Mondialisation et nouveaux moteurs du développement local

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Par Nicolas Portier Modifié le 20 mars 2018 à 6h16
Mondialisation Enjeux Territoires Locaux France
35 416La France compte 35 416 communes.

Les territoires sont-ils plus exposés aujourd’hui qu’hier à la mondialisation ? Au regard des flux informationnels et culturels, nul doute n’est possible.

Le « village planétaire » est devenu réalité, au prix de vives interrogations identitaires. Du point de vue économique, l’internationalisation des échanges de biens, les flux croisés de capitaux et l’interconnexion des marchés financiers contribuent également à enchâsser, chaque jour davantage, le local dans le global. En l’espace de trente ans, les tissus productifs de nos territoires ont vu s’accroître la pression concurrentielle des pays à bas coûts. Dans nos grandes filières industrielles et nos chaînes de valeur, sont venus s’incorporer de plus en plus d’intrants importés au détriment du « made in France ». Nos grands donneurs d’ordre nationaux ont profité de l’ouverture des marchés, des réductions des tarifs douaniers et des risques de change pour s’approvisionner auprès des pays « low-cost » et revoir drastiquement leurs achats. Les délocalisations d’activités ont moins résulté des transferts d’usines que des changements de fournisseurs ou des arbitrages que les grands groupes opèrent entre leurs propres filiales.

A la mondialisation productive a répondu la mondialisation commerciale, qui s’est traduite dans nos comportements de consommation. L’accès au client final est de plus en plus contrôlé par des marques et enseignes internationales, capables d’investir massivement dans la publicité et le marketing ; la valeur ajoutée contemporaine étant faite de réputation et de rêve. Non sans une certaine uniformité, les mêmes enseignes ou franchises peuplent les artères commerciales de nos centres urbains ou les galeries marchandes de périphérie. Le surgissement des géants du numérique et du nouvel oligopole des GAFA vient multiplier par millions les possibilités de commutation d’un territoire avec l’autre bout du monde, au bénéfice d’Amazon ou d’Alibaba. Un langage digital planétaire s’est déployé en un temps record, illustré de manière emblématique par l’essor phénoménal des jeux en ligne.

Enfin, une troisième dimension de la mondialisation est de nature patrimoniale, à travers les nouvelles formes d’appropriation du capital immobilier et foncier. Après avoir investi massivement la pierre, la financiarisation de l’économie s’étend désormais à la terre, que celle-ci soit constructible ou agricole. Alimentées par le crédit facile et des masses de liquidités sans emploi, les bulles spéculatives déconnectées de l’économie réelle se forment autour de ces actifs fixes. Elles affectent aussi bien les « zones tendues » des grandes métropoles que les territoires à forte attractivité touristique (littoraux, zones de montagne...) ou les terroirs viticoles.

Ces marqueurs indiscutables de la mondialisation conduisent-ils pour autant à transformer nos territoires en vastes corridors ouverts à tous vents ? La réalité est plus nuancée. La mondialisation a contribué à réduire considérablement le poids relatif des productions matérielles et des biens de consommation dans la valeur ajoutée des pays parvenus à la frontière technologique. Au sein des économies les plus avancées, la part prise par les dépenses de logement, d’éducation, de santé, de loisir, de culture... est devenue largement prépondérante. Même s’ils intègrent une composante de biens « mondialisés » (matériaux de construction, médicaments, DVD...), ces secteurs d’activité reposent majoritairement sur des services ou prestations rendus localement et forment ce que l’on appelle l’économie « domestique » ou « résidentielle ». Dans la plupart des territoires français, analysés à l’échelle de nos agglomérations ou de nos bassins d’emploi, le poids de cette économie est devenu largement supérieur à celui de l’économie « productive », à savoir celle issue des activités réellement exposées à la concurrence internationale. Nos métropoles disposent elles-mêmes, à côté de leurs secteurs les plus internationalisés (sièges sociaux, finance, conseil aux entreprises...), de très importants secteurs « abrités » : grandes fonctions administratives, universités, centres hospitaliers...

De récentes études ont permis d’évaluer le degré d’exposition des territoires français à la concurrence internationale. Certains bassins industriels ruraux ou agglomérations de taille moyenne, peu pourvus en emplois publics, s’avèrent beaucoup plus exposés que les autres. Parmi eux, il en est de très dynamiques, bien insérés dans la compétition économique, marqués par des taux de chômage résiduels. Les exemples de Vitré ou de la Vendée sont bien connus. Mais ils ne sont pas seuls. D’autres bassins ont en revanche beaucoup plus souffert de la transformation du modèle productif et, surtout, de la récession de 2008. Les impacts de cette dernière sur les territoires français ont été extrêmement différenciés. Aussi faut-il désormais admettre que les avancées de la mondialisation, à l’instar du marché unique puis de la zone euro, n’ont pas suscité que des gagnants parmi les territoires.

Nicolas Portier intervient le mardi 20 mars 2018 au Printemps de l’économie lors de la conférence « Inégalités des territoires et diversité des stratégies territoriales face à la mondialisation » - Le programme de l'événement : https://www.printempsdeleco.fr/programme

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Nicolas Portier, DG de l’Assemblée des communes de France

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