Risques d’image, risques économiques : les Achats responsables mais pas coupables?

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Par Franck Le Tendre Publié le 9 décembre 2015 à 7h06
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550000 EUROSSpanghero avait réalisé 550 000 euros de profits grâce à la viande au centre du scandale.

Scandale de la viande de cheval, ateliers textiles insalubres, travail des enfants… l’actualité des dernières années est émaillée de scandales qui mettent à mal l’image de grands groupes internationaux comme d’entreprises françaises. Quelles sont les responsabilités réelles des directions achats dans ces scandales qui non seulement entachent la réputation des entreprises, mais peuvent également mettre à mal leur business modèle?

Agroalimentaire, électronique, textile, automobile, aucun secteur ne semble épargné par la menace d’un scandale jetant l’opprobre sur l’ensemble d’une filière et sur les processus de traçabilité existants. Ce risque fournisseur questionne bel et bien la responsabilité de la chaîne d’approvisionnement.

Le consommateur final demande aujourd’hui fort logiquement plus de transparence et de visibilité sur les produits. Une bonne chose certes, mais cela empêchera-t-il à l’avenir de revivre une affaire telle que le « horsegate » des lasagnes Findus? Rien n’est moins sûr.

Le risque fournisseur, une appellation aux multiples facettes

Revenons d’abord à la définition même du risque fournisseur. Celui-ci revêt plusieurs dimensions.

Du point de vue des achats, celui-ci est d’ordre financier (stabilité financière du fournisseur, risque de ne plus être approvisionné…). Du point de vue d’un service qualité, le risque fournisseur devient orienté produit, comme cela a été le cas dans l’affaire Findus/Spanghero.

La collaboration entre les deux départements apparaît donc comme essentielle à la gestion d’un fournisseur dans son ensemble, à la fois au niveau de son entité légale et de ses lignes de produits.

La réflexion concernant la gestion du risque fournisseur et de la mise en place d’une stratégie de traçabilité efficace passe surtout par l’intégration de l’ensemble de la chaîne amont. Avoir une vision claire des risques encourus avec ses fournisseurs de rang 1 est une bonne chose, mais si ces derniers ont eux-mêmes des soucis plus en amont sans que les entreprises n’y prêtent attention, comment pouvoir prétendre à une traçabilité exemplaire ?

L’affaire Findus a d’ailleurs bien mis en lumière cet aspect : les entreprises se doivent de disposer d’un outil de contrôle de toute la « supply chain », si on veut s’approcher du risque zéro à tous les niveaux de la production. Gérer son risque fournisseur ne se limite pas à instaurer une traçabilité optimale uniquement avec les fournisseurs stratégiques.

La traçabilité, à la fois matérielle et logicielle, se doit d’être prise en compte à toutes les étapes de la chaîne logistique de la transformation d’un produit ou d’un service, dans le secteur agroalimentaire évidemment mais pas seulement. Celle-ci se doit aussi d’adopter les bons indicateurs, des éléments dont les entreprises sont loin de disposer à l’heure actuelle au vu de leur maturité sur le sujet.

Plus une entreprise est capable d’obtenir des détails sur les différents événements de la vie d’un produit avant qu’il n’arrive dans ses entrepôts, plus le risque de couac et/ou de fraude sera limité.

Une traçabilité exemplaire ne signifie pas risque zéro

Une traçabilité exemplaire ne peut toutefois permettre d’atteindre le risque zéro tant fantasmé. Elle permet de limiter les risques, pas de les éliminer. Quel que soit le niveau de perfectionnement de votre stratégie fournisseur, l’erreur humaine existe et existera toujours.

Le meilleur exemple en date est l’affaire du Furosémide en juin 2013, lorsqu’un somnifère s’est retrouvé en lieu et place d’un diurétique, provoquant la mort de trois personnes et un cas grave. La catastrophe a néanmoins été évitée puisqu’il s’agissait finalement d’une erreur circonscrite de conditionnement et que la chaîne logistique avait été irréprochable.

Cela n’enlève pourtant rien à la responsabilité du laboratoire Teva qui l’a mis sur le marché. A partir du moment où celle-ci met un produit sur le marché, elle se porte automatiquement garante de sa qualité irréprochable. Or ici, ce n’était pas le cas. Le principe du « responsable mais pas coupable » s’applique alors parfaitement.

Des niveaux de maturité très différents selon les secteurs

Globalement, les entreprises sont encore peu avancées dans le domaine du risque fournisseur. Certains secteurs (bancaires, pharmaceutiques) ont un environnement réglementaire strict, qui impose des garde-fous pour éviter d’arriver à de telles dérives. Ces sociétés ont dû s’équiper de solutions pour rester dans les clous.

Hormis ces secteurs, les entreprises restent malheureusement très libres. Certaines n’en sont encore qu’à gérer leur référentiel fournisseur. On évalue un fournisseur sur des critères basiques (coûts, délais), sans pour autant prendre en compte la qualité des produits… La gouvernance d’entreprise est directement impliquée dans ces cas-là. Tant que le cadre légal n’évoluera pas, ces disparités continueront d’exister et la gestion du risque fournisseur ne remontera dans la liste des priorités de nos entreprises, à leurs risques et périls…

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Directeur Général de SynerTrade

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