Pause fiscale, vous avez dit pause fiscale ?

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 19 septembre 2013 à 14h35

Mieux vaut en rire : Que le Premier ministre contredise le président de la République moins de trois jours après l'annonce d'une pause fiscale dès l'an prochain révèle à quel point le pouvoir en place est à cours de solutions pour sortir le pays de l'ornière. Le roi-président veut « entendre le peuple », mais dans la soute on s'affaire pour trouver encore et plus de charbon à enfourner dans la chaudière, aux allures de Moloch.

Entendant le « ras-le-bol fiscal », le président promet devant des millions de français que les impôts n'augmenteront pas l'an prochain ? Balivernes. Les nouvelles mesures fiscales adoptées cette année et qui produiront leurs effets l'an prochain coûteront entre 3 et 10 milliards d'euros en plus – théoriquement- aux contribuables français en 2014. Au moins Jean-Marc Ayrault, en contredisant le président – il annonce la pause fiscale pour 2015 -, fait preuve d'honnêteté.

Mais pourquoi « théoriquement » ? Depuis avril, les services du ministère de l'Economie et des Finances tirent tous les mois la sonnette d'alarme : la plupart des impôts et taxes ont un rendement nettement inférieur aux prévisions. Certains rapportent 10, voire 15 % de moins que prévu dans le budget 2013 ! Le manque à gagner à percevoir dépassera certainement les 10 milliards à la fin de l'année. Sauf que l'on ne le saura vraiment qu'en... avril prochain, le temps que le fisc soit bien sûr d'avoir recouvré tout ce qui peut l'être.

Ce n'est pas d'une pause fiscale dont la France a besoin, mais d'une baisse massive des impôts

Deux explications à cela : d'abord la fameuse théorie de Laffer qui trouve ici une nouvelle démonstration grandeur nature. Quand l'impôt décourage tout ceux qui créent de la richesse, convaincus que le fruit de leurs efforts sera en grande partie (voire dans certains cas en totalité !) absorbé par les impôts, on reste au lit une heure de plus tous les jours. Et le rendement de l'impôt chute.

Mais il y a une autre explication que Bercy ne veut surtout pas faire connaître, par peur de déclencher un mouvement d'une ampleur incontrôlable, qui dépasserait largement le simple ras-le-bol. Outre la fraude fiscale qui n'est plus un sport réservé aux aventuriers mais devient désormais une variable d'ajustement dans de nombreux modèles économiques, quand elle n'est pas une nécessité, les services du fisc sont assaillis de demandes de remises, différés de paiement ou autres recours gracieux. Si l'on ajoute cela au silence assourdissant dans lequel certains contribuables, assommés et atterrés, laissent les services fiscaux, on obtient une masse de plusieurs millions d'entreprises et de foyers qui ne jouent plus le jeu, ne reconnaissant plus la légitimité de l'impôt.

Or, c'est bien là que se situe le piège majeur dans lequel l'actuelle majorité semble s'engouffrer, faute de vouloir imaginer qu'il puisse exister un autre chemin. A force de se persuader qu'il y a du gras à racler sur l'échine des entreprises, pour faire machine arrière quelques mois plus tard avec des mesures gadgets comme le CICE, puis en tentant de se rattraper en assommant les familles, convaincus par idéologie que former un couple et se reproduire est un privilège bourgeois qui doit se payer, l'actuelle majorité se met tout simplement le pays à dos.


La révolte fiscale sourde et silencieuse est en marche

Or, comme l'objet du contentieux qui oppose les citoyens à leur suzerain n'est pas une énième réforme scolaire ou un changement de mode de scrutin, mais tout simplement leur avenir auquel l'argent qui ne fait pas le bonheur contribue quand même largement, le péril n'est pas nul. A la pause fiscale, les français pourraient répondre par la révolte fiscale.

Bien entendu, à la lecture de l'Histoire de France, emmaillée de nombreuses révoltes de ce type, on retiens que les révoltés ont bien souvent fini pendus haut et court ou écartelés. Mais ca, c'était avant. Aujourd'hui, imagine-t-on exercer la « contrainte par corps » sur un père de famille qui malgré tous ses efforts, ne peut honorer son troisième tiers provisionnel, ou encore sa taxe d'habitation ? Non. Avec un compte en rouge à la banque, et une épargne inexistante, le recours ultime à la saisie sur salaire jettera définitivement ce contribuable citoyen là dans la contestation... quand salaire il y a, ou quand celui-ci dépasse le seuil minimal légal au dessus duquel toute saisie est impossible.

Ce qui se profile à l'horizon, c'est que la France, championne du monde du recouvrement des impôts, ce qui allait bien de pair jusqu'ici avec sa médaille d'or du matraquage fiscal, risque rapidement de se voir reléguer en bas de tableau quand les contribuables n'en pourront plus, ce qui est déjà le cas, mais aussi qu'ils ne s'en feront plus, ce qui est en train d'arriver. Quand le fisc ne sera plus qu'une machine à envoyer des recommandés et des avis à tiers détenteur à des tiers qui ne détiennent rien alors, il sera trop tard pour rétablir l'impôt dans sa légitimité.


Ce dont a besoin le pays pour repartir de l'avant, c'est d'une baisse massive et généralisée d'impôts, financée non par encore et plus de dettes, mais par des économies massives sur la dépense publique. Les méthodes pour y parvenir sont connues, et ont été appliquées avec succès jusqu'ici dans bien d'autres pays du monde, du Canada en passant par la Norvège via l'Islande ou l'Irlande et même l'Espagne.

Il ne reste plus beaucoup de temps pour changer de cap, à quelques mois des municipales. Soit, celles-ci consacreront une défaite historique de la gauche et de ses alliés, les enjeux nationaux dépassant les considérations locales pour une majorité d'électeurs contribuables. Soit le gouvernement attend la dernière minute pour venir en aide aux candidats des partis de la majorité, et annoncer en début d'année 2014 des baisses d'impôts.

En tout cas, dans les douze mois à venir, le débat politique ne portera probablement plus que sur l'impôt, sa légitimité et son montant, devenant l'un des principaux critères de choix des contribuables citoyens dans l'isoloir.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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