Quel avenir pour les pôles de compétitivité à l’heure de la loi PACTE ?

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Par Alexandre Publié le 29 avril 2018 à 5h00
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30 %L'Île de France réalise plus de 30 % du PIB français.

Alors que la reprise économique se confirme et que la France s’approche des 2% de croissance annuelle, il convient de ne pas oublier nos problèmes structurels.

La part de la France dans les exportations de la zone euro est à un point bas. L’emploi évolue toujours en ordre dispersé dans les différentes régions françaises. Les pôles de compétitivité, créés pour dynamiser les territoires en créant des emplois et de la croissance, ont encore tout à prouver. L’Ile-de-France réalise toujours plus de 30 % du PIB français pour environ 18 % de la population. Cette surreprésentation économique de la région parisienne se retrouve d’ailleurs dans le nombre d’offres d’emploi postées sur Indeed.fr : plus de 32 % sont répertoriées en Ile-de-France.

Les PME françaises, nombreuses et premières créatrices d’emploi dans les territoires, ne sont cependant pas assez grosses pour pouvoir exporter ou investir dans leur développement. Leur accès au financement reste difficile, notamment lorsqu’il s’agit de fonds propres. Les discussions sur le dynamisme des PME françaises sont au coeur de la loi PACTE, préparée par le gouvernement qui a bien conscience de l’urgence de s’attaquer à ces problèmes par des réformes structurelles. Les pôles de compétitivité ont un rôle à jouer pour accompagner cette nécessaire transformation.

Les pôles de compétitivité : des labels mais toujours pas d’emplois

L’objectif des pôles de compétitivité était de créer des emplois et de la croissance dans les territoires. Parmi la centaine de pôles que compte le pays, six pôles « de classe mondiale » avaient été identifiés qui couvraient essentiellement les secteurs de l’aérospatiale, de la santé, des nanotechnologies et des TIC. Près de quinze ans plus tard, force est de constater que la stratégie industrielle mise en place via les pôles a déçu. Un rapport de France Stratégie soulignait récemment que les pôles de compétitivité avaient échoué à créer de la croissance et des emplois dans les régions, mais qu’ils avaient toutefois permis d’inciter les entreprises à augmenter leurs efforts de recherche et développement. Un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de l’année dernière proposait 12 recommandations, essentiellement regroupées autour de la cohérence de la politique, de la clarté des objectifs et de l’anticipation des risques, mais se gardait bien de redéfinir une vraie perspective pour les pôles.

Les pôles n’ont pas véritablement contribué à l’émergence de nouveaux secteurs d’excellence. Ils ont donné encore plus de force à ceux qui constituaient déjà des avantages compétitifs pour la France, en facilitant les échanges entre entreprises, universités et centres de recherches. Le cas de l’aérospatiale est significatif à cet égard. L’”Aerospace Valley”, pôle de compétitivité de classe mondiale, regroupe autour d’Airbus beaucoup de PME et ETI sous-traitants dans les régions Occitanie et Nouvelle Aquitaine. La majorité de l’emploi du secteur se situe en Occitanie et en Ile-de-France, qui représentent respectivement 31% et 28% des annonces dans le secteur de l’aérospatiale sur Indeed.fr. L’écosystème aérospatial en Occitanie était déjà solide avant le lancement des pôles, bien que la marque “Aerospace Valley” ait permis de donner plus de visibilité à la filière et ait facilité les relations entre sous-traitants.

Un nouvel objectif pour les pôles : inciter à la fusion des PME

Comme le souligne le CESE, il est indispensable de poursuivre la “lutte contre le saupoudrage”. C’est bien de stratégie de filière dont il s’agit en réalité : au-delà de la réorganisation ou du regroupement de certains pôles, il serait pertinent de placer les pôles sous la coordination du Conseil national pour l’industrie (CNI) afin de leur assigner une mission claire.

Cette mission pourrait être le regroupement des PME. Encourager les PME à la fusion permettrait de créer enfin un nombre d’ETI critique pour développer une véritable industrie exportatrice. Les pôles de compétitivité sont l’outil idéal pour cela puisqu’ils sont déjà un espace de rencontres, d’échanges et de coopération entre entreprises. Contrairement à la plupart des fusions d’entreprises, destructrices d’emplois à travers les “synergies”, les fusions de PME créeraient des emplois puisqu’elles seraient l’occasion de créer ou développer des services annexes (marketing, finance, informatique, service client), que beaucoup de PME n’ont pas les moyens de mettre en place mais qui sont pourtant cruciaux pour leur compétitivité, et donc celle du pays.

Alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron travaille sur un projet de loi pour ce printemps qui concernera au premier chef les PME, il est important de donner un second souffle aux pôles de compétitivité qui sont désormais fortement implantés dans les territoires et sont bien souvent un marqueur identitaire de l’économie régionale.

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Alexandre Judes est économiste au sein de l’institut de recherche Hiring lab, Indeed.

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