Repenser la stratégie à l’ère de l’entreprise en réseau

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Par Philippe Dréno Publié le 28 octobre 2016 à 5h00
Strategie Entreprises Reseau Innovation
3,1 millionsLa France compte 3,1 millions de PME.

Quel que soit son environnement, la stratégie demeure pour l’entreprise l’art de coordonner et d’allouer ses forces pour obtenir les avantages concurrentiels qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Avec le temps, les questions posées au stratège restent les mêmes.

Ce sont les réponses qui changent. Chaque époque génère son modèle stratégique et la nôtre, marquée par une conjonction exceptionnelle de bouleversements majeurs, appelle d’urgence à inventer le sien.

Dans les années 60 et 70, le modèle dominant consistait à constituer un large portefeuille d’activités afin de capter un maximum des richesses alors en forte croissance. C’était l’époque bénie de la diversification et des grands groupes. Puis, dans les années 80 et 90, années de crise et d’exigences accrues de rentabilité, cette approche financière a été supplantée par la logique industrielle. Il n’était alors question que de « recentrage », de « consolidation » et de « rationalisation » afin d’obtenir des « synergies » et de maîtriser les coûts et des compétences.

Or ce modèle, qui a abouti à des organisations extrêmement optimisées, est de moins en moins adapté au monde actuel, mouvant et incertain. Les entreprises se morcèlent, leur périmètre fluctue, leurs frontières deviennent floues, et leur réussite dépend de plus en plus d’agents extérieurs. Leurs fournisseurs et sous-traitants, bien sûr, mais aussi, dans une logique de développement durable toujours plus prégnante, des acteurs comme les autorités de régulation, les collectivités locales, les investisseurs, les associations de consommateurs, les ONG… qui échappent à leur contrôle. La valeur ajoutée n’est plus le produit de l’entreprise seule mais de l’écosystème à géométrie variable qu’elle agrège autour d’elle. Et le digital est à la fois un moteur et un amplificateur de cette tendance par l’évolution des modèles économiques et la transparence totale de l’information.

Pour l’entreprise d’aujourd’hui, la stratégie va donc avoir pour objectif premier d’établir les conditions durables de l’efficacité et de la robustesse de son réseau afférent. Autrement dit, comment faire de celui-ci un atout différenciant, un démultiplicateur de forces plutôt qu’un dissipateur d’énergies, un bouclier plutôt qu’une caisse de résonance face aux aléas.

Au cours de la période précédente, où la logique de rationalisation avait amorcé le mouvement d’externalisation, l’entreprise s’appuyait sur le contrat pour contrôler son voisinage immédiat : contrats de qualité, de service, de progrès… Et les grandes entreprises usaient du rapport de force pour obtenir des clauses toujours plus favorables et contraignantes. Mais cette approche n’est plus possible. Il y a trop d’interdépendances, trop d’accords entre l’entreprise et les acteurs extérieurs, dont certains sont hors-contrat, des évolutions trop rapides et imprévisibles, trop de complexité croissante pour la rigidité de l’outil contractuel… Sans compter que se protéger de toutes parts revient désormais beaucoup trop cher. La question stratégique se résume donc à trouver une alternative au contrat pour faire collaborer toutes les acteurs dans le sens des objectifs définis par l’entreprise. Et ce dans un environnement sociologique où le rapport à l’autorité a changé, où la discussion est permanente et où la capacité de convaincre supplante celle d’imposer.

Ainsi, de financier puis industriel, le modèle stratégique devient managérial. Puisqu’il est désormais impossible de tout contrôler et de tout inventer seul, il faut parvenir à attirer les talents, à responsabiliser les acteurs et à les aligner sur ses objectifs afin de bénéficier de leur propre envie de réussir et d’innover. Le chef d’entreprise est désormais un animateur, qui élabore son projet et ses finalités dans la concertation, et qui, sans relâche, s’attache à le promouvoir en interne et en externe c’est-à-dire auprès des acteurs qui sont hors-cadre de l’entreprise. Il est l’artisan de la confiance, pierre angulaire de la nouvelle architecture relationnelle de l’entreprise-réseau, fondée sur l’autonomie, la coopétition et la réputation.

Unique ciment capable de transcender les silos et autres barrières structurelles et de forger une communauté de destin, même temporaire, la culture d’entreprise prend dès lors une dimension fondamentale. Inimitable, mobilisatrice, transmissible, robuste, elle constitue l’incontournable point d’appui d’une rénovation stratégique fondée sur la confiance et le levier de sa mise en œuvre. Ce qui, en définitive, ramène la stratégie à son immuable essence : se connaître aujourd’hui pour se projeter demain.

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Philippe Dréno, Directeur associé de Stratorg.

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