Le SEPA fait-il courir un risque au chef d’entreprise ?

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Par Philippe Coiffard Publié le 14 décembre 2013 à 3h33

Depuis la rentrée, les interventions se bousculent sur le SEPA, dramatisant cette contrainte supplémentaire pour les entreprises. Il est vrai que voilà encore un changement qui peut inquiéter, il prend son tour dans une litanie guère réjouissante pour le dirigeant, avec le changement de TVA qu’il va falloir expliquer aux clients, l’obligation de télé-déclarer mensuellement sa TVA en 2014, le projet de taxe sur l’EBE…

D’autant que le SEPA touche aux paiements et à la trésorerie…. Et pour beaucoup, ce n’est vraiment pas le moment de créer de l’instabilité sur ce point.

Alors, comment vous préparer ? Que doit craindre et faire un chef d’entreprise, une TPE, une profession libérale?

Passage en revue, du concret…

Vous êtes adepte de la Carte Bleue pour tous les petits achats, du chèque pour les prestations de plus forts montants, voire du prélèvement ou du virement télématiques. De même, vos clients vous règlent en virement ou en chèques.

Qu’est ce que le S€PA change ?

Payer vos fournisseurs…

La CB française est conforme aux recommandations du Conseil européen des paiements : rien ne change donc ! Le chèque ? Bien que n’étant pas inscrit au catalogue des paiements paneuropéens portés par le S€PA, aucun impact non plus n’est à relever dans la continuité des règlements par chèques.

Mais pour le règlement par virement de vos fournisseurs, il en est autrement… Il convient d’obtenir leur BIC, leur IBAN et la domiciliation de leur banque. L'interface Web de votre banque ne proposera plus que la saisie de virements S€PA, et cette identification bancaire sera obligatoire. Si vous adressez à votre banque vos virements par remises télématiques, celles-ci doivent répondre à la norme ISO 20022 ; il vous faut donc instruire ces mêmes données.

Le libellé de l'opération porte sur 140 caractères qu'il faut renseigner avec toutes les informations à disposition relatives à la prestation fournie et à la facturation reçue ... Au-delà de ces informations classiques, la norme ISO 20022 définit une référence de bout en bout : il s'agit de la End to- End Id permettant d'assurer la traçabilité d'un flux de paiement depuis son origine jusqu'à sa destination finale. Il vous faut constituer une référence propre à votre structure, qui soit "unique et non ambiguë", virement après virement. Elle permettra entre autres de lettrer et dénoter automatiquement les écritures comptables lorsque vous ferez le rapprochement entre votre comptabilité et les relevés de compte de votre banque.

Etre payé par vos clients

En encaissement de vos factures clients, privilégiez le virement ! Il faut que vos factures portent votre BIC, votre IBAN, la domiciliation de votre banque, en plus des autres informations réglementaires obligatoires (nom, adresse, N° de TVA intracommunautaire, code APE, ...).

Et le prélèvement ? Le prélèvement S€PA (ou S€PA Direct Debit) bascule la preuve de l'authenticité des prélèvements au créancier. Actuellement, en France, cette preuve est sous la gestion de la banque du débiteur. Elle est d'ores et déjà remplacée par un mandat S€PA. Le mandat S€PA officialise une relation commerciale entre un créancier et un débiteur, son client. A ce titre, il est possible de réutiliser un même mandat pour n affaires dans cette relation : c'est un avantage considérable.

Il existe deux types de prélèvement S€PA : le B2C (ou CORE), correspond à notre prélèvement actuel et le B2B qui est un nouvel instrument de paiement dans les règlements interentreprises. Le fournisseur doit obligatoirement informer son client du montant de l'échéance 14 jours calendaires avant la date du débit en compte : il s'agit d'une obligation réglementaire.

Le débiteur possède de nouveaux droits :

. Le Refus s'exerce avant l'échéance par simple notification écrite et signée à sa banque. Il n'est pas nécessaire de le justifier.

. La Demande de remboursement s'exerce après l'échéance et court jusqu'à 8 semaines après, dans le cas d'une transaction autorisée (celle où le créancier peut présenter un mandat), et, jusqu'à 13 mois, pour une transaction non autorisée parce que le créancier ne peut présenter de mandat.

En B2B, seul le Refus peut être exercé ; la demande de remboursement n'est valide que pour le CORE/B2C. L'un et l'autre ne peuvent être contrecarrés par la banque du débiteur qui doit immédiatement exécuter l'ordre reçu et dans le cas de la demande de remboursement, elle doit impérativement créditer le compte de son client avant d'en instruire la véracité.

Selon la taille de votre entreprise, son activité, votre secteur économique, et les usages habituels afférents aux règlements de vos prestations, vous pouvez opter pour le règlement de vos clients par prélèvement.

Si vous êtes déjà émetteur de prélèvement, votre banque vous proposera de basculer vers le prélèvement CORE assurant la continuité des prélèvements actuels. Toutefois, si vos clients sont uniquement des entreprises, il peut être intéressant de basculer vers le prélèvement B2B, les délais de règlement étant plus courts ce qui est un facteur d’optimisation de votre trésorerie.

Quel que soit le type de prélèvement choisi, c’est vous qui devez prouver que vos clients acceptent vos prélèvements. Vous êtes dans l’obligation de concevoir et de gérer un référentiel des mandats se substituant à l’autorisation de prélèvement telle qu’elle existe aujourd’hui en France. Ce mandat doit être généré également pour les prélèvements existants, et vous devez informer vos clients, quels qu’ils soient – entreprises ou particuliers –, des nouvelles modalités d’exécution de ces prélèvements.

En règlement de vos fournisseurs, si ceux-ci vous proposent un prélèvement B2B, vous devrez adresser à votre banque un consentement par lequel vous acceptez que votre compte soit débité par vos fournisseurs auxquels vous accordez cette facilité… Pour les autres, le CORE est tout à fait applicable au règlement entre entreprises.

Le délai de présentation d’un prélèvement B2B est de 1 jour. Le délai de présentation d’un prélèvement CORE, lorsqu’il est ponctuel ou initiale, est de 5 jours.

En application du règlement 260/2012 du Parlement européen et du conseil du 14 mars 2012 établissant les exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en €uro, votre banque doit vous proposer, via votre web banking, la consultation des opérations en attente d’imputation sur votre compte entre J à J+5. Il ne faut pas hésiter à en user afin de surveiller les entrées, et surtout les sorties (prélèvements), notamment ceux dont vous n’auriez pas connaissance afin d’exercer votre droit au refus avant qu'ils ne vous soient débités.

Il ne faut surtout pas oublier : le programme S€PA n’adresse pas uniquement les entreprises et les banques, mais aussi le simple particulier. Votre banque aurait du déjà vous communiquer les nouvelles conditions, et vous proposez les facilités de surveillance afin que vous puissiez exercer vos nouveaux droits face à vos créanciers.

Une dernière remarque, l’exercice d’un refus ou d’une demande de remboursement n’exonère pas le débiteur de la dette qu’il a contractée auprès de son créancier.

Voilà un rapide tour d'horizon et quelques conseils qui vous feront apprécier le S€PA avec plus de sérénité. Des conseils plutôt rassurants… Et si nous passions en revue vos moyens de paiements ? Les connaissez-vous ? Quel est leur volume respectif ? A quel titre les exécutez-vous ? Votre banquier, votre expert-comptable, vos éditeurs de logiciel, où en sont-ils ? Avez-vous la version « S€PA » de vos applications ?

Vous avez jusqu’au 1er février 2014 pour être en conformité avec ces nouvelles dispositions…

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Philippe Coiffard, expert des systèmes de paiements, a participé aux évolutions de ces trente dernières années en France (interbancarité monétique, Système Interbancaire de Télécompensation, Echanges d’Images Chèques, …), en Afrique de l’Ouest (Mission pour la Réforme des Systèmes et des Moyens de Paiements de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine), ainsi que dans les pays du Maghreb. Depuis 2006, le programme S€PA (Single €uro Payments Area) lui permet de décliner toute la chaîne de l’intermédiation entre les donneurs d’ordre, les destinataires des instructions de paiements, ainsi que les prestataires de services de paiements. Auteur de plus de 80 communications (petits déjeuners, conférences, formations) sur le S€PA, persuadé que le S€PA ne peut réussir sans la participation effective de tout acteur économique, provocateur à l’encontre des communautarismes bancaires, il conçoit le S€PA comme une révolution disruptive des pratiques autarciques qu’il pourfend volontiers, condamnant sans fard le retard pris dans la communication et l’information du programme S€PA. Philippe Coiffard est membre du CINOV IT, la chambre professionnelle des TPE et PME du numérique. Il anime une commission dédiée au SEPA.  

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