Investir dans la formation : une urgence pour l’industrie

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Par Louisa Toubal et Thibaut Bidet-Mayer Publié le 21 novembre 2014 à 3h33

L'industrie ne produit plus aujourd'hui comme elle le faisait pendant les Trente glorieuses. Confrontées sur les dernières décennies à l'ouverture des échanges internationaux et à l'émergence des technologies de l'information et de la communication, les entreprises ont dû adapter leur structure (externalisations, recentrage sur le cœur de métier, etc.) et leur organisation du travail. Les défis auxquels les industriels font face aujourd'hui induisent de facto des besoins nouveaux en compétences et supposent donc une adaptation de l'offre de formation professionnelle initiale et continue. Plutôt que de compiler les nombreuses études existantes, La Fabrique de l'industrie a récemment publié un rapport s'appuyant sur les témoignages de 70 acteurs de terrain (jeunes, salariés, entreprises industrielles, acteurs de la formation...). Sur la base de ces travaux, nous vous proposerons au fil des semaines une série d'articles fondés sur des observations empiriques, qui permettent d'identifier certains dysfonctionnements et de proposer des solutions.

L'industrie française est confrontée à de nombreux défis. Le premier d'entre eux est d'ordre démographique : la plupart des entreprises font aujourd'hui face à des départs en retraite massifs. L'enjeu pour elles est de s'assurer du maintien et du développement de leurs compétences. Dans l'industrie nucléaire, le naval, l'aéronautique, etc., des savoir-faire parfois pointus menacent de disparaître, nécessitant des efforts de transmission accrus.

Les enjeux liés au développement durable modifient également le visage de l'industrie. De nouveaux secteurs et métiers émergent, d'autres activités sont amenées à évoluer. Sur les postes de conception par exemple, les salariés doivent acquérir des connaissances sur l'impact environnemental de l'utilisation des matières premières afin de se mettre en conformité avec les nouvelles normes.

De même, la diffusion des technologies liées au numérique, le développement des imprimantes 3D ou encore de la « cobotique » (c'est-à-dire de la robotique collaborative) impliquent de nouvelles façons de produire et une adaptation de l'entreprise et du personnel.

Plus globalement, comme le souligne le rapport Gallois, face à la concurrence exercée par les pays à bas coûts de main d'œuvre, la compétitivité se joue non seulement sur les prix mais aussi sur la diversification des produits et des marchés. L'innovation et la qualité deviennent des éléments essentiels. La nécessaire montée en gamme de l'industrie française doit être soutenue par une élévation des compétences des salariés, à tous les niveaux de qualification.

Or, près d'un projet de recrutement d'ingénieurs et cadres sur deux est considéré comme délicat par les employeurs. De l'autre côté du spectre, les industriels peinent également à recruter sur les plus bas niveaux de qualification. On retrouve par exemple, parmi les métiers en tension, des postes d'usineurs ou de chaudronniers (respectivement 65 % et 75 % des projets de recrutement jugés difficiles en 2014 selon Pôle emploi). On observe par ailleurs de fortes inégalités en termes d'accès à la formation : 60 % des cadres ont bénéficié d'une action de formation sur la période 2008-2010, contre seulement 36 % des ouvriers. Pourtant, la compétitivité se joue aujourd'hui aussi bien au niveau des postes d'encadrement que des ouvriers.

Ces difficultés de recrutement aggravent la désindustrialisation, soit parce que les entreprises industrielles ne peuvent pas répondre à des commandes et finissent par perdre des marchés, soit parce qu'elles décident de se localiser dans des pays où elles savent trouver cette main d'œuvre qualifiée. Selon McKinsey, à l'horizon 2020, l'inadéquation entre offre et demande de compétences pourrait empêcher la création de 2,1 millions de postes qualifiés et détruire 2,2 millions d'emplois non-qualifiés. Principal facteur : le déficit d'image dont souffre le secteur. Les médias diffusent très largement une image négative de l'industrie (fermetures de sites, conflits sociaux, accidents...). Pourtant, l'industrie recrute chaque année environ 100 000 personnes et propose des métiers qualifiés, plutôt mieux payés que dans d'autres segments d'activité. En 2008, la rémunération mensuelle brute dans l'industrie pour un emploi à temps plein s'élevait à 2 884€ soit 5 % de plus que la moyenne des emplois salariés.

Cette situation peut sembler paradoxale alors que persiste un chômage de masse. Ce manque à gagner pourrait d'ailleurs être réduit si, chaque année, 140 000 jeunes ne sortaient pas du système éducatif sans diplôme ni qualification.

Un seul moyen pour remédier à ces problèmes : faire de la formation initiale et continue un investissement de long terme. Jeunes, salariés en place, personnes éloignées de l'emploi, aucun de ces publics ne doit être négligé.

Vous pouvez télécharger gratuitement la note « Formation professionnelle et industrie : le regard des acteurs de terrain » en cliquant ici.

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Louisa Toubal Titulaire d'un DEA d'économie internationale obtenu à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Louisa Toubal a réalisé de nombreuses études pour des institutions privées et publiques (Xerfi, mission économique de Londres...). Au sein de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris où elle a passé cinq années, elle a participé à la réalisation de trois ouvrages publiés à la Documentation française sur des questions liées à la croissance des entreprises. Elle est aujourd'hui chef de projet au sein de la Fabrique de l'industrie. Elle est notamment co-auteur (avec Thibaut Bidet-Mayer) du rapport « Formation professionnelle et industrie : le regard des acteurs de terrain ». Thibaut Bidet-Mayer Thibaut Bidet-Mayer est titulaire d'un master d'économie appliquée de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Spécialisé en économie industrielle, il a travaillé chez Xerfi sur des études sectorielles pendant un an avant d'intégrer La Fabrique de l'industrie en janvier 2013. Au sein de ce think tank, il a notamment été impliqué dans des travaux traitant de la politique industrielle française, de la formation professionnelle ou encore de l'impact du principe de précaution sur la compétitivité.   La Fabrique de l'industrie est une plateforme de réflexion et de débat, crée en octobre 2011, par l'UIMM, le Cercle de l'industrie et le GFI et présidé par Louis Gallois. Elle a vocation à encourager et à alimenter le débat sur l'industrie avec le double souci d'indépendance et d'ouverture vis-à-vis du grand public.  

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