Sell-off sur les actions à mettre à profit

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Par Stephen Ausseur Publié le 18 octobre 2018 à 5h53
Tendance Croissance Sp500 Marche Action Bourse
1,6%Dans le projet italien il est inscrit une croissance attendue autour de 1,6% en 2019.

Les marchés actions connaissent actuellement une vague de prudence (-8,7% depuis fin mai dont -6% depuis le 28 septembre).

Les sources de fragilisation des actions européennes depuis l’été sont connues :

- Exposition aux pays émergents ;

- Situation en Turquie (via l’exposition des banques) ;

- Sensibilité au commerce mondial, donc à la guerre commerciale et au ralentissement en Chine

- Craintes italiennes

- Craintes quant à une remontée rapide des rendements souverains, notamment américains

Sur ces différents points, nous considérons que le stress particulier sur les émergents en difficulté (Argentine, Venezuela, Afrique du Sud) sont bien identifiés, et la Turquie a réagi via sa banque centrale en relevant massivement ses taux directeurs. Nous voyons même dans une éventuelle victoire de M. Bolsonaro au Brésil, mis à part sa sensibilité d’extrême droite, une source de satisfaction. Son programme libéral permettrait de faire remonter les anticipations de croissance potentielle et de régler une partie des problèmes structurels qui freinent le développement du pays.

Au final, pour les marchés actions, l’histoire reste inchangée, le sentiment étant partagé entre des résultats d’entreprises qui vont être en soutien, une croissance mondiale qui reste sur un rythme soutenu mais dont un ralentissement est anticipé dans les prochains trimestres, une certaine réserve face à l’imprévisibilité de Trump, une rentrée politique automnale chargée (budget italien et élections de Mid-Term américaines) et les questions autour de la Fed.

Nous maintenons un scénario de remontée graduelle des rendements américains, l’hypothèque d’une pénalisation des marchés actions en cas de fortes tensions sur les taux devrait être levée. Nous n’attendons pas non plus de nouvelle réduction des multiples après le derating observé depuis le début de l’année. L’Italie restera une source d’incertitudes mais nous pensons que les marchés, sur les niveaux actuels, intègrent les effets potentiels négatifs liés à la guerre commerciale (impacts négatifs sur les BPA).

Craintes italiennes

Après le coup de théâtre de la première annonce autour du budget (28 septembre), l’Italie semble s’orienter vers une trajectoire de réduction du déficit public plus ambitieuse (2,4% du PIB en 2019 puis 2,1% en 2020 et 1,8% en 2021). Il y a cependant de grandes chances (risques) que la Commission Européenne rejette le projet de budget italien et recommande l’ouverture d’une nouvelle procédure de déficit excessif. Rappelons que la date limite pour remettre le budget à la Commission Européenne est fixée au 15 octobre.

Les questionnements autour de la crédibilité du budget viennent également des hypothèses de croissance prises pour 2019 et les années suivantes. Dans le projet italien il est inscrit une croissance attendue autour de 1,6% en 2019. Si cet objectif est envisageable (0,7 point de PIB provenant de la relance budgétaire), un niveau plus faible aurait été plus prudent, plus sage et plus crédible.

Autre rendez-vous automnal pour l’Italie, le 26 octobre sont attendues les décisions de Moody’s et de S&P sur la note de la dette italienne. L’agence de notation Fitch Ratings a mis en garde le pays contre une dégradation trop rapide de la soutenabilité de la dette, ce qui impliquerait un abaissement de la notation. Actuellement notée BBB, l’Italie n’est qu’à deux crans de basculer en catégorie « non investissement ». Au-dessus de 3,50%, le taux 10 ans italien intègre déjà un abaissement de rating d’un cran.

L’Italie devrait rester une source d’instabilité d’ici la fin de l’année (Noël 2018 étant la date limite du vote du budget définitif par le Parlement italien). Le vrai risque, à savoir une sortie de la zone Euro, semble toutefois avoir été écarté.

Fed : vers un resserrement programmé. Le seuil de douleur n’est pas encore atteint

N’en déplaise à D. Trump, la Fed est dans son rôle. Avec une économie tournant à plein régime, le Fed se doit de lutter contre les risques de surchauffe (dus en partie à D. Trump lui-même avec la mise en place de sa réforme fiscale fin 2017).

Lors de sa dernière réunion de politique monétaire (le 26 septembre), la Fed a relevé ses taux directeurs pour la 8ème fois. C’est la 3ème hausse sur 2018. La Fed en prévoit une autre d'ici la fin de l'année, trois de plus l'an prochain et une en 2020. Un tel scénario porterait le principal taux d'intérêt américain à 3,375% fin 2020, soit près d'un demi-point au-dessus du niveau considéré comme « neutre », c'est à dire qui ne favorise ni ne freine la croissance économique.

Du côté des marchés obligataires, les rendements américains à 10 ans ont naturellement intégré la solidité de la croissance américaine et les anticipations de politiques monétaires (retour sur les plus hauts de 7 ans, au-dessus de 3,2%). Rappelons que la hausse des taux longs n’est pas problématique tant que la croissance (macro et micro) est au rendez-vous.

Nous considérons toujours que le seuil de douleur (niveau de taux 10 ans américains au-delà duquel la hausse des rendements affecterait le financement de l’économie) est de 3,5%, équivalent à la somme de la croissance potentielle et de l’inflation de long terme aux Etats-Unis. En-dessous de ce seuil, la hausse des rendements, malgré un impact négatif sur les valorisations (à travers les effets actuariels) envoie un message pro-croissance.

Les poupées russes : guerre commerciale, ralentissement chinois, impact sur le commerce mondial

La virulence des Etats-Unis à l’encontre de la Chine n’a pas perdu en intensité. D. Trump a récemment balayé (mardi 9 octobre) les espoirs d'un accord commercial à court terme avec la Chine. Ainsi, Trump juge que Pékin n'est toujours pas prêt à conclure un accord et a confirmé sa menace de taxer la quasi-totalité des importations chinoises. D. Trump est de plus en plus pressant et envisage donc des taxes douanières additionnelles portant sur 267 Md$ d'importations chinoises.

Le FMI se montre d’ailleurs moins optimiste concernant la croissance mondiale. L’institution a revu ainsi en baisse ses prévisions de croissance pour l'économie mondiale, du fait notamment de ces incertitudes liées aux tensions commerciales et de la situation des marchés émergents. Le FMI table désormais sur une croissance mondiale de 3,7% en 2018 comme en 2019. Cela représente une baisse de 0,2 point en comparaison des estimations du mois de juillet.

Les mesures récemment prises par la Chine inquiètent. La multiplication des mesures de soutien à l’économie chinoise a fini par faire craindre que les prémisses d’un ralentissement plus marqué de la croissance chinoise ne soient déjà à l’œuvre. La chute récente des groupes de luxe (entre -10% et -20% sur 1 mois) en est l’illustration. La Banque centrale chinoise (PBOC) a indiqué, dimanche 7 octobre, qu'elle allait réduire d'un point de pourcentage le taux de réserves obligatoires de la plupart des banques, afin d'encourager ces dernières à accorder davantage de crédits. Cette mesure doit permettre d’injecter des liquidités supplémentaires. Le timing de l’annonce montre la priorité donnée par la banque centrale à la stabilisation des marchés. La Chine change donc ses priorités en cessant de mettre l'accent sur le désendettement financier au profit d'un renforcement de la politique budgétaire et d'un assouplissement plus dynamique de la politique monétaire afin de faire face au ralentissement économique provoqué par une guerre commerciale prolongée avec les Etats-Unis.

Au-delà du ralentissement de la Chine et du commerce international, il faut également considérer les conséquences indirectes de ces évènements comme la dégradation du sentiment économique, ce qui impacterait négativement la consommation et les investissements et entrainerait une hausse de la volatilité sur les marchés boursiers.

En particulier, en cas de poursuite de la baisse des actions américaines à court terme, D. Trump pourrait certainement infléchir son discours avant les mid-Terms (6 novembre). L’effet richesse est très important aux Etats-Unis, le consommateur américain est donc très sensible à l’évolution des cours de bourse. L’expansion du cycle américain risquerait de se gripper en cas de recul trop important des actions américaines (la consommation représente 2/3 du PIB américain).

Le protectionnisme restera omniprésent mais rappelons qu’au final les conséquences sur la croissance mondiale (et donc sur la valorisation des marchés actions) sont assez limitées. Dans le scénario du pire, en prenant en compte les impacts maximum possibles sur le commerce mondial (taxes sur l’intégralité des 500 Md$ importés de Chine) et un impact négatif sur la confiance des agents économiques (entreprises et ménages), la guerre commerciale pourrait coûter jusqu’à 0,5 / 0,6 point de PIB au niveau mondial (d’après les travaux de recherche de Barclays). Si cet impact n’est pas négligeable, l’impact sur les BPA serait de l’ordre de 4 à 5% donc finalement tout à fait gérable pour les marchés dans un contexte où les valorisations des principaux indices ont corrigé à la baisse et sont revenues sur leurs moyennes de long terme (avec la baisse récente, les actions européennes sont même en dessous de la moyenne historique).

Une fois n’est pas coutume, après des mois d’ignorance des risques, les marchés actions ont corrigé violemment. L’impact sur le sentiment général reste difficilement quantifiable mais, dans l’ensemble, les investisseurs commencent à se montrer très prudents dans l’attente de la communication des entreprises sur les perspectives de fin d’année.

Sur la base des valorisations actuelles (PER à 12 mois de 13x vs. moyenne de 13,9x sur 20 ans) et en réinjectant dans les valorisations prospectives un effet dilutif sur les BPA de 5%, le potentiel de baisse résiduelle pour les actions européennes serait de l’ordre de 1 à 2 %... (niveau de CAC 40 entre 5 050 et 5 100 points ; EuroStoxx 50 entre 3 170 et 3 200 points).

Une comparaison entre le cycle de profit et la variation des indices depuis 2007 (précédent haut de cycle), à même de mesurer l’efficience des marchés actions, fait également ressortir un potentiel d’ajustement à la baisse de 1 à 2%. Le Japon et les marchés émergents, notamment l’Asie, ressortent sur des niveaux de décotes très significatives.

Les seuils d’intervention sur les marchés européens sont également confirmés par des analyses techniques (entre 3 170 et 3 200 points sur l’EuroStoxx 50 et entre 5 050 et 5 100 points sur le CAC 40).

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Stephen Ausseur est CIO adjoint chez Natixis Wealth Management.

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