SignalConso : vous aussi cédez à la tentation de la délation 2.0

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 19 février 2020 à 11h00
Bercy Fraude Optimisation Fiscale Regularisation Dossier France Chiffres 2015
5%En 2017, seulement 5% des réclamations faites à la DGCCRF par les consommateurs concernaient un prix.

« Errare umanum est, delationare diabolicum. » C’est ainsi qu’on pourrait, depuis le 18 février 2020, réécrire cette maxime latine. La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a étendu à l’ensemble de la France son application SignalConso qui permet de « signaler un problème à la répression des fraudes en toute transparence avec l’entreprise ». Faire de la délation, en somme, puisque la DGCCRF sera au courant de tout.

SignalConso ou la délation 2.0

Le concept de l’application, qui a été testée en Centre-Val-de-Loire, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie pendant un an et qui est désormais disponible dans toute la France, est simple : lorsque vous rencontrez un problème avec une entreprise, quel qu’il soit, vous pouvez faire un signalement.
L’entreprise est alors notifiée et peut décider soit d’ignorer le commentaire, soit de le refuser, soit d’y répondre. Durant le test, selon les chiffres donnés par la DGCCRF, 3.400 signalements (soit plus de 10 par jour) ont été effectués. Les entreprises semblent avoir bien répondu puisque 69% d’entre elles ont lu le commentaire en créant un compte sur la plateforme qui leur est destinée et 77% de celles ayant lu le commentaire y ont répondu.

SignalConso se présente donc, comme le dit Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, comme un « outil de relation client ». Mais voilà, la directrice de la DGCCRF, Virginie Beaumeunier, précise malgré tout que « la phase de test a abouti à une trentaine de contrôles pour des entreprises dont le signalement était trop souvent répété ». Et c’est là que l’outil de relation client devient véritablement un outil de délation.

Des erreurs humaines et le risque d’abus

S’il n’y a aucun doute que certaines entreprises ont des comportements qu’il est nécessaire de sanctionner, l’utilisation de cette application permet de tout signaler. Les manquements aux conditions contractuelles ou encore à l’hygiène, manquements graves, mais également les erreurs sur les prix ou les produits périmés qui pourraient être en rayon.

Un produit périmé en rayon n’est pas forcément une volonté de fraude : peut-être a-t-il échappé au contrôle de la personne en charge du rayon qui, on le sait bien, a au moins 10 minutes par produit pour lire la date sur l’étiquette ? Une erreur sur le prix pourrait être une faute de frappe… Mais grâce à SignalConso, le professionnel est désormais dans le collimateur de la DGCCRF.

Et quelle sera la conséquence pour le chef de rayon qui croule sous le travail lorsque l’entreprise recevra un petit message de la DGCCRF qui lui dit « 4 personnes ont identifié des produits périmés dans votre rayon boucherie » ? Un blâme ? Un licenciement pour faute grave ? Il vaudrait mieux le signaler à un employé qui se chargera de résoudre le problème sans faire de vagues.

Et, surtout, qu’est-ce qui empêchera des campagnes calomnieuses à l’encontre d’une entreprise ? Imaginez une personne qui s’est sentie lésée, à tort, et qui pour se venger demande à toute sa famille et ses amis, voire sur Internet, de signaler l’entreprise en question…

Mais la délation attire… ce n’est pas pour rien qu’elle est mise en place et incitée dans tous les régimes totalitaires.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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