Nucléaire : le dilemme français

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Par Philippe Chalmin Publié le 12 février 2018 à 5h00
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58La France compte 58 réacteurs nucléaires.

Le parti « La France insoumise » va organiser du 11 au 18 mars une votation citoyenne sur le nucléaire pour décider finalement du sort de cette source d’énergie en France.

Je ne pense pas que cette votation soit significative pour la France. « La France insoumise » ne représente pas grande chose sur le plan politique, leur influence est considérablement diminuée. L’opinion publique est très partagée et Mélenchon a peu de chances de réunir suffisamment de gens pour que ce soit véritablement représentatif. D’ailleurs, la proposition de « La France insoumise » ne donne pas lieu à une véritable votation qu’on peut avoir dans d’autres pays, et je pense qu’il y a un certain pragmatisme de la part du gouvernement actuel pour maintenir largement l’énergie nucléaire.

Un grand troc

Franchement, je doute que le gouvernement aille jusqu’au bout de la fermeture de Fessenheim, qui est devenu un symbole du démantèlement du nucléaire en France. Dans le très subtil équilibre en France entre les écologistes et les autres il existe une sorte de troc, comme dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, par exemple. Mon impression est que la France ne renoncera pas à son énergie nucléaire, car elle fait la partie fondamentale de notre mix énergétique. À mon avis, à moyen terme il n’aura pas de virage massif dans notre politique énergétique, probablement une augmentation des renouvelables, mais tout dépendra finalement de l’ouverture de l’EPR de Flamanville. Et si effectivement cet EPR monte en puissance suffisamment, en tant que compensation, la centrale de Fessenheim pourra être fermée.

Il faut avouer que l’EPR est devenu un challenge pour la France, y compris tous les problèmes qu’on a eu à Flamanville avec aussi des normes de sécurité de plus en plus astreignantes. L’EPR de Flamanville va quand-même être complété en dépit de la crise dans la filière nucléaire française. Il est maintenant établi que le premier EPR sera bientôt mis en service en Chine. La France se lance dans un programme nucléaire international à grande échelle, comme par le passé où la France a construit près d’une cinquantaine des réacteurs et avait acquis une grande expérience. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : Areva n’avait pas assez d’expérience pour mener la construction en Finlande et EDF ne devait pas se lancer tout seul à Flamanville. Le résultat final sont les déboires accumulés par l’un et par l’autre, des malfaçons de cuves etc.

Une voie ardue vers la décarbonisation

Cependant, dans le cas français, il faut toujours rappeler que le nucléaire est à zéro carbone et que le nucléaire est plutôt un avantage qu’un inconvénient pour la France. Et il restera la source prédominante dans le mix énergétique français. En tant qu’expert en matières premières, je peux aussi estimer que la France a une grande autonomie dans le combustible nucléaire. Le marché de l’uranium ne pose aucun problème, les ressources sont abondantes. Donc, il n’y a pas de problème pour le pays en termes de dépendance énergétique, mais cela s’explique encore par le choix du nucléaire comme principale source d’énergie utilisée.

Quand je regarde l’Allemagne, je vois que le remplacement du nucléaire, même quand il ne représente pas une grande partie du mix énergétique, n’est rendu possible que par un retour des centrales à charbon, une solution entérinée par Madame Merkel qui a largement contribué à éloigner le pays d’un grand nombre de ses objectifs. Après tout, le charbon s’avère être la pire des solutions. Bien sûr, la question du mix énergétique se pose différemment pour chaque pays de l’UE.

Finalement, même si la France est un pays vertueux en termes d’émissions de CO2, la question de la décarbonisation reste un défi mondial. Par exemple, la décision de mettre un prix sur les émissions de carbone doit être prise au niveau international. Les accords conclus à la COP21 ont le caractère de recommandations et ne suffisent pas à porter un coup sévère aux énergies carbonées. Par conséquent, le marché qui s’est le plus développé l’année dernière est le marché du charbon, car le charbon, malheureusement, reste la source d’énergie la moins chère. Dans l’Union Européenne, l’initiative d’augmenter les taxes sur le carbone est constamment remise en cause par les pays comme l’Allemagne et la Pologne, qui sont largement dépendantes des hydrocarbures.

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Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine et président-fondateur du groupe CyclOpe.

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