Lutte contre la fraude : surtout pas qu’une question d’outil !

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Par Germain Meissonnier Modifié le 24 juillet 2013 à 8h59

Les derniers chiffres communiqués par l'ALFA, pour 2011, indiquent pour la France un coût de l'ordre de 4 à 8% des primes encaissées, soit une estimation à 2,5 milliards d'euros par an pour le seul secteur IARD. Seuls 200 millions d'euros avaient alors été récupérés via les dispositifs de lutte.

Des assureurs globalement peu armés face à une fraude qui s'intensifie

La prise de conscience globale du secteur de l'importance du phénomène est encore récente et les premières actions ne datent que de quelques années. Ce constat est particulièrement vrai pour tout le secteur de la Vie, notamment collective. Ainsi, mis à part quelques assureurs précurseurs dans la mise en œuvre d'un dispositif de lutte, la plupart des assureurs sont encore peu organisés et peu équipés.

Face à ces dispositifs, la fraude, elle, se banalise, se professionnalise et augmente, notamment du fait de la crise.

La progression des acteurs du secteur dans le domaine de la lutte anti-fraude est donc indispensable et leur marge de progression importante.

Des niveaux de maturité des dispositifs de détection de fraude très disparates

On peut distinguer quatre niveaux de maturité dans les dispositifs de lutte anti-fraude.

Le premier consiste en une équipe centrale dédiée, faiblement outillée et travaillant sur la base d'extractions ponctuelles (ou de faible fréquence). Les gestionnaires sont au plus sensibilisés à la lutte anti-fraude ; la lutte anti-fraude évolue en parallèle de la gestion.

Le deuxième consiste en une équipe dédiée travaillant sur extractions régulières (de J+1 à hebdomadaires) dans le cadre de processus de gestion adaptés intégrant la lutte anti-fraude. Les gestionnaires commencent à être acteurs de la lutte.

Le troisième niveau consiste en une équipe dédiée (éventuellement décentralisée dans les équipes de gestion) travaillant à J+1 et équipée d'un premier niveau d'outillage permettant de structurer le processus (automatisation de certaines analyses, workflow de traitement des dossiers suspects...) C'est souvent à ce stade qu'une gouvernance de la lutte anti-fraude est mise en place.

Le quatrième, et dernier, consiste en un déploiement complet du dispositif dans tous les services, travaillant au sein de processus industriels sur la base de données temps réel.

Aux trois premiers stades, l'analyse anti-fraude est effectuée a posteriori, le plus souvent après paiement des sinistres ou prestations, alors qu'au dernier stade les contrôles sont réalisés a priori, optimisant ainsi les fonds récupérés (ou non réglés).

Aujourd'hui, peu d'assureurs en sont au troisième niveau de maturité ou au-delà, la plupart étant plutôt entre les niveaux 1 et 2.

Des projets transverses, donc complexes, pour mettre en œuvre un dispositif efficace de lutte anti-fraude

Un dispositif de lutte se décompose en plusieurs volets : la prévention, la détection, le traitement des dossiers frauduleux. La mise en œuvre d'un tel dispositif impacte donc l'organisation, les processus, les ressources humaines et les outils, qui ne constituent qu'un axe parmi d'autres.

C'est un projet transverse qui implique toutes les fonctions de l'entreprise : la gestion des sinistres, bien sûr, mais aussi la souscription (donc le réseau commercial), le marketing, la formation, la communication... Cette dimension transverse impose la nécessité d'avancer par palier pour laisser le temps à l'entreprise de monter en maturité sur ce sujet, sans griller d'étape. Il est ainsi globalement constaté un délai de plusieurs années entre le moment où une stratégie industrielle est définie et le moment où le dispositif est déployé dans tous les services de gestion.

A chaque organisation correspond un dispositif spécifique

Des outils extrêmement puissants d'analyse de données, s'appuyant notamment sur les technologies liées au big data, sont aujourd'hui disponibles sur le marché mais les acteurs suffisamment matures pour en tirer parti sont encore peu nombreux. Ces outils sont particulièrement indiqués dans l'analyse de données massives en temps réel. Mais ils sont longs à paramétrer et complexes à maîtriser ; le retour sur investissement que l'on peut en attendre est donc plutôt sur le long terme, en particulier pour les organisations mal préparées ou pas assez matures sur le sujet de la lutte contre la fraude.

Dans un premier temps, un outil simple d'analyse, éventuellement déjà disponible au sein de l'entreprise, fournit les fonctionnalités suffisantes à la plupart des assureurs. Dans une logique coût / efficacité, il est sans doute plus judicieux dans bien des cas de capitaliser sur ces outils, plutôt que de lancer des projets lourds de refonte des systèmes d'information et de rupture technologique. Ces projets, souvent préconisés par les éditeurs et les intégrateurs informatiques, sont en effet onéreux et risqués, et ne présentent un ROI qu'à très long terme. L'enjeu est ailleurs : dans l'organisation, les processus et l'humain. Il sera ensuite grand temps de s'attaquer à la technologie.

L'analyse structurée d'une quantité limitée de données suffit à obtenir déjà d'excellents résultats pour initier une industrialisation de la lutte. Ainsi, le niveau d'investissement initial requis n'est pas bloquant, le retour sur investissement étant particulièrement significatif à court terme. Seules les organisations particulièrement matures, ayant déjà investi sur le sujet depuis plusieurs années, peuvent avoir intérêt à aller plus loin dans le domaine de l'équipement technologique. C'est particulièrement le cas pour les entités à même de déployer des systèmes de lutte temps réel. C'est d'ailleurs dans cette configuration, et seulement dans celle-là, que les outils les plus innovants sont pertinents.

La réponse à la fraude se trouve dans l'amélioration de l'organisation et le renforcement de la culture des collaborateurs

Compte tenu de la maturité des acteurs de l'assurance dans la lutte anti-fraude, l'enjeu, pour la plupart d'entre eux, n'est pas la refonte de leurs systèmes d'information. Le principal levier à actionner à court terme est plutôt de dépasser une démarche artisanale pour l'industrialiser via une organisation dédiée et des processus clairement définis.

De plus, il ne faut surtout pas limiter le dispositif de lutte anti-fraude à un outil, mais il faut le voir comme une modification du modèle opérationnel de l'entreprise. Cette évolution doit se faire progressivement, par étape, et surtout sans aller directement au niveau de déploiement le plus élevé. Ceux qui ont tenté de faire le « grand saut » s'en mordent les doigts !

La mise en place d'un dispositif de lutte contre la fraude constitue un véritable changement de culture sans lequel aucune amélioration significative n'est possible.

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Germain Meissonnier est titulaire d'un diplôme d'ingénieur ISEP et d'un Mastère Spécialisé ESSEC.Sa carrière, débutée en 2003 chez EUROGROUP, lui a également permis d'intégrer les équipes de TnP Consultants.Engagement Manager chez SterWen Consulting, Germain Meissonnier évolue depuis plus de 10 ans dans le conseil en organisation et management dans le secteur de l'Assurance et de la Protection Sociale sur des problématiques d'excellence opérationnelle que l'optimisation de processus, la refonte de processus ou le pilotage de projets complexes.Responsable de l'offre de SterWen Consulting à destination des acteurs de ce secteur, il participe ainsi à plusieurs projets de définition et mise en place de dispositifs de lutte contre la fraude à l'assurance.

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