Vol de propriété intellectuelle : le cyber casse du siècle

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Par Sylvain Courcoux Publié le 19 juillet 2018 à 5h06
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600 milliards de dollarsLa cybercriminalité coûte 600 milliards de dollars à l?économie mondiale.

Avec l’émergence du numérique, il est devenu possible en quelques lignes de codes de créer un produit immatériel, qui ne nécessite pas d’usine, pas de large main-d’œuvre, pas d’inventaire, pas de boutiques, et qui puisse se vendre dans le monde entier grâce à internet. Reste à trouver l’idée. Le plus dur n’est pas de savoir comment programmer mais de savoir quoi programmer. La propriété intellectuelle à l’ère d’internet, c’est la graine qui peut donner naissance à une multinationale. Forcément, cela attire des voyous d’un nouveau genre, désireux de toucher une partie des 600 milliards de dollars que coûte la cybercriminalité à l’économie mondiale.

L’incubateur : une étape dans la vie d’une startup

Avant qu’une startup devienne une réussite internationale, elle doit passer du stade de l’idée au stade de l’entreprise. Le rôle des incubateurs de startups est donc de transformer d’éventuels diamants bruts en produits commercialisables. Un incubateur, c’est bien plus qu’une pépinière ou un espace physique de co-working. C’est un lieu de conseils, de financement, et de réseau. Pour transformer une idée de startup tech en une entreprise, il faut concevoir, développer, expérimenter, tester, réfléchir, comprendre les attentes du marché, concevoir une stratégie de commercialisation, apprendre à pitcher son projet, trouver des financeurs. Et puis parfois, on pivote. On part sur une idée et, en creusant, on découvre une autre idée qui devient alors une poule aux oeufs d’or. Et parmi les meilleurs pivots, il y a ceux qui émergent d’une nécessité, parce que la nécessité est mère de l'invention. Entreprendre dans le numérique, c’est bien plus que juste programmer. Le but d’un incubateur de startup est de permettre aux entrepreneurs d’en ressortir avec une entreprise qui marche.

Comment on rentre dans un incubateur ?

On s’inscrit. Le processus de sélection diffère selon les incubateurs. On cherche des gens qui prennent des risques, qui persévèrent, qui tentent. On cherche des créateurs. Et puis bien sûr, on cherche de bonnes idées, qui ont le potentiel de créer de grandes entreprises. La propriété intellectuelle, c’est le nerf de la guerre, c’est une bataille de l’imagination. Les entrepreneurs envoient leurs dossiers de candidature en espérant être pris. Certains tentent l’aventure à l’étranger, d’autres choisissent des incubateurs spécialisés dans un domaine. Tous les entrepreneurs tentent leur chance avec l’espoir de voir leurs rêves devenir réalité. On envoie donc un dossier de candidature en ligne, et on attend la réponse.

C’est là que ça se joue…

Une plateforme en ligne, YouNoodle, permet aux incubateurs de startup de gérer les inscriptions d’entrepreneurs. De très nombreux incubateurs, y compris des incubateurs français, utilisent cette plateforme et les entrepreneurs y soumettent leur propriété intellectuelle, en toute bonne foi. Le casse du siècle serait d’avoir accès à toute la propriété intellectuelle du monde, d’en subtiliser une poignée de pépites que l’on recyclerait en pivots dans son incubateur aux mains d’entrepreneurs maison, et de revendre, 5-7 ans plus tard, celles qui ont marché pour des centaines de millions d’euros. Chacune. Tous les ans.

La plus belle des ruses du Diable est de vous persuader qu’il n'existe pas

Si un incubateur trichait en recyclant quelques pépites par an, à quoi cela ressemblerait-il ? A un incubateur qui réussirait mieux que les autres, et qui, donc, susciterait l’admiration dans le monde des startups. Le vol de propriété intellectuelle est très difficile à détecter, et encore plus à prouver. Il y a des dogmes dans le numérique. On dit par exemple que personne ne vole des idées de startups et que les bonnes idées apparaissent souvent au même moment. Donc, si un entrepreneur de Nantes ou de Strasbourg candidate pour un incubateur de Lyon ou de Paris et découvre plus tard une startup de l’autre bout du monde qui reprend une de ses idées, cela passerait pour une coïncidence. De plus, un contentieux en propriété intellectuelle aux Etats-Unis coûte cher: 200K-300K juste pour déposer plainte, et les entrepreneurs qui s’inscrivent à un incubateur n’ont pas les moyens d’engager des poursuites. Subtiliser de la propriété intellectuelle serait donc le crime parfait, un crime propre qui rapporterait gros et qui serait quasiment impossible à élucider.

Avis aux entrepreneurs et incubateurs du monde entier

Si vous êtes entrepreneur et envoyez votre propriété intellectuelle de manière électronique à des incubateurs, demandez-vous par où transite votre propriété intellectuelle. J’avais soumis à Startup Chile, l’incubateur du Gouvernement du Chili, un logiciel CRM conçu autour du téléphone, sous accord de confidentialité. Une dizaine de jours après que des experts de la Silicon Valley aient évalué et refusé mon prototype, une startup californienne de YCombinator pivotait et commençait à coder un logiciel reposant essentiellement sur la même propriété intellectuelle.

Entrepreneurs, si vous entendez quelqu’un vous dire que personne ne vole des idées de startups, demandez-lui donc quelle est la raison d’être des avocats en propriété intellectuelle. Voler de la propriété intellectuelle d’entrepreneurs est le crime parfait, le cyber casse du siècle. Pas toutes les idées, peut-être seulement une sur dix mille, peut-être la vôtre.

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Sylvain Courcoux est créateur du goyaPhone.

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