Midterms : les Américains sont-ils devenus des suricates ?

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Par Habib Jafary Publié le 14 novembre 2018 à 5h43
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@shutter - © Economie Matin

La vague bleue attendue pour les midterms n’a pas atteint les espoirs que nourrissaient les démocrates américains. Parallèlement, l’économie américaine s’est rarement aussi bien portée. On est donc en présence d’une situation totalement inédite où un indépendant a remporté l’élection présidentielle (en ayant moins de suffrages populaires que son adversaire), multiplié les déclarations clivantes, provoqué une guerre commerciale, brouillé l’image des Etats-Unis dans le monde et obtenu des résultats économiques que l’on n’a pas vu depuis les années soixante. Jusqu’où ira-t-il ?

Pour utiliser un terme propre au management, le président américain donne l’impression de personnifier l’acronyme VUCA. VUCA signifie « Volatile », « Uncertain », « Complex » et « Ambiguous », originaire du vocabulaire militaire cette appellation est de plus en plus employée dans l’économie. Or, on a coutume de dire que l’économie a besoin de stabilité pour être performante, et on est loin du compte aux Etats-Unis. Pourtant la machine « USA » tourne à plein régime. Quel est son secret ?

Une fable pour managers : l'histoire d'un clan de suricates

Un ouvrage américain publié sous forme de fable en 2016 peut nous aider à comprendre. Il s’agit de « That’s not how we do it here! » de John Kotter. Dans ce livre, on nous explique comment des suricates sont contraints de changer certaines de leurs habitudes d’organisation sociale face à un univers qui devient changeant, imprévisible et dangereux. Le secret de la réussite économique américaine ne résiderait-il pas dans l’adoption de pratiques tirées de cette fable destinée aux managers ?

L’un des messages forts de la fable des suricates du Kalahari, est qu’une culture du changement doit être partagée et communiquée dans un contexte organisationnel favorable. Il n’est pas facile de sortir de ses habitudes, processus et règles de fonctionnement ancrés dans des certitudes. Tous les modèles d’organisation ne favorisent pas cette culture. Ainsi, les organisations qui ne s’enferment pas dans des logiques pyramidales arrivent à susciter la souplesse propice à la créativité et au changement.

Une autre règle forte issue de cette fable est qu’aucun changement ne peut se faire et être pérenne sans le soutien des leaders. Si les leaders doivent savoir s’appuyer sur des « évangélistes du changement », ils doivent surtout les soutenir dans leur démarche pour s’assurer que l’ensemble du groupe accepte et s’approprie les projets proposés. Dans le conte managérial de Kotter, un couple de suricates veut porter un projet de changement issu d’expériences menées en dehors du clan, leur première démarche est de convaincre leurs leaders et de leur demander de les soutenir.

L’enjeu de ce soutien est d’importance pour la dynamique collective car si l’on parvient à emporter l’adhésion au changement, la volonté d’accompagner ce changement créera un sentiment de réalisation par le travail et un goût pour de futurs changements. Pour cela, il faut accepter de faire des tests à petite échelle, de les voir éventuellement échouer ou de voir certains enthousiastes se décourager en cours de route. Et ce n’est pas si grave car il vaut mieux un « drop out » qu’un « burn out ». Ces petits échecs sont le prix à payer pour être disruptif ou pour s’adapter à la disruption de ses concurrents. Au final, dans le conte, ils permettent aux suricates de développer une culture du changement et de l’adaptabilité qui leur permettra non seulement de faire face à un contexte devenu imprévisible et dangereux mais aussi de relancer le développement de leur clan.

Mais quel lien avec la situation économique américaine ?

Tout comme les suricates, les USA ont connu une situation politique et économique imprévue. Qui aurait pu imaginer, il y a 3 ans par exemple, le scénario que nous vivons : guerre commerciale, plein emploi aux USA, pression sur les salaires, déficits commerciaux et budgétaires américains abyssaux, retours d’idées protectionnistes, records à Wall Street, retrait des accords de Paris, etc.

Le contexte économique a rarement été aussi incertain et pourtant on y trouve visiblement des opportunités de croissance et d’enrichissement.

En définitive, la fable de 2016 n’était-elle pas qu’une métaphore constatant un changement des habitudes dans l’organisation du travail aux USA ? La transformation en suricates des acteurs de l’économie américaine ne les a-t-elle pas rendus résilients aux changements imposés par le trumpisme ?

Les Européens, de futurs suricates ?

L’Europe ne doit-elle pas elle aussi adopter les leçons des suricates américains pour rendre son économie plus résiliente et adaptable ? Alors que le résultat des élections américaines laisse planer une incertitude sur ce que sera l’avenir de la politique économique américaine, une chose est sûre, la valse des tweets présidentiels surprenants n’est pas terminée, la guerre commerciale non plus, et les initiatives protectionnistes encore moins. Cela peut angoisser certains ou donner une impression de chaos mais les suricates ne s’angoissent pas et n’ont pas peur du chaos, y trouvant même une source de créativité. De nombreux européens ont déjà introduit dans leur entreprise cette culture du changement qui permet de faire face aux situations les plus imprévisibles et créer un climat d’innovation managériale. Si vous en doutez, jetez un coup d’œil à la manière dont le métier de banquier est en train de se réinventer alors que le Brexit redistribue les cartes de la finance européenne. On a rarement autant parlé d’agilité, de start-ups et de programmes de transformation que dans les banques, avec, en parallèle, la montée en puissance des néobanques et des fintechs. Les suricates sont finalement partout.

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Après une première partie de carrière dans le domaine humanitaire, suivie par une création d’entreprise, je me suis spécialisé depuis plus de 10 ans dans le secteur de la gestion de projets, du management de portefeuille de projets et de la PMO. Depuis 2014, avec Viatys, je suis intervenu sur des sujets liés à la finance, aux questions réglementaires et de conformité. Mes interventions traitaient de management d’équipe, de gestion de projet ou de portefeuille de projets, d’analyse de processus et de conduite du changement.

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