Le FMI et la crise grecque

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 16 juillet 2015 à 8h20
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2,2%Les privatisations, en Grèce, ne rembourseront que 2,2% de la dette selon le FMI.

Le rôle du FMI

Le FMI qui réunit 188 pays membres joue un rôle complexe dans un monde qui s’est financiarisé. Depuis les accords de Bretton Woods le 27 décembre 1945, il vient en aide aux pays en réelles difficultés financières. Sa principale mission a été de gérer le système monétaire international basé sur un système de change fixe. Les taux de change sont établis par les marchés financiers depuis 1973. Depuis sa création, le FMI a toujours accompagné des pays en guerre ou en voie de développement comme le Pakistant, l’Argentine, par exemple. Avec la financiarisation des économies depuis le début des années 2000, le FMI a du s’adapter. Selon ses propres règles, le FMI n’aurait jamais dû intervenir en Grèce en 2010.

Le FMI et la Grèce

C’est durant les années 2008-2009 que l’Union Européenne et le FMI réalisent qu’elles méconnaissaient la situation financière exacte de la Grèce.

En ce 15 juillet 2015, le FMI va continuer d’influer les pays de la zone euro pour renégocier la maturité de la dette. Même si l’argent frais arrive prochainement en Grèce, le pays serait toujours dans l’incapacité financière de rembourser une dette qui représente aujourd’hui 180% de son PIB. Le ratio de la dette/PIB peut continuer d’augmenter si la situation économique grecque continue de se détériorer.

Il y a eu une divergence entre l’Allemagne défendant l’orthodoxie budgétaire et le FMI défendant une renégociation de la dette grecque. Cette dette a atteint un tel niveau qu’elle n’est plus supportable. Si l’Europe n’allège pas la dette grecque, cette dernière dépassera les 200% du PIB dans les deux prochaines années. Olivier Blanchard, Directeur des études du FMI, critique les actions suivantes :

-Le programme de 2010 n’a servi qu’à alourdir la dette et a exigé un ajustement budgétaire excessif.

-Le financement accordé à la Grèce a servi à rembourser les banques étrangères.

-Les réformes structurelles nuisibles à la croissance et l’austérité budgétaire ont provoqué une dépression économique.

-Les créanciers n’ont rien appris et ils continuent de commettre les mêmes erreurs.

Le FMI et la dette grecque

L’institution de Washington ne prête jamais sans conditions. En effet, le pays emprunteur doit accepter la réalisation d’un programme de mesures et de privatisations afin de pouvoir rembourser les créanciers dans les meilleures conditions. Les réformes doivent permettre de restaurer leur balance des paiements lorsque ces dernières permettent de renouer avec la croissance comme ce fut le cas en Argentine. Lorsqu’un pays est fragilisé économiquement comme la Grèce, les mesures peuvent avoir des conséquences sociales et sociétales fortes.

En cas de défaut de paiement, le FMI est toujours remboursé prioritairement devant les autres créanciers. Les non-remboursements sont relativement rares même si la Grèce est en défaut de paiement de 1,6 milliards d’euros auprès du FMI le 30 juin 2015, puis de 456 millions d’euros le lundi 13 juillet 2015. Un pays peut parfaitement cumuler plusieurs défauts de paiement auprès du FMI. Celui-ci peut allonger la maturité d’une dette mais ne l’annule jamais. Les agences de notation Moody’s et Standard & Poors, n’ont pas noté la Grèce en situation de défaut de paiement. La dette grecque auprès du FMI représente 21 milliards d’euros soit 6,5% de la dette totale de la Grèce. Avec un Grexit, le FMI provisionnerait sa plus grosse perte depuis sa création. Le dossier grec est suivi de près par la Maison Blanche puisque le Grexit aurait des conséquences économiques, gépolitiques et stratégiques pour l’Amérique du nord. Les États-Unis n’ont aucun intérêt à voir l’Union Européenne s’effondrer financièrement et diplomatiquement.

Même si Athènes ne rembourse pas sa dette à la BCE et à l’Union Européenne, elle devra rembourser le FMI dans tous les cas. La Grèce va devoir négocier un nouveau prêt avec le FMI. Comme n’importe quel créancier minoritaire, le Fonds surveille les intérêts de tous ses pays membres et observe les conséquences qui peuvent résulter des négociations.

Dans le cas d’un troisième plan d’aide, la Grèce recevrait des créanciers publics 80 milliards d’euros. Le FMI participerait pour un montant variant entre 15 et 25 milliards d’euros. Dans cette dernière négociation du 13 juillet 2015, l’Allemagne a exigé la présence du FMI. En cas d’absence du FMI, l’Allemagne ne serait pas intervenu dans le nouveau financement.

Le FMI et la renégociation de la dette

Suite aux 3e plan d’aide et aux nouvelles réformes (TVA, retraites, …) que la Grèce devra adopter, le FMI n’est pas convaincu que les Grecs obtiennent un excédent budget primaire de 3,5% (hors charges des intérêts de la dette) d’ici 2018 et que les privatisations rapportent 50 milliards d’euros. En réalité selon le FMI, le produit des privatisations ne devrait pas dépasser les 7 milliards d’euros soit 2,2% de la dette totale de la Grecque. Depuis le 11 juillet, le FMI suggère d’augmenter la maturité la dette de 10 à 30 ans. Durant ce délai, la Grèce benéficierait d’un délai de grâce et ne paierait aucun intérêt. Le FMI propose aussi que les créanciers procèdent à un effacement d’une partie de la dette. Comme le prévoit les statuts de l’institution de Washington, le FMI ne souhaite pas alléger les prêts qu’elle a elle-même accordés à la Grèce. Le rôle du FMI dépendra des resultats du vote des parlementaires grecs et de l’attitude de l’Union Européenne dans les prochains jours.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.

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