Zone euro recherche confiance désespérement

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Par Stéphanie Villers Publié le 31 mars 2016 à 5h00
Croissance Zone Euro Confiance Marches
1,5 %Pour Standard & Poors, la croissance de la zone euro ne devrait pas dépasser 1,5 % cette année.

La confiance fait toute la différence en économie. Or, la psychologie des agents relève des sciences humaines et les modèles économiques peinent à l'évaluer et la mesurer. Pour autant, les politiques savent que le moral des ménages et celui des entreprises sont indispensables pour assurer la reprise. Reste à savoir comment stimuler la confiance dans un contexte déjà délicat où s'ajoute la menace terroriste et où le discours ambiant ne tient pas compte de cette réalité.

Les marchés connaissent la chanson depuis longtemps. Les indicateurs de confiance sont scrutés de près pour savoir si oui ou non, il convient d’investir dans telle zone, dans tel pays, ou encore dans tel secteur. Que ce soient le climat des affaires, le moral des ménages, les enquêtes auprès des directeurs d’achats ou encore le sentiment des investisseurs, tout ce qui relève de la psychologie des agents économiques est passé au peigne fin. Homo œconomicus est ainsi décortiqué par l’ensemble des analystes de la sphère économique et financière.

Or, le comportement des agents reste difficilement prévisible et modélisable. Pourquoi ? Les agents économiques ne sont pas aussi rationnels que la pensée néo-classique voudrait nous le faire croire. Les experts en modélisation économique s’échinent à analyser les courbes pour en déceler des tendances. Pour autant, il suffit de comparer les prévisions aux résultats pour se rendre compte à quel point il est difficile de tomber juste. Aucun modèle mathématique ne pourra modéliser les comportements des agents face aux aléas. L’économie est avant tout une science humaine. C’est pourquoi, les explications ex-post se font beaucoup plus claires mais en amont l’exercice reste périlleux.

Pour pallier à cette insuffisance, des indicateurs de confiance sont construits aux travers d’enquêtes et de sondages menés par des instituts de statistiques nationaux ou internationaux (INSEE, Commission européenne, Eurostat, etc.) ainsi que par des organismes privés spécialisés. Les modèles économiques intègrent ces données fournis par exemple sur le moral des ménages, des entreprises ou encore des marchés pour définir leurs prévisions. Mais, ces éléments reflètent-ils la réalité et sont-ils suffisants et efficaces pour anticiper l’efficacité des actions des politiques économiques ? Rien n’est moins sûr. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les résultats sur l’inflation des actions menées par les banques centrales et en particulier la BCE.

Tout l’argent de la BCE sera vain sans la confiance

Des milliards d’euros ont été déversés sur la sphère financière sans effet sur l’indice des prix à la consommation. Pourtant, selon la théorie monétariste, celle qui inspire les banques centrales, la monnaie injectée au travers des rachats par la BCE aurait dû inciter les banques à prêter davantage aux entreprises pour se débarrasser de ce surplus de monnaie. L’accès au crédit « facile » était censé relancer l’inflation à travers la reprise économique. Dans la réalité, on a vu que les banques ont rechigné à prêter par manque de confiance dans les perspectives de croissance. Ce sentiment a été relayé par les entreprises qui, compte tenu de leur difficulté pour obtenir un crédit, ont baissé les bras et ont repoussé leurs projets d’investissement. Néanmoins, sans l’action de la BCE, la situation aurait vraisemblablement empiré. La zone euro risquait de sombrer dans une spirale déflationniste.

Au demeurant, même si la zone euro a bénéficié tout au long de l’année 2015 de facteurs bénéfiques apportés par la BCE et par la baisse du prix du pétrole, l’inflation n’est pas repartie et la confiance non plus. La BCE a alors décidé d’en rajouter davantage en mars. Mais rien ne nous dit, pour l’instant, si sa politique accommodante va faire mouche et donner enfin envie aux banques de prêter, aux entreprises d’embaucher et aux ménages de consommer. En outre, si d’aventure la BCE se décidait à verser directement des euros sur le compte bancaire des particuliers, rien ne peut nous assurer que ces derniers feraient le choix de les dépenser plutôt que de les épargner, ou d’acheter des produits de la zone euro plutôt que des produits importés. Au même titre que les banques, les ménages risquent d’afficher une préférence pour la liquidité.

La France, à la recherche désespérément de la confiance

Ainsi, la variable « confiance » reste extrêmement difficile à évaluer par les modèles économiques. Mais, cet élément est indispensable pour le soutien à la croissance. Il faut donc savoir la stimuler afin d’assurer l’efficacité des politiques menées mais aussi pour soutenir la reprise. Reste à savoir comment, d’autant que le cas spécifique de la France laisse perplexe. L’économie française ne fait pas d’étincelles alors qu’elle bénéficie d’un environnement porteur inédit depuis 2015. Les taux d’intérêt sont bas, l’euro rend nos produits compétitifs à l’export et le pétrole bon marché allège nos coûts de production. Pour autant, la reprise reste invariablement décevante.

Des freins structurels seraient à l’origine de l’incapacité française à rebondir. Les réformes du marché du travail qui doivent être mises en place, sont censées y répondre. Mais, seront-elles suffisantes pour satisfaire les entreprises ? Ces dernières vont-elles avoir envie d’embaucher de nouveau ? A en croire les premières réactions, les mesures n’assurent pas la flexibilité nécessaire pour permettre aux firmes françaises de relancer la création d’emploi. Tout ce qui est octroyé d’un côté, laisse craindre un durcissement de l’autre. En d’autres termes, la fiscalité pourrait s’alourdir pour financer un déficit public qui peine toujours à respecter les critères de Maastricht.

Dans un premier temps, plus de souplesse permettra aux entreprises d’ajuster leurs effectifs à leurs carnets de commandes et laisse craindre une augmentation conjoncturelle du chômage. Le moral des ménages pourrait en prendre un coup et la consommation avec. Les dépenses sociales, dont les allocations chômage, risquent de même de progresser et avec elles, les impôts pour compenser cette aggravation du déséquilibre des comptes publics. Il y a donc des dommages collatéraux à craindre de cette réforme du travail à court terme, avec par effet ricochet des effets dévastateurs sur le moral des ménages et sur le climat des affaires. Toutefois, il reste difficile de prévoir à l’avance le comportement des agents économiques face au changement. Nombreux sont ceux à réclamer plus d’accompagnement et de pédagogie pour « faire passer les réformes ». Là encore, la psychologie des agents et leur confiance en l’avenir déterminent leur capacité à accepter un monde qui change et à croire aux bienfaits des réformes à long terme.

Mais, rappelons que le contexte actuel complique la donne. Le risque de répliques d’attentats ne permet pas d’assurer un climat de confiance et de sérénité. Certains économistes pensent néanmoins que la menace terroriste n’aura pas de réelle incidence sur l’économie, que les ménages et les entreprises en France vont accepter cette nouvelle donnée, somme toute, dramatique. Selon ces derniers, elle sera sans conséquence sur leur comportement d’achat, d’investissement, etc. Ils donnent en exemple Israël capable d’afficher de réelles performances économiques en dépit des tensions et conflits permanents. Il n’est pas certain que le contexte économique et géopolitique permette cette comparaison.

Pour rester sur un plan purement macro-économique, il est difficile d’envisager que le moral des français ne soit pas heurté par ce climat d’incertitude et d’inquiétude alors qu’il est déjà vivement entaché par un chômage à 10%, des perspectives économiques atones, un modèle social remis en cause et des comptes publics invariablement en déséquilibre sans que la sécurité publique puisse être assurée de manière optimale. Pour relancer la machine, la confiance est indispensable. Or, le discours ambiant ne tient pas compte la réalité et les projets socio-politiques n'insufflent pas sufisamment de dynamisme pour permettre d'entrevoir le bout du tunnel.

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Stéphanie Villers est économiste.

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