L’emploi, le grand absent de la campagne présidentielle ?

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Par Alexandre Pham Publié le 25 avril 2017 à 5h00
France Emploi Election Presidentielle Chomage
10 %Le taux de chômage en France est d'environ 10 %.

Beaucoup de sujets sont évoqués à l’occasion de la campagne présidentielle actuelle.

On se souvient qu’en 2012, l’emploi constituait une thématique importante et qu’elle a marqué le quinquennat avec notamment la fameuse promesse de l’inversion de la courbe du chômage. Cette thématique a hélas presque disparu des radars en 2017.

On aborde aujourd’hui moins les problématiques liées à l’emploi. Et si les sujets sont évoqués, ils font assez peu l’objet de diagnostics étayés ou de propositions de solutions. Plusieurs points cruciaux sont pourtant à souligner.

Le premier réside dans le coût du travail. Si les entreprises embauchent moins en France, c’est que le coût du travail y est important, notamment par rapport à ses partenaires européens. Même si plusieurs candidats s’accordent sur ce constat, ils ne s’accordent pas sur la forme prise par la baisse des charges ni sur la fourchette des salaires concernée. Pourtant, derrière ces questions apparemment techniques se cache un choix déterminant sur la nature des emplois que les candidats souhaitent promouvoir en France.

Faut-il concentrer la baisse des charges sur des bas salaires, là où elle aurait le plus d’impact sur la création d’emplois ? Ou faut-il l’étendre à tous les salaires pour promouvoir la compétitivité de la France sur des métiers à plus forte valeur ajoutée ? Un autre point réside dans l’inadéquation entre la formation des jeunes et le marché du travail. Il est dommage de voir le sujet de l’apprentissage si peu évoqué. Le modèle d’apprentissage allemand est à ce niveau intéressant. En France, le collège est « académique ». En Allemagne, les différentes voies - et notamment l’apprentissage -, ne sont pas « défavorisées ». Certains grands patrons en sont d’ailleurs issus. On constate aussi le niveau d’engagement des entreprises dans l’enseignement et dans les filières professionnelles.

Pourquoi ne pas généraliser ce système en France de façon à ce que tout le monde se parle davantage et que les professeurs préparent mieux les élèves à la réalité de ce qu’ils vont vivre ? Pourquoi ne pas lever les contraintes qui pèsent sur l’apprentissage en France : multiplicité des interlocuteurs, excès de normes et coût parfois excessif, qui cantonne l’apprentissage vers les filières très qualifiées ?

Il faut arrêter avec les systèmes de rustine

Cette situation est d’autant plus frustrante que nous avons d’un côté un grand nombre de chômeurs et, de l’autre, de nombreux emplois qui ne trouvent pas preneurs. On pourrait penser aux métiers numériques et informatiques très qualifiés. En fait, les pénuries concernent aussi des profils moins qualifiés comme les peintres, les maçons, les infirmiers, les soudeurs, les chaudronniers, les chauffeurs poids lourds… C’est dans ces domaines qu’on a le plus de mal à trouver des profils alors que, dans certains métiers plus tertiaires, beaucoup de personnes cherchent des emplois, pour très peu de postes.

Il y a donc une vraie question sur l’orientation. Il faut revaloriser certaines filières professionnelles. La « sélection » par rapport au cursus doit s’opérer plus tôt. Il est essentiel d’orienter moins de personnes vers des filières a priori « séduisantes », certes, mais pour lesquelles les débouchés en termes d’emploi sont faibles.

La thématique de la fluidité du marché du travail mériterait également d’être davantage abordée par les différents candidats. On souffre aujourd’hui d’un marché du travail compartimenté, sur trois niveaux :
- les personnes en CDI, plutôt protégées
- les personnes qui enchaînent des missions courtes de façon malheureusement durable
- les personnes exclues du marché du travail, en particulier des jeunes sans formation et les séniors

Cette situation d’ensemble n’est pas saine. Or, le fait de donner davantage de flexibilité au marché du travail est de nature à créer plus d’emploi et donc à ramener les personnes des deux derniers groupes vers l’emploi durable. Pour cela, il faut que l’entreprise soit rassurée dans sa démarche d’embauche. Et puis, il y a une vraie question, taboue : c’est l’incitation au retour au travail. La France offre parmi les meilleures conditions en Europe en termes de durée et de niveau d’indemnisation du chômage. Même s’il est louable de protéger un salarié suite à une perte d’emploi, ce niveau de protection a aussi des effets pervers.

Il serait souhaitable de mettre en place des mesures incitatives de retour à l’emploi afin de garantir une recherche d’emploi ou de reconversion active de la part du demandeur. Par ailleurs, plus un chômeur tarde à retrouver un poste, plus sa recherche est difficile. Et l’argent dépensé en indemnités correspond à autant de ressources en moins à investir en formation ou en processus de reconversion professionnelle.

L’entreprise doit être rassurée dans sa démarche d’embauche

Reste enfin la question de la lourdeur du Code du travail. Bien souvent, les entreprises hésitent à embaucher en CDI en raison des incertitudes sur le délai et le coût d’une réorganisation interne éventuelle. La loi El Khomri et la réforme effectuée ne traitent essentiellement que des licenciements économiques. On est loin de la question initiale : comment rassurer un employeur sur le coût et le délai d’un licenciement, conditions évidemment cruciales qui se posent avant une embauche ?

Le vrai problème de la précarité ne réside pas non plus dans les contrats courts mais dans l’impossibilité de retrouver facilement un emploi. Je prends l’exemple du secteur paramédical : beaucoup de contrats y sont courts par choix. Les salariés savent qu’ils vont vite retrouver un autre poste après leur mission. Taxer l’emploi court ou l’emploi précaire est inutile. Est-ce que les chefs d’entreprise ou les décideurs vont dans ce cas-là vraiment embaucher sur des durées longues ?

Ce sont autant de questions qui auraient mérité débats et échanges au cours de cette campagne. Le problème du chômage demande un traitement de fond et que l’on cesse les systèmes de rustine comme les primes à l’embauche ou les emplois aidés. Ces dispositifs coûtent chers et ils ne servent pour ainsi dire qu’à embellir les chiffres du chômage à court terme. »

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Alexandre Pham est co-président d'Alphyr, réseau d'agences de recrutement en France

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