, en Marche ou en Moonwalk ?

En l'absence de réponse globale, de réelles avancées sur le front du sujet principal depuis 2015, le pouvoir d'achat, la cristallisation de ce mouvement fera naître en France ce que les États-Unis connaissent depuis dix ans sous le nom de Tea party (degré zéro de conscience politique en termes d'histoire, de géopolitique) et avènement dans un second temps d'un dirigeant populiste.

Pour moi, Emmanuel Macron est le Barack Obama de la France. Juste n'aura-t-il pas deux mandats pour redresser le pays ! Car outre le populisme ambiant, il ne peut, ni sa majorité, compter sur les cadres des partis traditionnels qui lui reprochent globalement d'avoir oser préempter leur tour d'élection en 2017, en chamboulant à ce point le paysage politique français.

Au moment de conclure, je me pose des questions. Rester "droit dans ses bottes" façon Alain Juppé en mode 1995, est-ce la solution ? Comment répondre à un mouvement protéiforme qui mêle différentes revendications (avec 77% d'opinions favorables) ?

Enfin quand on connaît le rôle de la confiance dans un système économique et en quoi les institutions sont centrales pour fonder et entretenir cette confiance, comment imaginer pire année après le conflits SNCF puis celui-ci ?

Comment peut-on laisser 300 000 personnes, même le double sur le territoire, représentant au mieux 0,93% de la population française bloquer un pays ?

Déjà ce n'était pas en snobant le corps intermédiaire qu'est le congrès des maires !

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français. 

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