Nation branding, pays en mal d’investissements cherchent à (re)dorer leur blason

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Par Olivier Lemarchand Modifié le 23 février 2016 à 7h23
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970000 EUROSLe budget 2016 que le Luxembourg a décidé de consacrer au national branding est de 970 000 euros.

Pour rendre plus attractif le pays du point de vue des investissements étrangers, du tourisme ou de l'influence diplomatique, les Etats actionnent le levier du Nation Branding. A l'instar des marques et des entreprises privées, les nations du monde entier travaillent dorénavant la qualité de leur image de marque.

Le nation branding consiste à mettre en œuvre les techniques de communication et de promotion traditionnellement réservées aux grandes marques internationales pour le bénéfice d'un Etat. Son but ? Booster les investissements et les entrées de capitaux étrangers, augmenter le flux de touristes, rendre plus attractif un marché national pour in fine stimuler et diversifier l'économie et créer des emplois. Autre grand objectif visé : rendre les populations fières de leur pays.

Voilà ce à quoi s'attachent les opérations de nation branding des pays les plus puissants, mais pas seulement. Les nations émergentes ou en passe de le devenir soignent également de plus en plus cette forme de soft power, conscientes de son importance pour attirer les investissements dont elles ont besoin pour affirmer leur essor. Une nécessité d’autant plus grande pour ces dernières que, bien souvent, elles sont prises entre le marteau et l’enclume, subissant d’un côté la concurrence des pays plus développés, notamment dans le secteur tertiaire, de l’autre celle des pays en voie de développement, dont la main d’œuvre est moins chère.

Dernièrement, l’Afrique du Sud a ainsi mis sur pied une agence dédiée à la promotion de son capital matériel et immatériel. La « Brand South Africa », sous tutelle du ministère de la Communication, réunit un certain nombre de communicants, lobbyistes, agences, VRP chargés de séduire les investisseurs étrangers, mais aussi de renforcer la fibre patriotique des Sud-africains. La Turquie s’est elle-aussi organisée, en créant une commission interministérielle, chargée d’orchestrer et de coordonner toutes les actions de promotion du pays.

Tous concernés

Pour tirer leur épingle du jeu dans une économie globalisée où la concurrence est rude, les pays doivent donc soigner leur image, la promouvoir. Cela passe parfois par la création d’un logo, exactement comme pour une marque. La réalisation la plus célèbre à ce jour est sans conteste celle de l'Espagne dans les années 90. Le pays pâtissait d'une image rétrograde, celle d'une nation isolée, à la traine après des années de franquisme. La création du fameux logo España par Miro, représentant un soleil rouge et jaune, a propulsé le pays comme LA destination touristique soleil et joie de vivre par excellence. Avec tous les bénéfices que cela a engendré en termes de retombées économiques : créations d'emploi, immobilier en hausse, investissements étrangers en plein boom...

Du côté du Luxembourg, on planche également sur la définition d’une identité visuelle reconnaissable entre toutes. Un logo est actuellement à l’étude. Le pays a dépensé 350 000 euros en nation branding en 2015, il triplera presque cette somme pour la porter à 970 000 euros dès 2016. Objectif final : faire évoluer l’image du Luxembourg, actuellement trop axée sur la finance.

Mais le Nation Branding peut revêtir des aspects différents, actionner d'autres leviers de promotion. La culture, les expositions, la musique ou l'art sont autant de domaines qui participent au rayonnement d'un pays. Tout comme les Jeux Olympiques. A cet égard, le cas de la Chine est, comme le rappelle Richard Attias, des plus significatifs : "Rappelez-vous que quelques semaines avant les Jeux Olympiques de 2008, beaucoup de voix appelaient au boycott de ce rendez-vous dont certains chefs d’Etats et de gouvernement en ce qui concerne la cérémonie d’ouverture des J.O. Aujourd’hui, tout le monde est content de faire des affaires avec la Chine et d’avoir ce pays comme partenaire.". Un partenaire commercial de premier plan avec qui tout le monde souhaite dorénavant travailler.

Les pays d'Europe de l'Est tels que la Croatie et le Monténégro ont également eu recours aux conseils de sociétés privées spécialisées en communication. Ces deux pays ne sont-ils d'ailleurs pas récemment devenus des lieux touristiques très prisés, notamment par une clientèle de standing élevé ?

Richard Attias : « les Etats sont avant tout des marques »

Mais la vraie nouveauté, c’est que le nation branding n’est plus l’apanage des pays riches ou émergents, mais concerne aujourd’hui également les pays les plus en difficulté. Une tendance qui s’explique par la nécessité dans laquelle ils se trouvent, pour ne pas être plus distancés encore qu’ils ne le sont, de créer un appel d’air à même d’encourager les flux de capitaux dans leur direction.

Certains communicants, à l’instar de Richard Attias, se sont ainsi fait une spécialité de venir en aide à ces pays dont l’image reste à forger. L'expert en image franco-marocain accompagne notamment des pays d'Afrique dans leur transformation, mettant en avant tout leur potentiel sous-estimé. Le Tchad, l'Angola ou encore le Congo-Brazzaville, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Bénin... autant de pays connus soit pour leurs ressources fossiles soit pour leurs difficultés économiques, et qui ont fait appel à Attias, selon lequel "Les Etats sont avant tout des marques". La formule peut paraître osée, elle n’en est pas moins juste.

S’il semble réducteur aux personnes qui y vivent de concevoir leur pays comme une marque, il apparaît néanmoins que chaque pays est perçu par les étrangers comme la somme d’un nombre limité de concepts et d’idées forces. Autrement dit, la représentation que nous nous faisons d’un pays étranger tient en quelques mots, exactement comme celle que nous nous faisons d’une marque, et c’est en en prenant conscience et en essayant d’orienter ces quelques mots clés dans la direction voulue qu’on obtient des résultats.

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Consultant en communication institutionnelle et politique, Olivier Lemarchand contribue à l'édification de l'image de marque de ses clients, qu'il s'agisse d'entreprises privées ou d'acteurs du public. Fort d'une expérience internationale, qu'il s'est forgée successivement à New York puis Londres au sein d'un important cabinet spécialisé dans la communication de crise, Olivier Lemarchand est désormais basé à Paris, où il travaille à son compte. Il revient pour Economie Matin sur l'importance d'une communication maitrisée dans la création de valeur, en décryptant concepts et actualité liés à ce domaine.

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