Pourquoi l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence n’a pas tenu ses promesses ?

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Par Olivier Durin Modifié le 29 novembre 2022 à 9h14
Electricite Production Baisse 2
56%En 2018, 56% des Français ont été démarchés en vue d'un changement de fournisseur.

L’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie n’a pas tenu ses belles promesses de départ. La hausse continue des prix de l’électricité et les mauvaises pratiques commerciales de certains acteurs ont miné la confiance des Français dans le marché. Une confiance que les fournisseurs et les pouvoirs publics doivent restaurer, dans l’intérêt des consommateurs.

Un désamour croissant

Treize ans après l’ouverture du secteur de l’énergie à la concurrence, les Français restent fidèles à EDF : 73 % des sites résidents et non-résidents sont en effet encore assujettis au tarif réglementé de l’électricien. Cet attachement à l’opérateur historique n’est pas une exception française. En Allemagne, où le marché est ouvert à la concurrence depuis vingt ans, 60 % des consommateurs sont clients de l’acteur historique. Pourtant, l’ouverture à la concurrence est désormais ancrée dans l’esprit collectif : 9 Français sur 10 ont conscience que le marché est libéralisé et 87 % ont connaissance du droit au changement de fournisseur.

Mais, leur confiance à l’égard de ce secteur diminue inexorablement depuis plusieurs années : seuls 60 % des Français sont aujourd’hui favorables à un marché de l’énergie libéralisé, alors qu’ils étaient 65 % en 2018 et 70 % en 2015. En effet, les Français ne croient plus aux vertus de la concurrence : 81 % des consommateurs considèrent ainsi que la libéralisation n’a pas entraîné d’amélioration notable et seuls 22 % des Français ont constaté une baisse des prix depuis 2007.

La fausse promesse de la baisse des prix

Le principal argument avancé par les partisans de l’ouverture à la concurrence d’un marché monopolistique est pourtant la perspective d’une possible baisse des tarifs pour le consommateur et d’une augmentation globale de la qualité de service. En témoignent les débats autour de la libéralisation du marché du rail régional.

Problème, depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité aux particuliers, les augmentations de prix se sont succédé, presque chaque année. Le 1er juin 2019, une hausse de 5,9 % a ainsi été appliquée au tarif réglementé. La huitième en dix ans. Le 1er février dernier, la hausse du tarif réglementé est fixée à 2,4 %. Au cours des 10 dernières années, le prix de l’électricité a ainsi grimpé de 50 %, pour un budget annuel moyen estimé à 930 euros pour les ménages français.

En 2016, la part des dépenses d’électricité dans les dépenses totales en énergie hors carburants des ménages s’élevait à 56,7 %, contre seulement 44,6 % en 2007 et… 23,3 % en 1959. Des augmentations successives liées aux taxes appliquées par l’État, au coût élevé de la distribution d’électricité et au mode de calcul du tarif réglementé d’EDF. En effet, le tarif réglementé ne prend pas uniquement en compte les coûts d’EDF, mais aussi ceux de la concurrence.

Les acteurs alternatifs ne produisant aucune électricité, ces derniers se fournissent auprès d’EDF, dont un quart de la production leur est réservée. Mais la demande étant toujours plus forte et la production accordée par EDF limitée en volume, les concurrents de l’électricien sont dans l’obligation de se fournir sur le marché de gros, où l’électricité est plus chère.

Dès lors, pour garantir la compétitivité des opérateurs alternatifs qui, contrairement à EDF, voient leur coût augmenter, l’électricien est dans l’obligation d’augmenter son tarif réglementé afin de permettre à ses concurrents de proposer un prix égal ou inférieur au sien. Une hérésie pour de nombreux experts.

Hausse des litiges sur fond de guerre commerciale

Sur un marché de taille limitée, les opérateurs sont par ailleurs prêts à tout pour glaner de nouveaux clients. Parfois au prix de pratiques commerciales douteuses, dont sont souvent victimes les ménages les plus vulnérables, comme les personnes âgées. Certains acteurs jouent ainsi volontiers sur la méconnaissance des Français d’un marché complexe dont ils ignorent souvent toutes les règles.
Le Médiateur de l’énergie, qui a la lourde charge de régler les litiges entre consommateurs et fournisseurs, constate ainsi une hausse inquiétante des réclamations. Tout d’abord, parce que le démarchage à domicile s’intensifie avec la présence d’une multitude d’acteurs. En 2018, 56 % des Français avaient ainsi été démarchés en vue d’un changement de fournisseur. Ils n’étaient que 36 % en 2017. Entre 2016 et 2018, le Médiateur a constaté une hausse de 40 % des litiges, soit environ 17 000 par an. Deux acteurs sont principalement visés : Engie avec 44 % des litiges et ENI avec 28 %.

Cette hausse du nombre de litiges est d’abord liée au foisonnement de fournisseurs alternatifs, aujourd’hui 73, qui accentue la bataille commerciale entre les différents acteurs. Mais selon l’ancien Médiateur de l’énergie, Jean Gaubert, le paiement de prestataires uniquement à la commission, très répandu dans le secteur de l’énergie, encouragerait également les mauvaises pratiques de vente en conditionnant le revenu des commerciaux itinérants au nombre de contrats signés. Le nouveau Médiateur, Olivier Challan Belval, préconise quant à lui l’impossibilité de faire signer un contrat à un client potentiel le jour même de la visite d’un commercial, afin de respecter un temps de réflexion.

Une protection plus accrue des consommateurs est un préalable essentiel à la restauration de la confiance dans le marché de l’énergie. Le mode de calcul du tarif réglementé, principal vecteur de hausse des prix dans le secteur, doit aussi être entièrement repensé afin de ne pas faire porter aux Français le prix de la concurrence.

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Directeur de publication du Monde de l'énergie

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