Trump : le match n’est pas fini

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Par Philippe Béchade Publié le 17 novembre 2016 à 5h00
Donald Trump Etats Unis Situation Economie
1 000 milliards $Donald Trump veut baisser les impôts de 1000 milliards de dollars.

Paul Krugman ne décolère pas : Donald Trump aurait été élu avec moins de suffrage qu’Hillary. Les derniers chiffres officiels (98% des votes ont été dépouillés) ne lui donnent assurément pas raison… et il n’est pas loin d’avoir officiellement tort.

Mais si Paul Krugman voulait produire une critique plus efficace qu’un refus de l’évidence, il devrait se pencher davantage sur les profondes lignes de failles dont souffre le parti Républicain. S’il y a bien un camp dont de nombreux membres ne reconnaissent pas Donald Trump comme leur légitime représentant, c’est bien le sien et en particulier John Mc Cain qui avait retiré son soutien au milliardaire à un mois du scrutin.

Au-delà de quelques querelles de personnes, il y a beaucoup de monde au parti Républicain qui voterait contre le programme économique de Trump : +1 000 Mds$ de dépenses sous forme de grands travaux, -1 000 Md$ de recette fiscales = l’équivalent du PIB de la France en déficit supplémentaire – dans un premier temps… avant que l’Amérique ne se rembourse avec les dividendes de la croissance et la prospérité retrouvée.

C’est une fuite en avant dans la dette inacceptable et suicidaire aux yeux d’une majorité de politiciens orthodoxes… d’autant qu’en matière de dépenses d’infrastructures, Barack Obama n’a pas chômé (800 Mds$ de dépenses qui pas apporté la démonstration de leur efficacité en terme de croissance et de baisse du chômage).

Là où les pro-Sanders, les pro-Hillary et les libertariens (à l’autre bout du spectre Républicain) pourraient se rassembler et présenter un front uni, c’est contre le démantèlement de la Loi Dodd-Frank. Depuis 2009, elle vise à séparer les activités de banque de dépôt et de banque d’affaires, aux Etats Unis, lorsque leur valeur d’actif dépasse les 50 Mds$ (établissement systémique, c’est à dire « too big to fail« ).

Une Loi déjà largement édulcorée depuis 6 ans (juillet 2010) sous l’intense lobbying des banques et qui pourrait être enterrée par Donald Trump au nom d’une « simplification des règles » (notamment prudentielles, avec des ratios de fonds propres jugés trop élevés) sensée faciliter par exemple l’octroi de crédit. Mais les banques prêtent déjà à livre ouvert, pratiquement en mode no limit aux étudiants, aux acquéreurs de véhicules particuliers, aux ménages qui connaissent des fins de mois difficiles.

Et même si Donald Trump pense amplifier l’offre de crédit en levant des entraves réglementaires, les banques trouveront-elles plus d’emprunteurs solvables avec des taux qui viennent de se retendre de +50 points sur le 5 ans et de +80 points sur le « 10 ans » ? Alors certes, la trésorerie des banques rapportera davantage… Mais comment l’Amérique supportera-t-elle une hausse de 0,8 à +1% du coût de sa dette alors que la croissance US n’est que de 2%… – et encore, uniquement par le jeu de la fiction statistique avec des « effets stocks » à géométrie variable (l’administration Obama avait tout intérêt à gonfler les chiffres du PIB avant les élections afin de revendiquer un bilan flatteur).

Le compartiment bancaire (ci-dessous l’indice Dow Jones Banks) a bondi de +10% la semaine dernière, les vedettes du Dow Jones et du top100 du S&P 500 (JPMorgan, Goldman Sachs, Bank of America, Wells Fargo, etc.) se sont envolées jusqu’à +13%. La défaite d’Hillary est une fête à Wall Street. Les experts qui voyaient le Dow Jones dévisser vers 15 000 mercredi matin le prédisent désormais à 19 000 avant les Trois sorcières (ce 18 novembre) et à 20 000 d’ici Thanksgiving (avant mi-décembre).

Mais est-ce que le peuple américain a voté pour que Wall Street se voie déjà s’en mettre encore davantage plein les poches ? S’il y a un phénomène post-électoral dont Paul Krugman devrait s’inquiéter, c’est bien de celui-là… et pas d’imputer par anticipation une récession au nouvel hôte de la Maison Blanche.

En ce qui concerne la formation de l’équipe Trump, nous n’en savons pas plus que la presse mais ce qui transparaît déjà, c’est que les noms qui circulent appartiennent à des membres de l’establishment et de « ‘hyperclasse (leaders influents du deep state, propriétaires de fondations et de jets privés). Nous voici déjà très loin des grands électeurs issus de la rust belt (vaste région en voie de désindustrialisation, minée par un chômage endémique et des milliers de communes en faillite).

Quoi qu’il en soit, les déclarations tonitruantes contre Hillary Clinton, Barack Obama, Janet Yellen, les spéculateurs de Wall Street, le ton a déjà spectaculairement changé. Difficile de ne pas faire de parallèle avec un spectacle de catch où les athlètes s’insultent et se menacent sous les projecteurs, font mine de se passer à tabac sur le ring… et ressortent bras-dessus bras-dessous des vestiaires après s’être mis d’accord sur le choix du restaurant ou de la boîte de nuit où ils vont se retrouver pour fêter cette belle soirée.

Sinon, vous avez certainement pu lire que lorsqu’un nouveau Président prend possession d’un bureau ovale, il faut arrondir les angles (je sais… elle est facile, mais tellement de circonstance).

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme. Rédacteur aux Publications Agora, vous trouvez chaque jour ses analyses impertinentes des marchés dans La Chronique Agora. Il est également rédacteur en chef de la lettre Pitbull.

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