Sécurité sociale : comment sauver une grand-mère de 70 ans qui s’est affaiblie

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Par Daniel Moinier Publié le 14 octobre 2015 à 5h00
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45,7 %La Sécurité sociale est financée à hauteur de 45,7 % par les ménages eux-mêmes.

La Sécurité Sociale suit les traces de l’état. Malgré tous les remèdes que ses docteurs, médecins, spécialistes lui ont administrés, elle est de plus en plus malade et en mauvais état (Jeu de mot !). On a caché sa maladie, puis on l’a opérée plusieurs fois, rien n’y a fait, elle est devenue de plus en plus grabataire. Elle vient de fêter sa septième décennie.

Et pourtant avec 70 ans, aujourd’hui, c’est être encore jeune par rapport aux centenaires qui commencent à pulluler. Surtout quand l’espérance de vie des français dépasse les 82 ans, soit plus de 22 années de plus depuis la dernière guerre, sachant aussi que la durée de vie augmente de plus de 7 heures par jour. N’est-ce pas là une des plus importante piste à creuser. On y reviendra plus avant.

L’Etat, les politiques ont pourtant essayé par tous les moyens de diminuer, de cacher, de camoufler sa maladie, comment :

En premier : En créant la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) le 24 janvier 1996

C’est Jacques Chirac alors président, voyant que les déficits s’accumulaient, pour préserver son image de marque, s’est dit qu’il ne fallait pas étaler au grand jour cette dette qui devenait phénoménale. L’objectif, transférer le montant de la dette sociale avec pour mission de la rembourser d'ici à 2025. Sa principale ressource est la perception de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que d'une partie de la Contribution sociale généralisée (CSG). La CADES a depuis l'origine, repris 226,9 milliards d'euros de dette de la Sécurité sociale. Elle vient même, en 2015 d’effectuer un emprunt obligataire de 3 milliards de renminbis (devise chinoise).

La dette semblant devenir infinie, la loi organique visant à réformer les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), le parlement, à l'initiative de députés, prévoit que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ». Autrement dit, il est interdit de prolonger la CADES ou d'inventer un nouvel organisme ayant la même fonction (amortir la dette sociale). Le parlement rend beaucoup plus difficile le petit jeu de prolongation observé depuis 1997, puisqu'il faudrait une nouvelle loi organique, avec vote conforme des deux assemblées, ce qui semble très difficile.

En août 2010, le gouvernement Fillon a décidé de transférer à la CADES les déficits sociaux nés dans les années 2009 à 2011 soit 87 Md€ environ. Ce transfert s'accompagne d'un rallongement de quatre ans (de 2021 à 2025) de la durée de vie prévue de la CADES et de l'affectation de ressources supplémentaires, notamment la taxation de certaines assurances-vie. Le gouvernement a décidé en revanche de ne pas augmenter le taux de la CRDS ou de la CSG. Que se passera t-il en 2025, alors que les déficits continuent tous les ans ? Sans changement radical de politique, en 2025 et même bien avant, le déficit deviendra insupportable.

Le graphique ci-dessous montre l’impact des crises, surtout pour la dernière, celle de 2008. L’année 2014 est revenue à une situation de déficit antérieur, conforme à la situation de 2003-2008.

Solde du régime général de sécurité sociale (en Md€)

Le financement est assuré à 45,3% par les entreprises, à 45,7% par les ménages et à 9% par les administrations publiques. Du point de vue de la structure des recettes, le financement est assuré par :
-les cotisations sociales à hauteur de 59,1%;
-la contribution sociale généralisée (CSG) pour 20,5%;
-les impôts et taxes pour 12,3%;
-des transferts pour 6,1%;
-d'autres produits pour 1,9%.

La dette sociale qui était presque négligeable jusqu’aux années 2000 (1,0 % fin 1978, 3,0 % fin 2001 et 2002), a fortement augmenté dans la décennie 2000-2010 pour atteindre presque 11 % du PIB français en 2014.

Constat : trop de dépenses pour pas assez de recettes

Aujourd'hui, avec un montant qui s'élève à 236,6 milliards d'euros en 2014, la dette sociale (déficit accumulé) représente 11,6 % de la dette publique française. Le déficit de la Sécurité sociale est principalement causé par le versement des prestations et les insuffisances des recettes, non pas par le coût de gestion (seulement 3 % du déficit).?

Les recettes en 2014 du Régime général de la SS s’établissent comme suit :
- Les Financeurs : 474,4 milliards d’euros de recettes ont été recouvrées en 2014 : 44,9 milliards par les ménages, 46,3 milliards par les entreprises et 8,8 par les administrations publiques.
- Les Recettes : 57,7% de Cotisations, 19,6% de CSG, 13,8% de Contributions Sociales, impôts et taxes, 6,8% de Transferts, 1,3% d’Autres produits et 0,7% de Cotisations prises en charges par l’Etat.

Pour plus de visibilité, voir le tableau ci-dessous :

Les causes du déficit sont en principe connues par une majorité des responsables politiques et d’acteurs de santé. Mais ont-ils vraiment pris la mesure des causes réelles ? Des explications et propositions sont données par eux ci-après.

La première : Par une augmentation des dépenses.

Ils estiment que la croissance des dépenses est une des principales causes des déficits, et que celle-ci est supérieure à la croissance économique moyenne sur laquelle les recettes sont basées. Car la santé, ça n’a pas de prix ! Avec des interventions de plus en plus exceptionnelles qui se banalisent.

La deuxième : Par le gaspillage et l’inefficacité du système.

Le gaspillage dû à une surmédication avec les responsabilités des usagers, des médecins… La difficile et impopulaire régulation du système de soins ; en cause les laboratoires pharmaceutiques, les caisses de l’état, les syndicats et même l’état lui-même.

La troisième : Par une perte de recettes appelées souvent charges sociales telles que :

Les taxes sur le tabac et l’alcool peu reversées Les allégements de cotisations sociales non compensées par le Budget Toutes les fraudes, notamment le travail au noir et fraudes sur les paiements des cotisations. Le manque à gagner en 2014, serait estimé par la Cour des Comptes à 20/25 milliards d’euros. Les pistes de réformes proposées sont très différentes suivant les organisations syndicales, associatives, politiques, mutualistes, experts, sont sujet à de forts et vifs débats. Cela va de la demande de suppression des exonérations de cotisations accordées aux entreprises prises pour favoriser l’emploi, de la création de recettes supplémentaires par la hausse des prélèvements, mais aussi en en créant de nouveaux. Elargir encore plus le forfait social, mis en place par le gouvernement Fillon sur les rémunérations directes ou indirectes, qui sont encore exonérées de cotisations.

La quatrième : Elle a été mise en œuvre tant par la gauche que la droite : Réduire les remboursements et favoriser le recours aux génériques.

La cinquième : Par des campagnes de prévention ou de rationalisation de la carte hospitalière associée à une lutte contre la fraude des employeurs, salariés…

La sixième : Par le basculement des cotisations sociales vers une TVA Sociale, pour que le financement vienne beaucoup moins des salariés et employeurs.

La septième : Par la fin du monopole de la Sécurité Sociale en proposant que chaque salarié puisse s’assurer auprès de l’opérateur de son choix. Les compagnies privées sont estimées plus efficaces et compétentes que le monopole public. Pourtant avec ce système, les Etats-Unis et la Suisse ont connu de fortes augmentations de coûts plus fortes que la moyenne européenne des pays de l’OCDE. Soit 53% et 48,1%, contre 35,4% pour la France.

Toutes ces propositions ou mises en place de lois, n’ont jamais ou presque traité le problème à sa base. Les cotisations salariées ont été multipliées par plus de trois depuis 40 années. Celles des employeurs par deux. Une part des cotisations sociales ont été étendues aux retraités, aux chômeurs. Pour diminuer les coûts, c’est aussi la création du forfait hospitalier, celle du nombre d’années pour le calcul des pensions en perpétuel augmentation : 10 ans, puis 15, puis 20 et même 25 années, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ! Plus récemment l’institution des franchises médicales qui s'applique sur les boîtes de médicaments, les actes paramédicaux et les transports, pour ne citer que les principales. On a sans cesse essayé de « dégraisser » la fille, la femme pour arriver à une grand-mère de 70 ans, qui rembourse de moins en moins, qui a besoin de plus en plus de cash, de cotisations. La vieillesse coûte chère surtout lorsqu’on ne lui a pas fait faire assez d’exercices, de restrictions. Elle maigrit, ses rentrées diminuent au regard de ses dépenses qui deviennent excessives. Et pourtant ce n’est vraiment pas de sa faute !

Ce sont ses gouverneurs qui ont pris des décisions totalement contraires à l’évolution de la durée de vie. Son premier déficit est arrivé en 1978, elle avait 33 ans, alors que celui de l’état était survenu trois auparavant. Ce qui n’est pas anormal, puisque son déficit impacte celui de l’état. L’année la plus catastrophique pour ses caisses a été la date du 1er avril 1983 (Et oui un 1er avril), passage par ordonnance de la retraite de 65 à 60 ans. Soit cinq années de « productifs qui passent « improductifs ». Cette décision ramenée à l’euro d’aujourd’hui, nous a fait perdre depuis, la bagatelle de 300 milliards d’euros par année dans l’économie. Et cela sans prendre en compte, à la même période, du passage de 40 heures à 39 heures, de la 5ème semaine de congés, du 8 mai redevenu férié.

Les premières conséquences : Très forte baisse des rentrées de cotisations patronales et salariées et le paiement de retraites non prévues. Mais aussi une baisse de consommation et même d’impôts. Quand vous êtes en retraite, vous gagner moins, vous dépenser moins et payez moins d’impôts sur le revenu. Et si l’on va encore plus loin dans l’analyse, moins de consommation = moins de rentrées de TVA = baisse d’activité = augmentation du chômage. Il s’en est d’ailleurs suivi plusieurs dévaluations du franc qui ont appauvrit encore plus le niveau de vie, surtout celui des plus pauvres.

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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