A qui profite le business de l’électrosensibilité ?

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Par Christian Lemarin Publié le 29 mars 2016 à 14h07
Ondes Electrosensibilite Business
5 MILLIARDS €Le déploiement des compteurs Linky va coûter près de 5 milliards d'euros.

Wifi, Bluetooth, téléphones portables, Télévision Numérique Terrestre, circuits électriques… les champs électromagnétiques sont partout. Une omniprésence qui n’est pas du goût de tout le monde. Un groupe d’individus prétend en effet avoir développé une intolérance à ces ondes. Leur nom : les électrosensibles. Et qu’importe si la maladie dont ils s’estiment souffrants n’est pas reconnue par la communauté scientifique, de nombreux vendeurs plus ou moins bien intentionnés se sont engouffrés dans la brèche pour proposer des produits « anti-ondes ». Un business juteux autant que douteux.

L’électrosensibilité, ça reste à prouver

Nausées, migraines, insomnies, etc. Si à ce jour, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les autorités médicales françaises reconnaissent les souffrances des patients se prétendant électrosensibles, elles n’établissent aucun lien entre ces souffrances et l’exposition aux ondes électro­magnétiques. Et pour cause : « depuis 2005, aucun auteur n’a apporté la preuve d’une relation de causalité entre l’exposition et l’[électrosensibilité] », souligne un rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset). Un avis partagé par la plupart des institutions médicales internationales, dont l’OMS.

L’OMS et l’Afsset s’appuient sur des dizaines d’expériences réalisées ces vingt dernières années. Elles consistent à étudier les troubles ressentis par des personnes atteintes lorsqu’elles sont mises en présence d’un dispositif émetteur allumé ou éteint, sans que l’expérimentateur et la personne testée sachent s’il est en marche ou non (une étude dite « en double aveugle »). Conclusion : les troubles observés restent stables dans les deux cas. Pour l’OMS, il s'agit ainsi d'un « trouble psychologique », puisque les « études à double insu qui ont été réalisées ont montré que les champs électromagnétiques n'étaient pas à l’origine des symptômes constatés ».

Dans le même ordre d’idée, en 2009, à Saint-Cloud (92), des habitants s’étaient mobilisés contre trois antennes-relais d’Orange, cause selon eux de malaises, nausées et maux de tête. Visé par une plainte, l’opérateur a pu prouver sans difficulté que les antennes en question n’étaient pas à l’origine de ces troubles. Et pour cause, elles étaient hors-service, pas même alimentées en électricité…

Face shield ou baldaquin anti-ondes, faites votre choix

Si le débat reste ouvert, des commerçants ont pris de vitesse les scientifiques et proposent déjà toute une batterie de dispositifs, bien souvent vendus à des prix élevés. Le premier marché est celui des appareils de détection et de mesure pour les champs électriques et magnétiques – afin de s’assurer que son environnement de travail, son véhicule ou son domicile soit « sain. » Mais il existe également une multitude de produits anti-ondes plus ou moins farfelus, fabriqués à partir de fibres de métal protégées par du polyuréthane. Ainsi, il est possible de se doter d’un Face Shield – un voilage de visage anti-ondes ressemblant étrangement à un filet d’apiculteur – tout à fait de saison. Pour une protection plus poussée, la Capuche Ray Shielding – reproduction étonnante du hijab islamique – pourra vous garder la tête au chaud pour quelque 320 euros. Si vous souhaitez équiper votre lit d'un baldaquin anti-ondes – une cage de Faraday de chez Naturell Swiss Shield, pour les puristes – il vous en coûtera la coquette somme de 1400 euros, plus les frais d’uniformisation de votre décoration d’intérieur. Le tapis blindé fera certainement la paire.

Industriels, militaires ou scientifiques utilisent depuis longtemps des produits afin de brouiller des ondes et leur efficacité n’est pas discutable. Le problème est que les ondes dénoncées par les électrosensibles sont parfaitement inoffensives. Alors bien sûr, cela n’interdit en rien à un consommateur de se procurer un arsenal de produits de protection contre « l’electrosmog », ou d’instruments de mesure s’il le souhaite. Mais une batterie de compteurs mesurant l’existence d’ondes parfaitement naturelles et inoffensives ne risque pas de l'aider à dormir. De même, les appels alarmistes de certains sites à supprimer les plaques à induction, les fours à micro-ondes, les radios-réveil, les ampoules à basse consommation (!) risquent de rendre la vie dure à ceux qui voudraient appliquer ces recommandations à la lettre. L’Académie de médecine a néanmoins remis les pendules à l’heure en mai 2014, en s’opposant à la décision d’une collectivité territoriale d’accorder à un citoyen se pensant électrosensible une aide pour l’achat de dispositifs de protection contre les ondes n’ayant pas fait la preuve de leur utilité.

Linky is the new téléphone portable

Certains observateurs sont allés jusqu’à dénoncer une campagne de paranoïa orchestrée par des vendeurs peu scrupuleux au sujet des nouveaux compteurs communicants Linky, dont l’innocuité à été démontrée par toutes les études réalisées à ce jour, mais que de petits groupes continuent de présenter comme dangereux. Les associations à l'origine de la cabale contre Linky ont-elles un lien avec les vendeurs de produits anti-ondes ? Impossible de l’affirmer. Ce qui est certain en revanche, c’est que la campagne de dénigrement des premières fait les affaires des seconds ! Linky semble arriver à point nommé, alors que les ondes émises par les téléphones portables, ayant fait le bonheur des vendeurs de gadgets anti-ondes au début des années 2000, ne font plus peur à personne.

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Chef de projet Web, contribuable et consommateur engagé, empêcheur de tourner en rond.

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