La fonction RH, un métier qui a besoin de se réinventer

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Par Morgan Argondicco Publié le 14 octobre 2018 à 7h57
Entreprises Direction Juridique Defi Numerique
30%Aujourd'hui, 30% des entreprises françaises externalisent le traitement de la paie et ce nombre est en croissance.

Avec la digitalisation, les entreprises espèrent une optimisation des processus, des gains en efficacité et, in fine, une fonction RH repensée. Les professionnels des ressources humaines trouveront-ils dans cette révolution digitale la possibilité de se renouveler et de moderniser leur fonction ?

Aujourd’hui, les entreprises font face à de nouvelles problématiques de recrutement, de fidélisation et de motivation de leurs collaborateurs. De nouveaux modes de consommation digitale s’introduisent dans les entreprises et amènent de nouvelles attentes. Les DRH sauront-ils prendre une place stratégique face à ces enjeux ?

Poids de l’histoire

Historiquement, c'est pour assurer la gestion administrative du personnel que la fonction du Directeur des Ressources Humaines, alors considéré chef du personnel, a été créée. Les services ressources humaines assurent le respect des obligations légales liées au droit du travail, gèrent les aspects disciplinaires, traitent la paie et la vie contractuelle des salariés. Un bon DRH était de facto un bon gestionnaire comptable avec des compétences juridiques et sociales.

Depuis, son périmètre d’activité s’est étendu. Il peut opérer jusqu’à une trentaine de processus dont le recrutement, l’intégration, le suivi, la formation, et l'évaluation des collaborateurs.

Aujourd'hui encore, cette image historique est prégnante auprès du plus grand nombre. Le DRH est identifié comme le représentant de l’employeur. Les salariés le trouvent trop éloigné du terrain, peu à l’écoute et le tient souvent responsable des licenciements en masse et fermetures des sites de production.

La digitalisation RH

Dans la plupart des pays, le respect des obligations contractuelles du droit de travail est si complexe que la gestion administrative de l’employé occupe la plus grande partie du quotidien de la fonction RH. Les processus administratifs ont donc été parmi les premiers à être digitalisés dans les entreprises, voire à être sous-traités. Aujourd’hui, au moins 30% des entreprises françaises externalisent le traitement de la paie et ce nombre est en croissance. En Belgique, 80% des entreprises (Source: ADP) font appel à un gestionnaire de paie externe.

Comme la paie, les autres processus font l’objet d’une forte tendance à la digitalisation. Le marché des solutions digitales RH est très dynamique et souvent innovant.

Dans ce contexte, une fonction uniquement dédiée à la gestion du personnel se justifie-t-elle ? En effet, une fois les processus RH digitalisés ou sous-traités, la vie d’un collaborateur pourrait très bien être gérée directement par sa fonction métier, aidée par la finance et la DSI.

Recrutement et engagement des collaborateurs - les nouveaux défis des entreprises

Un marché de l’emploi mondialisé et tendu

Le marché du travail, fortement interdépendant de la courbe démographique, est en tension. Les baby-boomers partent en retraite, la génération suivante ne suffit pas à elle seule le remplacement de ces néo-retraités. Le marché du travail s'en trouve perturbé, marqué par un décalage mécanique entre l'offre et la demande.

Par ailleurs, la mondialisation croissante de l'économie impose aux collaborateurs d'être de plus en plus mobiles. Si avant l’entreprise était en compétition avec ses homologues locaux, aujourd’hui la chasse aux talents dépasse les frontières et impose de nouveaux impératifs quant aux stratégies de gestion de la marque employeur.

De nouvelles attentes des collaborateurs

L’arrivée massive des millennials (ou génération Y) sur le marché du travail représente un autre défi pour les entreprises. Les “millennials” sont déjà majoritaires dans la masse salariale et leur poids approchera 75% à l’horizon de 2030.

Or leurs attentes vis-à-vis de leur employeur diffèrent largement des générations précédentes : mobilité, télétravail, horaires flexibles, recherche de sens, développement personnel pèsent de plus en plus dans une décision d’accepter ou non un emploi.

En parallèle, alors qu'ils accordent une importance au développement individuel, les millennials expriment également des attentes pour plus de travail collaboratif. Au fur et à mesure que les communautés historiques se distendent ou disparaissent, les communautés digitales occupent une place croissante dans la vie des collaborateurs.

La pression de l’engagement au travail

La plupart des entreprises aujourd’hui font face au désengagement massif des employés, résultant en partie de l’écart entre les attentes des collaborateurs et la réalité de l’organisation et des processus en place dans les entreprises. En France, seulement 10% des employés se disent activement engagés(Source: Gallup). Ce chiffre très bas est en ligne avec d’autres pays européens mais très en dessous des chiffres américains (30% d’engagement).

Alors que la motivation au travail chute, le taux d’engagement devient le plus grand avantage compétitif et indicateur de performance. Dans un contexte de marché d’emploi tendu, les gagnants de demain seront les entreprises qui arrivent à motiver leurs employés.

La digitalisation - une opportunité pour une place stratégique des RH

Récemment, la digitalisation des processus métier a profondément changé l’organisation et le fonctionnement des entreprises. Mais dans tout projet de transformation digitale, le facteur humain est la vraie clé du succès. De ce point de vue, la digitalisation offre aux DRH l’opportunité unique de se réinventer dans un rôle plus stratégique et impactant.

Qui s’occupe de l'expérience collaborateur ?

Afin de relever les nouveaux défis de recrutement, de gestion des talents et d’engagement, les entreprises ont besoin de repenser entièrement leur expérience collaborateur. Or aujourd’hui aucune fonction ne se saisit réellement du sujet. Le département des systèmes d’information se préoccupe surtout de la cohérence, maintenance et coût total d'acquisition des systèmes en place. La communication interne a pour première préoccupation le transfert des messages vers les employés. La finance contrôle les dépenses et les risques financiers. Et même la fonction RH se préoccupe souvent plus de la manière dont la fonction va opérer un processus que de la manière dont un employé va vivre ce processus.

Ce constat est encore plus visible dans le contexte de transformation digitale. Chaque fonction digitalise ses processus métier, sans prendre en compte l’expérience digitale collaborateur dans son ensemble. Résultat : des projets de transformation digitale en échec et des attentes employés déçues.

L’expérience collaborateur n’a pas de champion identifié dans les entreprises, ce qui représente une parfaite opportunité pour la fonction RH de s’en saisir. L’importance stratégique de ce défi justifierait à lui seul la place stratégique des DRH dans les organisations modernes.

L’accompagnement au changement des transformations digitales

Les DRH ont également un rôle à jouer dans la conduite de changement des projets de réorganisation ou transformation digitale. La fonction joue un rôle pivot dans l'entreprise entre les besoins stratégiques de l'employeur et la réalité des collaborateurs. Libérée des aspects purement administratifs grâce à des solutions digitales dédiées, la DRH pourra user de son expertise pour accompagner les collaborateurs et managers. En soi, devenir enfin un véritable partenaire du management. Comment fluidifier l’organisation ? Comment initier des collaborateurs plus âgés à un environnement technologique ? Comment répondre aux attentes des millennials ? Comment gérer le transfert des compétences lors des départs en retraite ? Autant de projets innovants que les DRH peuvent initier et mener.

Gérer les communautés internes

Enfin, les DRH peuvent apporter de la valeur à travers l'identification et la gestion des communautés internes. Les communautés internes représentent un capital stratégique encore peu exploité par les entreprises aujourd’hui. Elles participent au développement de l’intelligence collective de l’entreprise et au transfert des connaissances, solidifient la culture d’entreprise, améliorent l’engagement des collaborateurs et la satisfaction au travail. A l’instar des communautés externes, elles ont besoin d’être identifiées et gérées afin de grandir et s’affirmer. Fins connaisseurs de l’entreprise et de ses rouages, les DRH ont un rôle à jouer sur ce point.

La digitalisation des processus RH est bien amorcée aujourd’hui, mais digitaliser des processus anciens est loin d’être révolutionnaire. On attend des DRH qu’elles soient motrices dans les projets de transformation digitale au sein de l’entreprise et qu’elles se saisissent de l’expérience digitale du collaborateur. Les DRH doivent porter la transformation digitale des RH en devenant des community managers, des experts marketing, des pilotes du changement, ou des co-acteurs de l’engagement et de la fidélisation des talents. Elles doivent accélérer leur propre transformation numérique pour accompagner la croissance de l’entreprise.

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Morgan Argondicco est responsable des activités d’accompagnement au changement et l’adoption des pratiques collaboratives chez eXo Platform. Diplômé d’un master 2 RH à l’université de Nantes, il a accompagné les Directions des Ressources Humaines pendant plus de 10 ans dans la mise en œuvre de logiciel de paie et ressources humaines.  

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