Santé : la deuxième révolution digitale arrive

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Par Cédric Mathorel Publié le 20 juillet 2018 à 5h04
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80 millions d'euros80 millions d'euros ont été investis par l'État dans le cadre du programme « Territoire de soins numérique ».

Après la première révolution digitale qui a majoritairement consisté à numériser le papier, la deuxième arrive, qui va transformer en profondeur les interactions entre acteurs de la santé et patients.

La médecine a toujours été à la pointe de la recherche et de l’innovation. Imagerie médicale, microchirurgie, génie génétique… autant d’avancées technologiques où l’importance et la complexité des enjeux poussent l’homme à se dépasser pour inventer de nouvelles solutions. Pourtant, et de façon presque paradoxale, le système de santé tarde à faire sa révolution digitale. En 2008, seul un hôpital américain sur dix disposait de dossiers médicaux électroniques, à une époque où les banques offraient depuis longtemps la gestion des comptes sur internet ! Ce retard s’expliquait par plusieurs facteurs : sensibilité des données médicales, importance du relationnel dans le rapport médecin-patient, indépendance des médecins qui pouvaient choisir de passer au numérique ou de rester au papier.

Première génération digitale : du papier au numérique

Dix ans plus tard, la santé s’est digitalisée : la plupart des médecins utilisent un agenda électronique, et le reste fera bientôt figure d’exception. Doit-on en conclure que la santé est arrivée au bout sa révolution digitale ? Bien au contraire, nous ne sommes qu’à une digitalisation de première génération, qui a essentiellement consisté à numériser le papier. De physique, le stockage de l’information est devenu numérique, mais c’est la même information qui est sauvegardée et la même procédure qui est employée — le stylo en moins, le clavier en plus.

C’est tout de même un premier pas, qui pérennise le stockage des données, systématise certains contrôles ou alertes automatiques, et surtout fait franchir une étape psychologique importante à une population jusque-là prudente face au numérique. Mais cette digitalisation partielle ne permet pas de tirer les pleins bénéfices des nouvelles technologies et en accentue même certains inconvénients : on entend ainsi des plaintes liées au temps de saisie des données ou à la distance grandissante entre médecins et patients.

L’essor des solutions digitales pour la santé

Il ne s’agit pourtant là que d’une étape dans la mue du monde de la santé vers une digitalisation plus aboutie et mieux assumée. Dans les années à venir, le monde médical va en effet devenir de plus en plus gourmand en solutions digitales, pour compenser le manque de ressources (déserts médicaux, pénuries de spécialistes…) ou pour traiter la quantité exponentielle de données qui fera la médecine de demain (séquençage ADN, anatomopathologie, épidémiologie…). En parallèle, investissements aidant, l’offre de solutions digitales pour la santé est en plein essor et l’on voit se multiplier les initiatives ambitieuses : gestion des agendas des médecins sur internet, téléconsultation, analyse de posture par des robots…

L’offre et la demande étant réunies, on peut compter sur la poursuite de la digitalisation de la santé. Elle va connaître la même mutation en deux temps que bien d’autres secteurs (banque, assurance, commerce…). Mais que faut-il attendre de cette digitalisation de deuxième génération ?

Briser les silos

Les premiers bénéfices ont déjà été évoqués ; il s’agit de gains d’efficacité des processus et d’une capture plus systématique et homogène des données (à l’aide d’objets connectés, par exemple). Ces bénéfices répondront à deux besoins criants du système : libérer du temps pour les professionnels de santé et nourrir les analyses qui rendront la médecine encore plus efficace.

Mais le digital aura bien d’autres bénéfices, en permettant à la médecine de gagner en transversalité. Le problème des spécialistes qui tendent à travailler en silos est bien expliqué par le Dr Eric Dishman, qui expose sa vision d’un nouveau système centré sur le patient. En facilitant l’accès aux données, le digital permet cette transversalité. Un article récent du New England Journal of Medecine illustre comment un système de notification (comme Twitter ou LinkedIn) permet de briser les silos et d’optimiser le recours aux ressources médicales : tout se passe comme si le dossier médical sollicitait lui-même le bon médecin, au bon moment, dans la bonne spécialité.

Deuxième génération digitale : une approche holistique de la santé

Cette deuxième digitalisation ne se fera pas au détriment de la relation médecin-patient. En libérant le médecin d’activités à faible valeur, il lui permettra au contraire de se consacrer à ses patients. Mieux, en déléguant certaines activités de prédiagnostic au patient et en exploitant de façon holistique les diagnostics de ses confrères, le digital enrichira les interactions médecin-patient, avec un médecin concentré sur son patient qui, pour sa part, sera plus engagé dans la démarche. Cette implication est d’autant plus importante que la santé s’oriente vers un système axé sur la prévention, où l’engagement de l’intéressé devient aussi important que la pertinence de la prescription du spécialiste.

La révolution digitale de la santé s’est faite plus lentement que dans d’autres secteurs, mais cette relative prudence était justifiée par la nature de son activité. À présent, tous les éléments sont réunis pour que la santé passe pleinement au digital, et les investissements devraient se multiplier dans les années à venir. Considérant la situation actuelle et les caractéristiques intrinsèques du système de santé, on peut même penser que cette mutation ira très loin et que la santé deviendra bientôt l’un des secteurs les plus digitalisés.

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Cédric Mathorel est PDG de Padoa.

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