Les Etats-Unis seront les seuls véritables gagnants de la guerre des monnaies

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Par Charles Le Lien Modifié le 6 mars 2013 à 2h17

« Les grands argentiers » du G20 réunis à Moscou les 15 et 16 février dernier ont proféré leurs augures dans le rituel communiqué de conclusion de leurs échanges convenus. Ils ont par exemple à nouveau « juré craché » qu’ils s’abstiendraient « de procéder à des dévaluations compétitives », bien qu’ils fassent exactement le contraire. En effet, comme le titre une enquête de La Croix du 11 février : « les banques centrales veulent des monnaies faibles… sans vraiment le dire ». Les banques des Etats sont engagées dans des politiques de dépréciation compétitive tout en affirmant le contraire, et la BCE rentre dans le paddock pour ne pas être le dindon de la farce.

Décodons ici le message subliminal d’un autre engagement rituel, quoique plus sybillin, figurant en bonne place dans les communiqués finaux du G20 finances : « progresser plus rapidement vers des systèmes de taux de change davantage déterminés par les marchés ».

Cette phrase d’apparence orthodoxe entre gens « sérieux » (pas des « anti-capitalistes » dont la référence au marché hérisse le poil) est en fait la signature américaine du maintien de l’imperium monétaire des Etats-Unis sur le monde et c’est pourquoi elle ne fait jamais défaut. Elle est particulièrement pernicieuse, les lecteurs doivent le savoir.

Sous couvert d’une affirmation politique de « laissez-faire » à destination obvie d’une Chine suspecte de sous-évaluer politiquement sa monnaie par rapport au dollar, elle vise en fait à obtenir quitus a priori de la communauté internationale pour la dépréciation indéfinie du dollar, laquelle découle inévitablement d’une politique monétaire américaine hyper-interventionniste dont les taux nuls ou négatifs font fuir les capitaux et subventionnent donc endémiquement l’économie américaine et de la zone dollar au détriment de la zone euro en particulier.

Sous couvert de libre-échange elle avalise le mercantilisme américain, très mal placé pour faire la leçon au mercantilisme sino-japonais. Tant qu’il y aura assez « d’idiots utiles » pour proroger cette servitude volontaire, qui a débuté par une soumission intellectuelle devant la « théorie » ad hoc des changes flottants vendue au reste du monde pour faire passer la pilule de la « cessation de paiements » américaine (à laquelle correspond en fait la « suspension » de la convertibilité-or du dollar de 1971) les communiqués du G 20 pourront pérorer à volonté sur les autres sujets qui « font plaisir aux Européens ». L’essentiel est sauf une fois encore.

Le dollar « flottant », c’est-à-dire qui coule lentement et entraîne le reste du monde dans son sillage, est la véritable toxine de la mondialisation, mais personne n’ose se l’avouer, a fortiori le crier haut et fort.

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Spécialiste des questions monétaires, Charles Le Lien enseigne en milieu professionnel et universitaire. Charles Le Lien est l'auteur avec Philippe Simonnot de "Monnaie : Histoire d'un imposture" (Perrin 2012). 

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