Pourquoi il faut soigner le système de santé français

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Par Isabelle Barbier et Ronan Guellec Publié le 8 juillet 2022 à 5h46
Complementaire Sante Resilier Sans Frais
234 MILLIARDS $Le marché mondial de la santé numérique est estimé à 234 milliards de dollars à l'horizon 2030

Pour neuf Français sur dix, la santé est une préoccupation majeure. Mais l’offre de soins actuelle n’est plus adaptée. L’ajustement de l’écosystème autour d’opérateurs publics et d’industries de santé est possible. À condition d’initier certaines transformations et d’en accélérer d’autres. Et surtout, de changer d’échelle.

Les besoins des patients français sont à l’origine d’une révolution copernicienne que la crise sanitaire a accélérée. La demande pour des relations de soins “5 P” – préventive, prédictive, probante, participative et personnalisée – s'accroît. Pour y répondre, c’est tout un écosystème de soins qui se met en place avec la constitution d’une filière autour d’opérateurs publics et d’industries de santé, incluant de nombreuses startup. La demande de parcours de soins coordonnés en découle. Avec comme conséquence de sortir progressivement d'une offre en organisations cloisonnées qui caractérise encore notre système actuel de santé et qui n’est plus adaptée.

L’échelle d’action devient le vrai sujet. Notre système de soins a fonctionné pendant la crise pandémique parce que notre pays a agi souverainement dans sa gestion, par exemple en décidant de transférer des malades d’une région à l’autre. Ce qui change, c’est que la santé devient un enjeu quasi régalien non seulement en France, mais aussi en Europe. Si la réduction des inefficiences dans la coordination et l'organisation des soins, qui constituaient 20 % des dépenses de santé en 2017 selon l’OCDE, reste une priorité nationale, l’échelle européenne est à l’évidence plus efficace pour gérer les crises pandémiques ou assurer au citoyen la disponibilité de ses données de santé lorsqu’il se déplace d’un pays à l’autre.

De leur côté, les industriels de la filière, présents sur le territoire français, sont en attente de simplification de la réglementation et d’accélération de l’innovation industrielle. Ces demandes formulées aux instances gouvernementales permettraient, si elles sont honorées par la France et les pays d’Europe, de commercialiser rapidement les produits de santé en adéquation avec les besoins du territoire concerné, relevant pleinement le défi de la compétition mondiale. À titre d’exemple, lors de phases de développement clinique d’un produit, entre la demande pour un essai clinique et l'inclusion du premier patient, un industriel doit attendre en moyenne 204 jours en France contre 189 jours en Espagne. Par ailleurs, le gouvernement français, en concertation avec les autres pays européens, pourrait accompagner plus fortement la relocalisation industrielle (pour rappel, pendant la crise sanitaire de la Covid 19, les pharmacies françaises ont fait face à une pénurie de paracétamol) et accélérer le développement de nouvelles productions de produits de santé stratégiques. Quels produits voulons-nous fabriquer en France et plus largement en Europe ? Quelles pénuries devons-nous éviter ? De quels produits de santé spécifiques avons-nous besoin pour soigner la population au niveau territorial et mondial ? Plus aucun pays ne pourra prétendre être une grande puissance économique, s'il n'est pas doté d'une industrie de santé innovante et productive.

La montée en puissance et en maturité de l’écosystème est également à l’ordre du jour en termes de transformation digitale, pour une relation de soins augmentée, au bénéfice du patient comme du professionnel de santé. Là aussi, il s’agit de changer d’échelle, en simplifiant l’accès aux données de santé et en structurant la filière numérique. L’ouverture de "Mon espace santé" l’illustre : en deux ans, l’objectif est de passer de dix à 250 millions de documents échangés via le dossier médical personnel et les messageries sécurisées de santé.

Le secteur privé montre de son côté un vrai dynamisme autour des solutions de santé numérique que ce soit pour favoriser la faisabilité d’études cliniques décentralisées (évitant aux patients des déplacements, désengorgeant les sites d’investigation) ou apporter des services additionnels aux patients atteints de maladie chronique (comme le stylo injecteur d’insuline à mémoire de dose). Le marché mondial est estimé à 234 milliards de dollars à l’horizon 2030. En France, il y a aujourd'hui plus de 1 700 Health Techs qui seront en capacité en 2030 de générer 130.000 emplois sur notre territoire pour apporter des solutions technologiques à 250 millions de patients dans le monde.

Enfin, la capacité de réponse aux crises et la satisfaction des besoins des patients-usagers nécessitent d’articuler différemment les approches des secteurs de santé public et privé : d’une part la nécessité de séparer aussi nettement que possible l’évaluation « purement scientifique » d’appréciations économiques plus générales, relatives au remboursement et au prix. D’autre part, la vision des externalités positives, c'est-à-dire socialement parlant, des innovations qui vont profiter au patient dans son territoire de vie. Pour cela, il est important de prendre appui sur des acteurs clés de l’écosystème proches des réalités du terrain, élus et entrepreneurs, à la fois agiles et familiers avec ces deux approches.

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Isabelle Barbier, Directrice Life Sciences, Secteur privé - CGI Business Consulting. Ronan Guellec, Directeur Santé, Secteur public - CGI Business Consulting.

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