Le livre des grands changements

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Par Olivier Magnan Modifié le 15 décembre 2013 à 5h37

Changement. Le redouter ? Y aspirer ? Depuis le morceau de bravoure de Jean-François Kahn (Tout change parce que rien ne change, Fayard) en 2006, qui entendait démontrer que le changement ne s’exprime qu’à partir des invariants profonds (féodalisme, esclavagisme, capitalisme, tribalisme, aspiration au socialisme), on n’avait plus guère cerné les changements de notre société pour les comprendre.

En cinquante modèles sous forme, souvent, de repères orthonormés, un journaliste (finlandais) et un communicant (suisse) nous « balancent » sobrement (pas de grands développements !) des questions aussi concrètes que fondamentales :

Pourquoi manquons-nous de plus en plus de temps ? Pourquoi tout est-il devenu si compliqué ? La démocratie est-elle le bon système ? Qui gouverne le monde ? Pourquoi sommes-nous infidèles ? Pourquoi prendre l’avion est-il désormais à la portée de tous ? à cette liste que proposent les auteurs eux-mêmes dans le « mode d’emploi » de leur opuscule, s’ajoutent 44 questions-réponses sur deux-quatre pages qui laissent plus ou moins sur sa faim.

On se rue sur la « réponse », mais elle n’est jamais univoque, simple, lumineuse. Surtout traitée dans le parti pris du format : deux pages d’exposé synthétique, deux pages de schéma hypothétique. Et débrouille-toi avec ça ! Il n’empêche que si nos deux « tweetistes » de l’analyse nous bombardent sans pitié d’informations fusées pas toujours éclairantes, ils réussissent à nous interpeller, à nous sortir de nos préjugés, à nous pousser à penser autrement les événements et les changements.

Du capitalisme au socialisme

Un exemple parmi cinquante, ces quatre paginettes serrées comme un café sur le « modèle du revenu universel ». Il agite les cénacles des économistes, mais les médias du grand public, ancrés dans le modèle capitalistique, se gardent bien d’en faire état. Qu’est-ce ?

Une vision « révolutionnaire » de l’économie des sociétés qui repose sur cette idée : « Ceux qui veulent travailler ne doivent pas en être empêchés et ceux qui ne veulent pas travailler ne doivent pas y être contraints ». Bigre. Il s’agit donc, pour l’état, de verser à chaque citoyen, sans condition et toute sa vie, un pécule minimum pour vivre, sans plus. Si l’on veut « plus », on bosse. Une forme de « sécurité sociale » redéfinie par les inventeurs du système, Daniel Häni et Enno Schmidt, des Suisses… bien sûr ! Sur chaque produit, la partie « taxes » part financer directement les services publics – hôpitaux, autoroutes, etc. La TVA actuelle alimente le revenu universel qui se substitue à la protection sociale.

Le reste paie les salaires et les marchandises selon une clé de répartition que les petits schémas explicitent. Bref, à partir du même encours, les économistes imaginatifs répartissent la valeur au nom de ce fameux revenu universel. Et pourquoi pas, se prend-on à penser… autrement. Les auteurs listent les avantages, parmi lesquels la négation même de la notion de « chômage » (au passage, forme de redistribution compliquée et stigmatisante qui évoque le fameux « revenu universel »), attractivité des boulots « dont personne ne veut », égalité des employeurs et des employés. Au rang des « moins », faute d’universaliser, justement, un tel revenu, l’état qui s’en prévaudrait devrait fermer ses frontières à double tour, et d’aucuns le comparerait à un état socialiste pour ne pas dire marxiste. Sans parler des questions qu’infusent les auteurs du livre, du type l’argent offert conduirait-il à la paresse universelle ?

Mais qu’ils décortiquent un modèle bancaire éthique chrétien (Paul S. Mills, Cambridge) ou exposent succinctement le « cycle de Kondratiev » (les « vagues longues »), nos deux décrypteurs dépassent les idéologies, les prêt-à-penser, les idées reçues et les vérités immuables. Passer d’un modèle à l’autre – qu’on l’ait compris ou pas – rafraîchit, dope, retourne, stimule. Investir une quinzaine d’euros pour se dépoussiérer les méninges, l’on ne doit pas s’en priver.

Le livre des grands changements, Mikael Krogerus et Roman Tschäppeler, à contre-courant, marque des éditions Leduc.s, 15 €

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Olivier Magnan est journaliste et rédacteur en chef de R2, la Revue des Régions d'Europe. Il est également l'auteur de "Mon banquier, la crise et moi", Les Loges de la République et "Mentaliste" aux éditions du Moment ainsi que "Les règles d'or pour réussir le financement de votre entreprise" aux éditions Dunod.

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