Intelligence artificielle : le champ des possibles

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Par K.R. Sanjiv Modifié le 25 juillet 2018 à 13h53
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@shutter - © Economie Matin
6,5 milliards de dollarsMorgan Stanley prévoit que l'intelligence artificielle gérera 6,5 milliards de dollars d'ici 2025, soit 5 % de la richesse mondiale.

Si vous avez déjà joué au poker en ligne, vous savez qu'il existe des millions de combinaisons différentes possibles. En en jouant toutes les secondes, un joueur [humain] aurait besoin de plusieurs millions d'années pour toutes les apprendre. Le poker est un jeu sophistiqué et complexe qui demande un grand sens de la stratégie et requière la capacité innée de l'être humain à bluffer. Pourtant, l'année dernière, une intelligence artificielle (IA) a battu quatre des meilleurs joueurs professionnels.

Bridges, un superordinateur appartenant à Libratus, a démontré que les humains ne sont pas les seuls à pouvoir bluffer, à prendre des risques et à gagner avec une régularité infaillible. Ce que Libratus a réussi à faire ici est fascinant. Ses créateurs, Tuomas Sandholm et Noam Brown de l'Université Carnegie-Mellon, n'ont pas fourni au programme un ensemble complet de combinaisons, mais en ont plutôt utilisé un faible échantillon. En faisant jouer Libratus contre lui-même pendant des jours, il a ainsi accumulé une bibliothèque complète de stratégies via une approche empirique basée sur les essais et les erreurs.

Mais que signifient de telles avancées pour notre quotidien ?

L'intelligence artificielle, l'apprentissage automatique et l'analyse des données sont rapidement devenus des parts intégrantes de certaines de nos industries, et sont encore sur le point d’évoluer. Oui, le poker peut aussi être un jeu classique en face à face, dont les robots ne peuvent pas tirer avantage injustement. Qui voudrait perdre toutes ses parties face à un joueur de poker qui sait tout ? Mais quand l'IA collabore avec l’intelligence humaine, cela ouvre la voie à un tout nouvel ensemble de possibilités. D'ici 2020, 20 % des citoyens des pays développés utiliseront des assistants dotés d’IA pour les aider dans différentes tâches quotidiennes. D'ici 2021, la progression de l'IA devrait représenter un marché de 2,9 milliards de dollars et permettre d’allouer 6,2 milliards d'heures de productivité à des tâches à de plus forte valeur ajoutée.

Comment cela pourrait-il s'appliquer à d'autres secteurs ?

Prenons l'exemple des investisseurs et des traders qui négocient sur les marchés boursiers. En règle générale, ils synthétisent les informations relatives à leur carnet d'ordres, aux sociétés cotées, etc. s’intéressent à des facteurs tels que les flux de trésorerie, les taux d'intérêt, les projets futurs, les environnements réglementaires, les tendances du marché, l’évolution des devises et les signaux de la concurrence pour prendre une décision. L’intelligence humaine peut faire tout cela. Les humains passent des heures interminables à étudier ces facteurs. Or, un ordinateur peut désormais les battre tant en termes de vitesse que de précision.

Imaginez un algorithme formé pour échanger automatiquement, en bitcoins par exemple, par auto-apprentissage. Maintenant, imaginez que l'algorithme ou le moteur de trading est hébergé sur une infrastructure Cloud et que vous pouvez le connecter à votre compte bitcoin à l'aide d'une API publique. Vous pourriez gagner de l'argent 24/7, même pendant que vous dormez.

Dans le monde réel, les conseillers financiers utilisent déjà des robots pour améliorer leur prise de décision. Morgan Stanley a, par exemple, annoncé la mise à disposition prochaine pour ses 16 000 conseillers financiers d'algorithmes d'apprentissage automatique qui prendront en charge les opérations courantes. La banque américaine prévoit que ces conseillers de nouvelle génération géreront 6,5 milliards de dollars d'ici 2025, soit 5 % de la richesse mondiale.

Il est intéressant de noter que ce que Morgan Stanley fait dans le monde de l'investissement est un peu différent de ce que Libratus a fait dans celui du poker. Contrairement à l’usage de l’intelligence artificielle dans le cadre du jeu, Morgan Stanley met les capacités de l’IA à la disposition de ses conseillers physiques pour améliorer les performances et niveaux de service à destination de ses clients.

Mais étant donné que l'IA montre une plus grande capacité à gérer les complexités humaines, beaucoup pensent que la Singularité (c'est-à-dire le point à partir duquel la distinction entre les humains et les machines disparaît) pourrait être imminente. Non seulement les capacités de calcul augmentent de façon exponentielle, mais les coûts diminuent. C’est avéré, les robots sont de plus en plus intelligents. Lego fabrique des millions de briques toutes les heures et les emballe avec une précision absolue à l'aide de la robotique ; la chirurgie assistée par robot contribue à rendre les procédures complexes plus sûres et plus abordables ; des maisons sont construites (au sens littéral) du jour au lendemain par des bras automatisés travaillant à partir de dessins réalisés en CAO (conception assistée par ordinateur).

Cependant, sommes-nous – en tant qu’Humain - sur le point d'être remplacés par des machines ?

Pas du tout. Tout d'abord, la capacité à tout faire exige plus que des capacités de calcul brut. Elle nécessite l'échange de connaissances sophistiquées et très précises entre les machines. Mais ces dernières n'ont pas une façon uniforme de collaborer entre elles. Pour que les machines puissent faire un tout d’un ensemble de parties, il faudra attendre encore quelques décennies.

Certes, nous disposons de technologies comme l'apprentissage automatique, les réseaux neuronaux, le traitement du langage naturel, l'informatique cognitive, mais il reste des éléments sur lesquels personne ne travaille encore en vue de se rapprocher de la Singularité. La vérité est que nous ne connaissons pas tous les facteurs et conditions essentiels nécessaires à un tel niveau de connectivité, de collaboration et de partage de connaissances. Par exemple, comment créer des moteurs d'IA qui peuvent inventer et créer de nouvelles innovations qui sont totalement opposées à ce qu'elle a pu apprendre de ses expériences passées ? Les industries, de la fabrication à la médecine, sont à la pointe de la technologie et sont en train de redéfinir les business models et les vies humaines. Mais le chemin vers une expérience IA et humaine complètement unifiée n’est pas un long fleuve tranquille… Il doit répondre à des nombreuses questions, tandis que l'Homme et la machine doivent continuer à développer leur collaboration.

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K.R. Sanjiv est directeur de la technologie chez Wipro Limited.

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