Prélèvement à la source : d’un PAS mal assuré

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Par Thomas Bourgeois Modifié le 13 février 2018 à 11h55
Entreprises Prelevement Source Fiscalite Etat
400Tous les mois, ce sont 400 données par salarié qui sont envoyées par les entreprises à l'Etat.

La Déclaration Sociale Nominative (DSN) et le Prélèvement à la source (PAS) vont concerner chacun d’entre nous.

S’il est couramment entendu que ces réformes à l’échelle nationale sont mises en place dans un but de simplification – ce qui est vrai et il faut saluer ici la volonté de l’état et les efforts entrepris pour installer la DSN et le PAS – leur déploiement en revanche est complexe pour les entreprises livrées à elles-mêmes.

Mise en place, testée depuis de nombreuses années, étendue aux petites entreprises et aux organismes collecteurs depuis peu (caisses de retraite, assurance maladie, pôle emploi, ….), la DSN, aux dires du gouvernement est un succès. Ce qui laisse supposer en conséquence le bon déploiement du PAS.

C’est méconnaitre la réalité de bon nombre d’entreprises quels que soient leur taille et leur secteur d’activité. On constate qu’elles peinent à implémenter la DSN en raison d’un problème de configuration de leurs données et plus important peut-être en raison de la qualité de celles-ci.

De nombreuses erreurs surviennent générées par les logiciels de paie eux-mêmes, erreurs de paramétrage, erreurs dans les saisies de dossiers, peu ou pas d’intégration avec d’autres systèmes devenus sources de données (systèmes comptables,…). Il en résulte des erreurs de cohérence et personne n’est en mesure de vérifier la justesse des informations ni en amont, ni en aval. Pourtant la majorité des entreprises ont investi du temps, de l’argent, des ressources dans l’implémentation de ces logiciels RH et SIRH. La gestion de la paie s’est digitalisée petit à petit avec l’utilisation de tous ces outils mais qui se révèlent malheureusement peu adaptés pour soutenir et accompagner ces transformations imposées. Vieillissants, peu évolutifs, ils se sont enrichis régulièrement de modules supposés apporter de nouvelles fonctionnalités, supporter ces nouvelles normes et règlementations. Le constat final est que ces systèmes sont devenus inopérants. Les éditeurs ont anticipé la DSN, c’est une évidence, et adapté leurs logiciels de paie avec des écrans et de nouvelles interfaces. Très insuffisant aux dires des métiers. Assiste-t-on encore ici à l’éternel débat ou bataille entre IT versus métiers où l’usage doit s’adapter, voire se plier aux outils et non l’inverse ?

Certes on peut être optimiste et il est essentiel de l’être pour apporter cette confiance nécessaire à l’aboutissement et à la réussite de grands chantiers de modernisation et de transformation numérique. La DSN s’attache au format des données. Le PAS s’attache au format des déclarations. Données, déclarations, qui vérifie, qui contrôle, qui analyse les risques qui pèsent sur les entreprises et les salariés.

Paie juste, DSN pas forcément, que dire du PAS ?

Pour réaliser le prélèvement à la source, quelques données seront ajoutées à la déclaration mensuelle qui rassemble déjà les données de la paie. L’assiette du calcul du prélèvement à la source sera le salaire net imposable, qui dans la plupart des cas, est déjà calculé par les logiciels et figure sur les bulletins mensuels de paie, ainsi que dans la DSN. Comme on l’a vu la paie se nourrit de nombreuses données qui ne sont pas à l’origine des données RH et qui viennent de nombreux systèmes. Ce qui génère au final de très, très gros volumes de données. On dénombre plus de 400 données par salarié qui sont envoyées tous les mois à l’Etat. Et les erreurs sont fréquentes. Beaucoup d’anomalies subsistent, d’oublis de données qu’il est impossible de repérer, de contrôler et de corriger manuellement. Une paie juste n’implique pas nécessairement une DSN juste.

Et que penser des employeurs publics (Etat, collectivités territoriales, hôpitaux publics) qui entreront dans le champ de la DSN après 2019 et qui vont utiliser pendant une période transitoire la déclaration PASRAU, qui s’inspirera de la logique DSN. A l’identique également des caisses de retraite, des payeurs de pension de retraite, etc…On peut se demander pourquoi faire coexister deux systèmes en parallèle, la complexité ajoutant à la complexité.

Des tests ont été réalisés dans des conditions réelles à l'été 2017 avec près de 600 collecteurs et 70 éditeurs de logiciels de paie. Ces tests, qui ont concerné aussi bien la DSN que la déclaration PASRAU, ont permis de s'assurer de la fiabilité des échanges avec les collecteurs pour la mise en œuvre de la réforme*. Ici encore on s’assure de la fiabilité et de la sécurisation du système, essentielles à la réussite d’un tel projet. Mais là encore, on oublie les fondements sur lesquels l’ensemble de ce vaste chantier de modernisation repose, les informations, les données.

Pourtant, le bon fonctionnement de la DSN revêt une importance particulière pour le gouvernement car c’est d’elle dont va dépendre le déploiement du prélèvement à la source. Certes, le droit à l’erreur, prôné par ce dernier, existe pour corriger, rattraper et finalement agir pour que les entreprises et, in fine, les collaborateurs c’est-à-dire nous, ne soient pas lésés dans leurs droits. Mais personne ne s’est posé la question du temps et du coût de tous ces systèmes de « rattrapage » dans lesquels les entreprises et l’état s’engluent désespérément alors que des technologies, comme l’Intelligence Artificielle par exemple, existent. Kafka dénonçait en son temps la bureaucratie. On n’en est pas sorti…

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Thomas Bourgeois est Président-Directeur Général de Dhatim.

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