Grande distribution : les fournisseurs moins que jamais maîtres de leur tarif

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Par Richard Panquiault Modifié le 13 avril 2018 à 6h33
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25 %Dans l'alimentaire, 25 % des fournisseurs au lieu de 38 % en 2017, ont pu augmenter leur prix net.

Alors que 2017 avait connu une relative détente des relations industrie-commerce, et que les ÉGA promettaient une confirmation de la tendance, les négociations 2018 ont fait l’effet d’une douche froide : tout reste à faire pour que le secteur des PGC sorte d’une spirale destructrice.

Fin 2017, les engagements pris à l’issue des ÉGA laissaient espérer pour 2018 une pression déflationniste inférieure à celle qui avait sévi les années précédentes, d’autant que les hausses des matières premières étaient en général supérieures.

Les résultats de l’enquête que l’Ilec a conduite parmi ses adhérents autour des négociations 2018 montrent qu’il y a eu au contraire une dégradation tarifaire plus forte qu’en 2017 :
– 1,1 % en moyenne au lieu de
– 0,6 % ; moins de hausses des prix nets, mais encore des hausses moins fortes et des baisses plus fortes que l’an dernier.

Dans l’alimentaire, 25 % des fournisseurs au lieu de 38 % en 2017, ont pu augmenter leur prix net. Et pour plus d’un tiers de ces 25 %, ils l’ont fait au prix d’un plan d’affaires dégradé. Dans la grande majorité des cas où il y a eu baisse unitaire des prix nets, elle n’a pas été compensée par un développement prévisible du courant d’affaires au titre des contreparties.

L’évolution des « prix convenus » au sens de la loi ne compense donc pas celle des matières premières, a fortiori pas celle des besoins économiques globaux des industriels. Seuls 15 % des adhérents de l’Ilec dans les catégories alimentaires estiment que le résultat de la négociation couvre leurs besoins. L’Ilec évalue l’écart entre résultat de la négociation et besoin à 2,4 points dans l’alimentaire (2 en 2017), et à plus de trois dans le non-alimentaire, où les PGC connaissent leur sixième année de déflation : il y est devenu impossible d’augmenter un tarif. Plus que jamais, la construction du prix marche à l’envers.

Et la dégradation du prix ne s’arrête pas là, puisque vont s’y ajouter les dérives grandissantes, au vu de l’exercice 2017, des promotions, des accords internationaux généralement dépourvus de contreparties, et des pénalités. Sous l’aspect relationnel, la dégradation a été la tonalité dominante entre fournisseurs et acheteurs.

Embellie sans lendemain en 2017

Les négociations commerciales s’étaient pourtant déroulées dans des conditions moins défavorables que les années précédentes en 2017. La charte FCD avait alors contribué à améliorer la situation dans les box, et dans la suite de l’exercice les plans d’affaires ont été globalement mieux respectés, tandis que les industriels étaient moins nombreux à être contraints à des renégociations en cours d’année (un sur deux, au lieu de deux sur trois en en 2016). Pour les fournisseurs, l’impact financier de ces renégociations postérieures à la signature de l’accord annuel a été de ce fait divisé par trois.

Les déréférencements employés comme arme de négociation ou renégociation ont eux aussi reflué l’année dernière: un adhérent de l’Ilec sur quatre seulement a été touché, au lieu de trois en 2016, et les déréférencements ont complètement disparu au sein du groupe Casino. Là aussi, le coût pour les industriels de ces pratiques a été divisé par trois. Il y a lieu de voir dans l’embellie 2017 l’effet de l’action des pouvoirs publics (DGCCRF) dans la période post- négociations.

Indispensable effort de contrôle

Sur la base de ce constat, il paraît essentiel de faire contrôler et de sanctionner les abus et les pratiques illicites qui ont entaché les négociations 2018 ; devraient être en particulier visés les accords signés sous la contrainte et reposant sur des bases illégales, en ce qu’ils font coïncider une baisse des prix nets et des plans d’affaires, au mépris de la jurisprudence de la Cour de cassation du 25 janvier 2017.

Le second enjeu de contrôle consiste à s’assurer que le développement spectaculaire des accords de toute nature signés à l’étranger n’a pas comme vocation première ou comme conséquence pratique pour les distributeurs de s’exonérer du droit français, avec pour effet d’introduire des distorsions de concurrence entre eux.

Améliorer les textes

Les industriels ont aujourd’hui perdu toute maîtrise de leur tarif, donc de leur capacité à pérenniser leur activité en France. Or le tarif est l’affaire du fournisseur, comme le prix de revente final celle du distributeur. La liberté de celui-ci à fixer le prix consommateur ne sera nullement contrariée par le relèvement annoncé du seuil de revente à perte, bien au contraire, puisqu’il aura tout loisir de réinvestir la marge ainsi dégagée, par exemple pour rendre plus accessibles les produits agricoles non transformés dont les ÉGA ont voulu augmenter la diffusion (fruits et légumes bio…), ou dans des MDD qui ne jouent plus leur rôle d’offre pour petits budgets.

Le texte de loi en préparation échouera à inverser la spirale déflationniste qui appauvrit tous les acteurs de la grande consommation, du commerce à la production agricole, s’il ne comprend pas les mesures à même de protéger le tarif des industriels, en plus de la limitation de la surenchère promotionnelle, du moyen d’appréhender les accords internationaux et de la moralisation du recours systématique aux pénalités. L’Ilec attend aussi une loi d’application immédiate à sa promulgation, afin de dissuader une surenchère promotionnelle en fin d’exercice qui empêcherait toute application effective des mesures avant la fin de l’année 2019.

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Richard Panquiault est directeur général de l’Institut de liaisons et d’études des industries de consommation (ILEC). Ce dernier regroupe près de 80 entreprises fabriquant des produits de marque de grande consommation, de notoriété nationale et internationale, alimentaires et non alimentaires. Les entreprises de l’ILEC pèsent près de 35 milliards d’euros, soit 50 % du chhiffre d'affaires alimentaire en grandes et moyennes surfaces.

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