Les conséquences inattendues de la panne d’Orange

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 3 juin 2021 à 9h22

MISE A JOUR JEUDI 3 JUIN 2021 :

Une panne survenue dans la soirée du mercredi 3 juin 2021 est survenue sur le réseau téléphonique d'Orange, impactant notamment les appels à destination des services d'urgence. Pour en savoir plus sur cet incident, notre article ici : https://www.economiematin.fr/news-panne-reseau-orange-consequences

La panne du réseau d'Orange, vendredi 6 juillet, pourrait avoir des conséquences totalement innatendues en raison de l'extrême dépendance des "utilities" aux télécoms.

Les "utilities" sont l'ensemble de ces services comme l'eau, l'électricité, mais aussi les transports par exemple, qui ont besoin de communiquer pour fonctionner.

Risques de pénurie d'eau

Prenez l'exemple d'un château d'eau : celui-ci est informé en temps réel de la consommation d'eau dans la ville qu'il dessert par une liaison téléphonique. Si la plupart ont été équipés d'abord de connexions téléphoniques filaires lors de leur construction pour télécommander les pompes destinées à faire monter l'eau dans le château d'eau, lors du remplacement des pompes et des équipements gérant le stockage, c'est le plus souvent une connexion téléphonique mobile qui a été choisie.

Beaucoup de ces équipements sont pilotés avec de simples SMS, mais justement, ce soir, lors de la panne du réseau d'Orange, héritier du premier réseau mobile français autrefois baptisé Itinéris, même les SMS ne passaient plus. Les châteaux d'eau disposent d'une réserve de 12 à 24 heures. Si la panne dépassait cette durée, des pénuries d'eau pourraient survenir.

Transports

Normalement, la SNCF dispose de son propre réseau de télécommunications pour gérer toute la signalétique des trains et les aiguillages, tous automatisés. A tel point que la SNCF loue justement son réseau de fibres optiques, qui longent les voies, à des opérateurs Internet, fixes, et mobiles, et en tire une redevance confortable. Néammoins, un transporteur comme la SNCF, mais aussi les compagnies aériennes, les bus, les taxis aussi, sont très fortement dépendants des télécoms "civiles". Ainsi, les terminaux mobiles des contrôleurs dans le train ne sont-ils pas connectés en permanence pour pouvoir valider les titres de transport des passagers en les scannant, et en les comparant à une base de données ? D'après nos informations, la SNCF a confié cette tâche à SFR, mais dans une logique de répartition des risques il est possible qu'une partie des équipements soient sur Orange. De même, les cheminots peuvent être mobilisés par téléphone pour compléter un train quand il manque un contrôleur par exemple. Dans tous les cas, tous les passagers qui en ce jour de départ n'avaient pas imprimé leur billet de train, mais pensaient le montrer directement sur leur mobile grâce au "tag 2D", pour peu qu'ils aient été abonnés d'Orange, ils ont du avoir du mal à justifier de la bonne détention d'un titre de transport... Les jours de grand départ, la SNCF peut transporter jusqu'à 1 million de passagers.

De même, les taxis ne sont pas tous équipés de radios, mais recoivent leurs consignes par des terminaux mobiles, connectés via le réseau GSM, ou encore pour les petites compagnies ou les chauffeurs indépendants par téléphone mobile en appel vocal.

Les compagnies aériennes quant à elles communiquent évidemment avec leurs équipages via le téléphone mobile, afin de compléter un équipage par exemple. Les SMS sont souvent utilisés pour prévenir les passagers d'un retard ou d'une annulation. Ne parlons pas de tous les personnels qui gravitent autour d'un avion et d'un aéroport : sécurité, nettoyage, catering (restauration à bord) tout un tas de métiers qui communiquent par téléphone à longueur de journée.

Electricité et Gaz

La encore, EDF, ERDF, GDF Suez, disposent normalement aussi de leurs équipements de télécommunication propres pour gérer et administrer le réseau. Mais toutes les équipes d'astreinte et de maintenance, notamment ceux qui se trouvent à leur domicile, attendent un éventuel appel en cas de besoin derrière un téléphone mobile qui ne peut pas sonner.

Informatique

Tous les jours en France des milliers d'ingénieurs et informaticiens sont d'astreinte à leur domicile, joignables... par téléphone, pour pouvoir intervenir sur un équipement informatique, une base de données ou autre système tombés en panne. De même, des centaines de milliers d'équipements informatiques ou autre communiquent avec des ordinateurs centraux ou des... ingénieurs / techniciens sous astreinte par le biais d'un simple SMS.. qui ne passait pas ce soir jusqu'à 22h00 environ dans certaines parties du territoire français.

Sécurité

Vous avez une maison de campagne ou un appartement en ville auxquels vous tenez, avec quelques objets de valeur à l'intérieur ? Pas de souci, votre alarme veille, et appellera un centre de télésurveillance en cas de problème... Sauf que bien souvent, ces équipements sont connectés au réseau mobile, justement pour éviter que les cambrioleurs ne sectionnent les fils du téléphone ! L'alarme se déclenchera, mais n'appelera personne, ou n'enverra pas de SMS d'alerte, si l'abonnement a été pris chez Orange.

Même chose pour les dizaines de milliers de grandes surfaces et entrepôts sous surveillance éléctronique dont les alarmes (effraction, incendie, eau) sont elles aussi quasi systématiquement connectées au monde extérieur par le réseau mobile. Statistiquement, la moitié de ces équipements est ce soir incapable de communiquer, attendant que le réseau Orange "remonte".

Pompiers

Finie la sirène qui réveille tout un canton à 2 heures du matin pour prévenir 10 pompiers volontaires qu'un accident vient de se produire et qu'il faut se lever pour leur porter secours. Désormais, les 250 000 pompiers volontaires en France sont joignables par téléphone mobile, évidemment ! Sauf que ce soir, au moins 100 000 d'entre eux, si l'on tient compte de la part de marché d'Orange en France, n'étaient peut-être pas accessibles. Heureusement, la procédure est très stricte : lorsque le chef d'équipe d'astreinte prévient ses pompiers volontaires, s'il ne peut pas les joindre, il déclenche normalement... la sirène. Si elle marche encore (d'où les tests tous les premiers mercredis du mois).

Santé Hopitaux

Le chirurgien indispensable pour réaliser une opération de la dernière chance, injoignable parce que son téléphone ne passait pas ? C'est une hypothèse sérieuse. Dans les prochains jours, ce genre de cas remontera surement à la surface. Il n'est pas question ici dans cet article de faire du catastrophisme à deux sous, mais simplement de montrer notre extrême dépendance aux réseaux de télécommunications, et en particulier mobiles depuis quelques années. De même, les infirmières, les médecins de SOS Médecins, etc, n'ont que leur téléphone mobile pour joindre, et être joint, s'ils ne sont pas à leur domicile (si le numéro de leur domicile est encore dans les bases de données ou les... carnets à spirale). Autrefois, du temps du téléphone fixe roi, une personne qui devait pouvoir etre jointe à tout moment donnait toute la liste des numéros de téléphone où le toucher, avec son planning. Epoque révolue.

Baby-sitters

Enfin, last but not least, ce soir, quelques dizaines de milliers de parents partis diner chez des amis, au restaurant, au cinéma, n'étaient pas joignables pour leur baby-sitter. Qui aura certainement su se débrouiller si Arthur ou Constance ne veulent pas se coucher, ou ont un gros chagrin. Espérons !

Samedi 7 juillet, notre article a été mis en images par nos confrères de I-Télévision. Pour le voir, cliquez ici.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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