Pass Rail : Projet utopiste ou révolution des transports ?

Le « Pass Rail », annoncé par Emmanuel Macron devrait permettre aux usagers du train de voyager en illimité au prix de 49€ par mois. Mais est-ce un projet réalisable et viable ?

Pierre Plaindoux
Par Pierre Plaindoux Publié le 21 septembre 2023 à 5h30
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5%La SNCF a annoncé une hausse de prix de 5% en moyenne en 2023.

En Allemagne, le « Deutschland-Ticket » a déjà séduit plus de 11 millions d’allemands : pour 49€ par mois, les usagers peuvent voyager en illimité dans toutes les villes du pays, avec les métros, les bus, les tramways et les trains régionaux.

Pourtant, les premiers constats sont mitigés : malgré un coût élevé pour les finances publiques, les objectifs de report modal sont décevants et les premières voix pour son augmentation se font entendre.

Le projet d’un « Deutschland-Ticket » français, le Pass Rail, annoncé début septembre par Emmanuel Macron et Clément Beaune, doit faire l’objet de négociations entre les régions et l’État qui débuterons lors du congrès des Régions, les 27 et 28 septembre 2023, à Saint-Malo.

Pour un tarif similaire au pass allemand, tous les Français pourraient voyager en illimité sur l’ensemble du territoire, sur les Intercités, les TER, voire les transports urbains… L’offre semble alléchante. Mais qu’en est-il vraiment ?

Le Pass Rail est-il une solution réalisable, mais surtout pérenne ? A quelles conditions ? Qui paiera ?

Si les Français sont aujourd’hui dans l’attente d’une amélioration de leur pouvoir d’achat, et qu’une telle mesure pourrait donc sembler bienvenue, la proposition risque tout de même de ne pas répondre à leurs attentes.

En effet, si un soulagement peut se faire ressentir du côté du porte-monnaie pour les utilisateurs actuels, les services ferroviaires restent, eux, pour l’instant, clairement à améliorer : fréquence faible, amplitude horaire restreinte, ralentissements fréquents, manque de fiabilité… Le constat, dû principalement à la vétusté du réseau, dont l’֤État a la charge, est sans appel : baisser le prix des trains ne les rendra pas plus attractifs.

Avant de proposer un tarif très incitatif, et amener de nouvelles personnes à emprunter le train, les services doivent être irréprochables pour ceux ayant d’ores et déjà fait ce choix, ou qui aimeraient le faire s’ils répondaient mieux à leur besoin. Les Français préfèrent-ils des tarifs plus incitatifs, avec tous les inconvénients qu’ils impliquent, notamment une surcharge des rames et des retards supplémentaires, ou préféreraient-ils un réseau ferroviaire avec un service à la hauteur de leurs attentes ?

Compris dans le Pass Rail, les TER soulèvent une autre question : quid des tarifs déjà mis en place par les régions ?

Depuis 2017, elles jouent à plein leur liberté tarifaire.

Si, pour les voyageurs interrégionaux, une tarification unique faciliterait l’organisation de leurs déplacements, leur évitant de devoir cumuler plusieurs cartes et abonnements, les régions perdraient une part importante de leur politique tarifaire auprès de leurs administrés.

Enfin, le point majeur réside dans le financement d’une telle mesure, loin d’être acquis.

Les régions ont, certes, la prérogative du transport régional, mais leurs ressources propres restent très limitées : alors qu’un abonnement TER régional coûte généralement plus d’une centaine d’euros aujourd’hui, assumer seules le coût d’une telle mesure ne sera pas possible.

Par conséquent, l’État, à l’initiative de la mesure, devra mettre la main à la poche et augmenter leur dotation. Or, il est déjà très attendu par les régions sur les 100 milliards d’euros sur 10 ans promis pour la rénovation des infrastructures ferrées et non encore financés. Elles y seront très attentives.

Finalement, l’État devra avoir une réponse à la hauteur de l’attente que le Pass Rail suscite, au niveau des autorités organisatrices d’une part, mais surtout à celui des voyageurs, premiers concernés par le projet, parce que la réduction des prix ne doit pas se faire au dépend d’une expérience passager dégradée.

Pierre Plaindoux

Diplômé de l'École d’Ingenieur-e-s d’un Numérique Utile (ESIEA), Pierre Plaindoux a commencé sa carrière en 2007 en tant qu’adjoint au Directeur du Développement Durable et des Transports à l’Etablissement public d’Aménagement de la Défense Seine Arche (EPADESA). Il s’est ensuite tourné vers le consulting, en rejoignant NeoModus en 2013, puis Yélé Consulting en 2015, avant de rejoindre mc2i en juillet 2018. Chez mc2i il accompagne des grands comptes du secteur du transport et de la mobilité en tant que Consultant expert.

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