Hollande veut 14 régions : combien de barons s’y opposeront ?

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Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 3 juin 2014 à 4h54

Si ce chantier aboutit sans trop de couacs, ce sera la grande réforme du quinquennat. Faire passer la France et ses 22 régions de tailles et de poids disparates, dont certaines sont surtout des baronnies, à 14 grandes régions, sur le modèle des Länders allemands, pourrait être le premier grand signal d'une France acceptant les remèdes pour guérir de ses maux ancestraux.

Dans une tribune publiée sur le site de l'Elysée, et publiée par une large partie des quotidiens régionaux ce mardi 3 juin, le président de la République explique les raisons de cette réforme de l'organisation territoriale. Il y insiste sur le rôle majeur qu'il souhaite voire jouer par les intercommunalités, qui devront regrouper au minimum 20 000 habitants au 1er janvier 2017, contre 5000 au minimum aujourd'hui : "Parce que notre organisation territoriale a vieilli et que les strates se sont accumulées. Parce que les moyens de communication, les mutations économiques, les modes de vie ont effacé les limites administratives. Parce que nous devons répondre aux inquiétudes des citoyens qui vivent à l’écart des centres les plus dynamiques et qui redoutent d’être délaissés par l’Etat en milieu rural comme dans les quartiers populaires.

Le temps est donc venu de simplifier et clarifier pour que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources. Le temps est venu d’offrir une meilleure qualité de service et de moins solliciter le contribuable tout en assurant la solidarité financière entre collectivités selon leur niveau de richesse.

La réforme que j’ai demandée au Premier ministre et au Gouvernement de mettre en œuvre, en y associant toutes les familles politiques, est majeure. Il s’agit de transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République.

Conséquences, pour faire passer les régions de 22 à 14, certaines fusionneront avec leur(s) voisines, quand d'autres resterons telles qu'elles sont aujourd'hui. Ainsi, Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Corse, Aquitaine, Pays de la Loire et Ile-de-France ne bougeront pas. En revanche, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon devraient fusionner, tout comme Auvergne et Rhône-Alpes, Bourgogne et France-Comté, Alsace et Lorraine, Picardie et Champagne-Ardennes, Haute et Basse Normandie, et surtout, Poitou-Charentes, Centre et Limousin, seul mariage à trois du projet : "Les régions, [...] se sont imposées comme des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire. Mais elles sont à l’étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années soixante. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui elles-mêmes ne sont plus adaptées au développement de l’économie locale. Pour les renforcer, je propose donc de ramener leur nombre de 22 à 14. Elles seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales. Une carte a été définie. Elle prend en compte les volontés de coopération qui ont été déjà engagées par les élus, dont je veux saluer le sens de l'intérêt général. Elle sera soumise au débat parlementaire. Mais il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays.


François Hollande explique encore plus loin dans sa tribune que dans son projet, les conseils généraux ont vocation à disparaître en 2020, "ce qui veut dire moins d'élus". Mais pour les faire disparaître, il faudra une révision constitutionnelle, et pour cela, disposer d'une majorité des deux tiers au Parlement, c'est à dire Assemblée Nationale et Sénat réunis, et même si le sujet transcende les clivages politiques, c'est une autre paire de manches... En attendant, les élections cantonales, qui devaient avoir lieu en mars 2015, seront repoussées à l'automne, et se dérouleront le même jour que les élections régionales, si rien ne change au projet élyséen. Cela ne donne cependant que trois à quatre mois au gouvernement pour faire aboutir les fusions de régions, la loi électorale exigeant qu'une année pleine s'écoule entre les modifications affectant le territoire sur lequel se déroule un scrutin, et le scrutin en lui-même, pour éviter les accusations de tripatouillage électoral. Quand on sait que 21 régions sur 22 sont aujourd'hui détenues par la gauche, mais que la plupart voire la totalité devraient basculer à droite si le scrutin devait avoir lieu demain, on comprend l'inquiétude suscitée par les élections à venir. Surtout quand on sait que les mode de scrutin aux régionales est un système hybride entre le scrutin majoritaire, et le scrutin proportionnel : En effet, la liste qui arrive en tête au second tour recueille un quart des sièges, le reste étant réparti entre les listes en présence à la proportionnelle, obligeant le plus souvent à créer des alliances... Or, lors des dernières européennes, le Front National est arrivé en tête dans 70 % des communes, même si les politologues soulignent que les élections européennes n'a rien à voir avec des élections locales, plus incarnées, et mobilisatrices.

Si ces fusions aboutissent, l'Île-de-France demeurera la première région de France en nombre d'habitants avec 11,9 millions, suivie par Auvergne-Rhône-Alpes à 7,6, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon à 5,6, Centre-Poitou-Limousin à 5,1, Paca à 4,9, Alsace-Lorraine à 4,2 et Nord-Pas-de-Calais à 4 millions. En dehors de Pays-de-Loire (3,6 millions) et Bourgogne Franche-Comté (2,8 millions) Normandie, Aquitaine Champagne-Picardie et Bretagne seront toutes de taille équivalente, gérant 3,3 millions d'habitants.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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