La France et le nucléaire : une trop vieille histoire d’amour

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Par Jonathan Laloum Publié le 10 novembre 2016 à 5h00
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80 %Plus de 80 % des Français seraient prêts à passer aux énergies renouvelables selon l'Insee.

Le Chili est depuis longtemps impliqué dans le développement des énergies renouvelables. Le nombre d’installations photovoltaïques notamment y a considérablement augmenté en quelques années : depuis 2013, plus de 29 fermes ont été connectées au réseau national. Celles-ci sont si productives qu’elles permettent à l’Etat de proposer aux citoyens de certaines régions de se fournir gratuitement en électricité.

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, la Grande Bretagne donne son accord pour la construction de deux réacteurs EPR sur son territoire par EDF. Une décision qui prête au débat face aux problèmes technologiques et économiques rencontrés par la France et la Finlande sur des chantiers similaires, mais surtout qui soulève à nouveau la question de la place du nucléaire dans le projet de transition énergétique. Si le Chili parvient à répondre à la demande de ses foyers en énergie renouvelable, la France n’est-elle pas elle aussi prête à prendre son indépendance face au nucléaire ?

L’utopie du nucléaire propre et bon marché

D’après les dernières études de l’INSEE, plus de 80% des Français seraient prêts à passer aux énergies renouvelables. Un chiffre encourageant qui prouve la volonté des citoyens à prendre leur indépendance face au nucléaire. Mais cela signifie aussi que près de 1/5 de la population, une part non-négligeable, reste réticente quant à laisser entrer la transition énergétique dans son foyer. Ceux-là croient-ils encore à l’utopie du nucléaire peu cher et non polluant ? Probablement puisque celle-ci apparaît encore au fil des discours des acteurs du secteur et des hommes politiques.

L’image bon marché du nucléaire se base sur le prix de l’électricité actuellement constatée en France et repose donc sur une analyse à court-terme. Or, les présidents successifs d’EDF réclament régulièrement une augmentation accélérée du prix de l’électricité, plus rapide que l’inflation, plus rapide que dans les autres Etats européens pour palier des coûts futurs : une demande qui devrait déjà mettre la puce à l’oreille du contribuable. En parallèle, le coût de la sécurité des centrales nucléaire a naturellement tendance à croître en raison de menaces terroristes et climatiques toujours plus importantes qui poussent les autorités à durcir leurs exigences. Evidemment, ces risques sont moindres dans le cas d’un champ de panneaux solaires ou d’une série d’éoliennes.

La réputation du nucléaire comme énergie propre lui vient de sa comparaison avec le charbon : pas de particules fines, pas de pollution ? Pas si simple. Les centrales nucléaires génèrent des déchets dont la radioactivité reste effective pendant 30 à 100 000 ans. Bien qu’isolés de l’Homme par des centres de stockage à plusieurs mètres sous terre, ces déchets impactent cruellement les sols et la flore alentour, provoquant mutations et morts.

Des énergies renouvelables méconnues du grand public

Si la grande majorité des français a conscience de l’impact du nucléaire et de sa gravité, il est surprenant de constater que les énergies renouvelables restent assez obscures pour le grand public. Une grande partie de ce dernier, par exemple, pense que nous ne savons toujours pas comment recycler les panneaux photovoltaïques hors d’usage. Or aujourd’hui 100% d’un panneau photovoltaïque est recyclable, il s’agit donc d’une énergie pleinement renouvelable.

Nombreux sont les foyers qui hésitent à passer le cap du photovoltaïque par peur de l’intermittence du réseau et de la perte de confort qu’elle entraînerait. C’est un problème aujourd’hui entièrement solutionné par les nouvelles technologies : grâce à la domotique, les bâtiments sont désormais capables de gérer leur consommation énergétique dans le temps sans intervention nécessaire de leurs occupants.

La caïnophobie n’est pas non plus une excuse : les énergies renouvelables relèvent de technologies qui ont plusieurs décennies. Connues et éprouvées, elles sont dorénavant maîtrisées et déjà largement utilisées dans certains pays étrangers comme la Norvège qui puise 98% de son électricité dans la production hydraulique, ou le Danemark dont 50% des gigawattheures produits sont d’origine éolienne.

Des foyers 100% ENR, une perspective pas si lointaine

Si la réglementation thermique 2012 impose l’utilisation d’au moins une énergie renouvelable pour la construction d’une maison particulière, les obligations sont moindres en terme de rénovation. Première pierre à l’édifice, la loi Transition Energétique oblige les propriétaires de logements à réaliser des travaux d’isolation thermique en cas de réfection du toit ou de ravalement de façade. Une réglementation modeste face à l’urgence d’agir et à l’étendue des solutions disponibles.

Les possibilités d’agir sont nombreuses et permettent de mettre en place une rénovation sur mesure, en fonction des besoins et des ressources de chacun : augmenter l’isolation, choisir un éclairage à économie d’énergie, innover son moyen de chauffage, etc. D’autre part, les sociétés spécialisées dans le financement de la rénovation énergétique de l’habitat permettent aujourd’hui de mensualiser son investissement. Certains de ses organismes sont même uniquement dédiés aux particuliers disposant de faibles revenus, mettant la transition énergétique à la portée de toutes les bourses. De plus, l’investissement dans les solutions de développement durable est encouragé par l’Etat par le biais d’un crédit d’impôt. Ainsi, pour obtenir une consommation d’environ 70% d’énergies renouvelables et 30% d’énergie nucléaire, il faudra compter en moyenne une dépense inférieure à 20 000€ : un investissement rapidement amorti sur la facture.

Rendre une maison indépendante à 100% aujourd’hui représenterait un investissement lourd, à hauteur d’environ 55 000€ pour un foyer moyen. Cela aurait surtout pour conséquence une perte de confort considérable dû à l’irrégularité de la production et au coût de stockage. Mais les technologies évoluent et si elles ne sont pas encore prêtes à être lancées sur le marché, les batteries destinées à une utilisation grand public devraient aboutir dans la décennie à venir.

L’avancée de la France en matière de transition énergétique est encore très timide. Pourtant, une grande majorité de citoyens manifeste un réel intérêt pour les énergies renouvelables et sont favorables à l’indépendance face au nucléaire. Par ailleurs, les solutions sont déjà sur le marché et les technologies ne cessent de se développer pour offrir une énergie toujours plus propre aux foyers français. Mais certains discours entretiennent des idées reçues pourtant largement démenties et parasitent la prise de conscience collective.

Plus de 200 bâtiments à énergie positive ont déjà vu le jour sur le territoire national depuis 2009. Chaque année, 20 à 30 chantiers de ce type voient le jour : voilà la preuve que nous sommes capables d’aller bien plus loin que ce que prévoient les projets en cours. La France bénéficie déjà de l’un des meilleurs réseaux du monde. Avec de l’audace, en investissant dans la production d’énergie renouvelable et en encourageant sa population à en faire de même, elle pourrait bientôt faire elle aussi office d’exemple à l’international.

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Jonathan Laloum, directeur commercial FHE

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