8 400 MILLIARDS de DOLLARSLe volume de papiers gouvernementaux dans le monde qui ont un taux d?intérêt négatif est repassé à 8 400 milliards de dollars.
Alors que le marché pariait sur une hausse des taux américains jusqu’à début décembre, il parie maintenant sur une baisse. La forte baisse du PMI américain renforce ces craintes sur la croissance.
Point de marché : énorme rotation sur les Treasury
Alors que la Fed a atteint son rythme de croisière en termes de réduction du bilan, 50 milliards par mois, et que la BCE vient d’arrêter son QE, il est impressionnant de noter la très forte baisse des taux longs des deux côtés de l’Atlantique :
Le 10-ans américain est passé de 3,25% début novembre à 2,58%
Le Bund est passé de 0,57% début octobre à 0,16%
Résultat : le volume de papiers gouvernementaux dans le monde qui ont un taux d’intérêt négatif est repassé de 5 700 milliards de dollars à 8 400 milliards. C’est colossal. Pour donner un ordre de grandeur, cela fait 7 350 milliards d’euros, soit 3 fois et demi la dette totale de l’Allemagne, ou plus que la dette cumulée de l’Allemagne, la France et l’Italie réunies.
S’il est difficile de suivre les mouvements des investisseurs, les flux d’ETF journaliers permettent de lever un coin du voile.
Sur la journée de mercredi l’ETF d’Ishare sur les Treasury longs (« 20+ YEAR TREASURY ») a collecté plus d’un milliard. C’est de très loin son plus haut historique, le précèdent record était à seulement 777 millions. L’ETF d’Ishare «7-10 YEAR TREASURY », lui a collecté 1,7 milliard sur la journée, troisième plus haute collecte de l’histoire.
A l’opposé il semble qu’il y ait des sorties très importantes des ETF marché monétaire. L’ETF d’Ishare « SHORT TREASURY » a décollecté 264 millions, toujours sur la journée de mercredi. Un tel volume de sorties est extrêmement rare. Le graphique montrant l’ETF de JPMorgan « ultra-short income » est encore plus parlant :
Bref, cela suggère qu’il y a eu des sorties massives du marché monétaire pour aller prendre des positions sur la partie longue de la courbe. Le marché parie maintenant sur une baisse des taux long, d’ailleurs les positions de ventes à découvert sur les futures 10-ans se sont énormément réduites en fin d’année dernière. Le sentiment de prudence n’est donc pas limité aux attentes de Fed Funds mais aussi à la partie longue de la courbe.
PMI américain : vraiment très laid
Le PMI américain, contrairement aux PMI européens, avait résisté jusqu’à présent. Ce n’est plus le cas.
Premier point, la baisse du PMI manufacturier est impressionnante, de 59,3 à 54,1, une baisse de 5,2 points. Si on exclut le plongeon post-Lehmann en octobre 2008, il s’agit de la plus forte baisse en 16 ans. Plus inquiétant, la composante la plus en anticipation, « carnet de commande » a aussi énormément baissé, cédant 11 points à 51,1, et se rapproche de la limite des 50. Alors que la faiblesse du PMI européen semblait excessive au regard de la résilience américaine, c’est le PMI américain qui re-converge vers le bas. Seul point positif : les entreprises qui ont répondu à l’enquête citent abondement les craintes de guerre commerciale et les droits de douane : c’est, on peut l’espérer, une incitation forte pour l’administration américain à ne pas escalader les tensions.
Deuxième point, la différence entre le niveau des stocks et le niveau des commandes donne la tendance future. Pour être précis, cet indicateur est un signal avancé de deux mois.Il donne actuellement un message très clairement négatif.
Troisième point, il faut relativiser ces chiffres, comme toujours les enquêtes d’opinion sont volatiles et la corrélation avec l’activité réelle n’est pas parfaite. Les fondamentaux américains restent positifs. Mais il faut surtout replacer le PMI dans un contexte plus large : l’indice de surprises économiques américain s’est nettement détérioré, passant d’un niveau proche de 0 il y a un mois à -24 à la fin du mois de décembre.
Ces chiffres de PMI s’inscrivent donc dans une tendance plus large de données décevantes. Il semble plus que probable que nous entrions dans une phase de révision à la baisse du consensus.
Après Apple, Delta
Après Apple c’est au tour de Delta Air Lines de faire une mise en garde sur ses revenus futurs. Comme dans le cas du PMI il faut remettre cette information dans une perspective plus large : l’indice « transport » du Dow Jones, qui est souvent vu comme un indicateur avancé du cycle économique, a très fortement sous-performé sur le T4. La mise en garde de Delta s’inscrit donc dans un contexte plus large de problème affectant l’ensemble du secteur.
Fin du « shutdown » ?
La position trumpienne est donc passée de « les mexicains vont payer pour le mur » à « nous ne payerons pas les fonctionnaires américains tant que les contribuables américains ne payent pas pour le mur ». Hier la Chambre des représentants a voté la fin du « shutdown » partiel. Une réunion doit se tenir aujourd’hui pour trouver un accord entre le Congrés et Donald Trump. L’histoire montre néanmoins que ces « shutdown » partiels ont un impact limité et temporaire sur l’économie.
Stéphane Déo est stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Il est diplômé d'HEC, a un DEA en économie à l'Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales) et un doctorat en finances à HEC. Il a effectué des études post-doctorales à l'université de Berkeley (Californie).
Après l’OCDE et Goldman Sachs, il travaille chez UBS en 2001 comme économiste puis stratégiste jusqu’en 2015. Il poursuit son expérience chez Empirical Research Partners comme stratégiste actions globales.