Les paradis fiscaux : nécessaires au développement économique ?

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Par Eric Delannoy Modifié le 18 avril 2013 à 1h24

Véritable effet d'annonce « post » affaire Cahuzac, François Hollande demandait la semaine dernière des mesures de renforcement de contrôle des paradis fiscaux. Quelles conclusions tirer de ces déclarations ?

La question des paradis fiscaux est sujette à une vaste hypocrisie : véritable épicentre du capitalisme depuis plus de 30 ans, ils restent nécessaires de facto (dans la mesure où ils sont soumis à une certaine forme de régulation) au développement de la mondialisation et de son corollaire : la libre circulation des capitaux.

Paradoxalement, plus on cherche à imposer des régulations strictes au fonctionnement des banques, plus les paradis fiscaux ont de l'attrait. Ils permettent en effet de s'affranchir d'un cadre législatif devenu de plus en plus contraignant depuis la crise de 2008, avec comme conséquence directe la capacité à obtenir des financements de projets moins chers et plus simples à mettre en place. Il est nécessaire, dans cette perspective, d'identifier ce qui est acceptable d'un point de vue du fonctionnement des marchés et des risques encourus, de ce qui ne l'est pas.

Aucun pays ne peut fonctionner sans un système bancaire dynamique, véritable « poumon » de l'économie de marché. Les paradis fiscaux ne sont pas synonymes de fraude systématique mais apportent des architectures fiscales, juridiques et réglementaires facilitant l'accès à certains marchés.

Pour des raisons historiques, le financement de l'aéronautique nécessite par exemple de maintenir une présence dans ces endroits. De la même manière, l'opacité de l'actionnariat dans un jeu concurrentiel complexe peut permettre de gagner des marchés dans des zones où les règles concurrentielles et culturelles diffèrent de celles du monde occidental. La conquête du marché chinois, présente sur toutes les lèvres, nécessite par exemple un mode d'approche de ce type.

Pour acquérir plus de transparence, deux logiques sont actuellement en discussion, l'une de « dénonciation », l'autre relevant davantage de la « supervision ». La première logique consisterait à transformer les banques en « agents du fisc » à même de dénoncer leurs clients auprès de la législation des pays concernés. C'est cette logique qu'a par exemple retenu UBS aux Etats-Unis, pays où le FACTA (Foreign Account Tax Compliance Act) permet ensuite d'échanger de telles informations auprès des autorités étrangères concernées.

Une deuxième option donnerait aux banques un rôle de supervision vis-à-vis des fonds de leur clientèle, elles deviendraient alors responsables du respect de la législation fiscale de leurs clients et en rendraient compte à l'administration fiscale de leur pays. Plus responsabilisante, cette logique permettrait non seulement à la banque d'intégrer le « service fiscal » dans sa relation avec les clients et sauvegarderait une partie du secret bancaire. Elle permettrait donc d'apporter de la transparence sans supprimer la logique économique bancaire, la banque restant un prestataire au service de sa clientèle.

On évoque aujourd'hui la mise en place d'un FACTA européen, il faut pourtant assimiler au préalable ce qu'il entrainerait comme conséquences au niveau non seulement des coûts de mise en place mais aussi de l'atteinte à la vie privée. Ainsi, qui serait à même de valider la responsabilité des personnes déclarées comme « coupables » auprès du fisc ? Qu'en dira la CNIL, garante du respect de la vie privée en France ? La mise en place de bases de données à même de recueillir ce type d'informations pourrait coûter entre 100 et 150 millions d'euros aux plus grandes banques françaises. Un tel coût serait-il répercuté sur les usagers ?

On le voit, la lutte contre les paradis fiscaux, en plein essor, ne peut se réduire à une volonté de moralisation des acteurs économiques. Ils sont au cœur de la compétition internationale. L'enjeu consiste à en améliorer la transparence de manière à éviter d'en faire des lieux d'argent sale et d'évasion fiscale.

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Eric Delannoy, 47 ans, est vice-président de Weave. Diplômé de l'ENSAE, de Dauphine et de Science Po Paris, il a commencé sa carrière chez Cetelem avant de devenir directeur chez PricewaterhouseCoopers puis, en 2003, responsable de la business unit CRM pour le secteur finance chez IBM Business Consulting Services. Il a rejoint Weave en 2005 pour créer l’activité banque.

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