L’image sera l’industrie du 21ème siècle, une chance à saisir pour la France et l’Europe

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Par Thierry Drilhon Publié le 20 juillet 2013 à 4h00

Avec Internet, les réseaux sociaux, les nouvelles technologies, la démocratisation des smartphones, l'image est devenue le support principal de la communication à l'échelle planétaire.

Qu'il s'agisse de la télévision qui se réinvente en se connectant, du cinéma qui doit innover pour résister au téléchargement illégal, des plates-formes de diffusion telles que Youtube devenues un puissant media à part entière, des sites web d'entreprises intégrant de plus en plus de contenus vidéo, l'image est désormais au cœur d'enjeux majeurs sur lesquels la France et l'Europe peuvent et doivent peser.

5 enjeux clés

En premier lieu, un enjeu sociétal : avec 50 milliards de terminaux connectés d'ici à 2020 qui permettront d'accéder à l'image, de la traiter, de la partager, de la commenter, nous assistons à une modification profonde des comportements et des échanges entre les personnes, les entreprises, les organisations et même les institutions. Cette mutation est déjà en marche et la génération digitale va l'accélérer.

L'enjeu économique est de même ampleur. Le marché de l'image représente en Europe 600 milliards d'euros. Les cartes sont totalement redistribuées sous les violents coups de boutoir des géants de l'Internet, renversant les règles qui le régissaient jusqu'à présent. Ces nouveaux entrants, à peine vieux d'une dizaine ou quinzaine d'années pour la plupart, viennent bousculer les traditionnels producteurs et diffuseurs de l'image jusqu'à présent peu habitués à une vitesse de réaction aussi grande, ni à une telle brutalité dans les ruptures de modèles.

Cette (r)évolution comprend aussi un fort enjeu social. En effet, on peut considérer que la majorité des métiers liés à l'image – dans toutes ses dimensions – n'a pas encore été créée. Cette transformation extraordinaire, source d'inquiétudes et de bouleversements, constitue

paradoxalement un gisement fantastique d'emplois qualifiés. L'expérience incontestée de nos talents nationaux – entreprises comme salariés – représente un véritable atout à valoriser, à condition de mettre en place sans plus tarder des filières de formation nouvelles et adaptées procurant une plus grande employabilité.

L'enjeu culturel est tout aussi important. On le voit bien en ce moment où le débat fait ragesur la prédominance de l'anglais dans l'enseignement supérieur. Au-delà de la préservation des langues européennes et de leur pratique dans le monde, l'industrie de l'image est une opportunité fantastique de préserver, soutenir et développer le rayonnement culturel international de l'Europe et de la France qui disposent en la matière de forces indéniables. Mais le risque est tout aussi grand de le perdre face aux leaders d'outre-Atlantique et à la puissance montante de l'Asie si nous ne sommes pas capables de mettre à profit ce savoir-faire pour produire des programmes de qualité exportables. Il suffit de considérer le poids des séries américaines dans nos programmes télévisuels pour s'en rendre compte.

Enfin, et ce n'est pas le moindre, l'enjeu juridique est un élément clé. A la lumière de ce qui s'est passé pour l'industrie du disque ou pour la presse écrite, on voit bien qu'il est indispensable de créer un cadre légal permettant la consommation de l'image tout en rémunérant les ayant-droits. C'est à cette condition qu'ils pourront ré-investir dans la création d'images et préserver ainsi ce cercle vertueux qui a permis le développement de champions mondiaux.

Le consom'acteur d'image, clé de voûte de cette mutation inéluctable

Aux enjeux (précédemment) évoqués s'ajoute la vague déferlante de la transformation radicale des usages de la consommation de l'image. De passif derrière son écran, le (télé)spectateur est non seulement devenu acteur mais il a donné naissance à un nouveau genre : l'ATAWAD (Any Time, Anywhere, Any Device).

Avec l'internet rapide et mobile, la TV connectée, les smartphones de plus en plus « smart », les tablettes, les réseaux sociaux, etc., la consommation de l'image est permanente, en temps réel, dématérialisée et délinéarisée. Pour faire face à cette évolution non maîtrisée (probablement non souhaitée ?) par les opérateurs historiques, tous les acteurs de la chaîne de valeur de l'image essaient de trouver des solutions permettant d'offrir à leurs audiences respectives la plus grande interaction possible.

Si l'on prend l'exemple de la TV, elle doit désormais être présente dans les conversations de salon, offrir plus de possibilités de personnalisation, permettre du e-commerce en direct. Certains programmes, comme The Voice sur TF1 qui promeut une plate-forme Twitter pour faire interagir son audience, démontrent bien l'émergence d'une nouvelle expérience du consommateur d'images à travers son smartphone et sa tablette.

Là aussi, il va falloir répondre à cette tendance de fond avec des solutions innovantes et accessibles au plus grand nombre. Les technologies du « Big Data », dont l'image est forcément partie prenante, et les outils de recherche sur le Web constituent des outils d'une efficacité redoutable pour répondre à ces nouveaux besoins.

Hélas, force est de constater que, sur ces domaines, l'Europe n'est pas en pointe. Heureusement, la bataille ne se joue pas que sur ce terrain : le contenu et sa gestion restent essentiels et nous disposons, en France comme chez nos proches voisins, d'un formidable réservoir qui doit servir de rempart, et même d'outil de développement, pour notre culture et notre présence sur la scène internationale.

Une révolution démocratique et économique par l'image

Les technologies de l'information et de la communication ont permis de réelles et indiscutables avancées démocratiques. Elles ont accéléré le développement économique de nombreux pays émergents qui accèdent ainsi directement aux dernières innovations sans être bloqués par un historique et des investissements à rentabiliser et/ou à préserver.

Avec les formidables capacités d'apprentissage par l'image couplées aux réseaux de très haut débit et des coûts toujours plus réduits, nous disposons d'un potentiel unique pour favoriser l'accès massif à la connaissance et à l'éducation d'un grand nombre de pays avec lesquels l'Europe, et la France au premier chef, entretiennent des relations historiques. Ces positions, acquises parfois depuis des siècles, sont aujourd'hui menacées par ce bouleversement des rapports de force mondiaux. Et il ne s'agit pas là que d'économie ou de finance internationale : il en va de notre identité et diversité culturelles et de leurrayonnement. C'est sur ces fondations que l'Europe s'est construite. Ce sont elles, encore aujourd'hui, qui vont lui permettre de défendre – et espérons-le, d'étendre – ses positions face aux autres grandes puissances mondiales !

La décision qui vient d'être prise à Bruxelles d'exclure les secteurs de l'audiovisuel et de la culture des négociations entre l'Europe et les USA pour définir de nouvelles règles de libre-échange est une illustration parfaite de l'importance de l'enjeu.

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Agé de 48 ans et précédemment Vice-président Corp., Worlwide Partner Organization chez Cisco Systems, il est directeur général d’Euro Media Group. Thierry Drilhon est diplômé de l’EAD et de l’Université de Stanford. Après avoir débuté sa carrière chez Digital Equipement France en 1985 où il occupera les fonctions de Responsable européen grands comptes, puis de Directeur marketing et enfin de Directeur commercial France, Thierry rejoint, en 1996, Microsoft France en tant que DGA et membre du comité de direction en charge de la Division Entreprises. En 2000, il intègre le groupe Cisco, d’abord en France (CEO), puis en Europe (Vice-président) et enfin au niveau mondial (Vice-président Corp. en charge des partenariats et alliances).

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