Renouvelables : produire de l’énergie grâce aux façades

Des chercheurs élargissent leurs horizons, au-delà des habituels panneaux solaires, pour tenter de produire de la chaleur et de l’électricité à partir des autres surfaces extérieures des bâtiments.

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Par Horizon Publié le 21 mars 2024 à 4h30
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2,7% La production solaire représente 2,7 % de la consommation électrique française.

Dans son logement social situé en périphérie d’Eindhoven, dans le sud des Pays-Bas, Renske Crone est ravie de l’expérience réalisée en 2022 dans son appartement, qui a consisté à l’équiper de panneaux produisant de l'énergie solaire.

Mais le système qui a été mis en place chez elle était totalement différent des panneaux solaires, ou modules photovoltaïques, qui équipent de nombreuses toitures, en Europe et ailleurs. Au lieu de produire de l’électricité, comme le font les modules photovoltaïques, les panneaux qui sont venus équiper le logement de Mme Crone généraient de la chaleur et étaient fixés sur la façade du bâtiment.

Les avantages de l’énergie thermique

Les panneaux gris, recouverts d'aluminium et ressemblant à un revêtement de sol stratifié, occupaient 15 mètres carrés. Suite aux essais, le domicile et l’eau consommée par Mme Crone ont été chauffés à partir d’une énergie renouvelable et non plus au moyen de gaz naturel polluant, même par temps nuageux, et les factures d’énergie ont diminué.  

«Le logement a un bilan énergétique positif, ne consomme pas de gaz et la facture énergétique nette est nulle», a déclaré Mme Crone, qui a depuis déménagé. «Qui ne voudrait pas de cela?»

La nouvelle technologie énergétique est issue d’un projet de recherche financé par l’UE qui a pour but d’utiliser toutes les surfaces extérieures des bâtiments et non plus uniquement les toits afin de produire de l’électricité. Intitulé Envision, le projet a duré cinq ans et s’est achevé en septembre 2022.

Cette initiative reflète les efforts accrus déployés par l’UE pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Les bâtiments représentent environ 36 % des émissions en Europe et font partie d'une vague de rénovations pour l’Europe.  

Environ la moitié des façades des bâtiments de l’UE sont inutilisées.

Infrarouge

Les rayonnements du Soleil qui atteignent la surface de la Terre comprennent la lumière visible, l’infrarouge et l’ultraviolet.

Si les panneaux solaires ordinaires utilisent la lumière visible, ceux du logement de Mme Crone exploitent le spectre infrarouge et n’exigent pas que le mur extérieur ait une orientation précise. La lumière visible constitue environ 43 % du rayonnement solaire, contre 50 % pour l'infrarouge.

Rénover les logements pour qu’ils utilisent à la fois la lumière visible et l’infrarouge promet de grandes avancées dans l'exploitation de l'énergie solaire. Tous les murs extérieurs peuvent être équipés de la technologie Envision.

«Avec nos panneaux et nos cellules photovoltaïques en toiture, vous pouvez produire suffisamment d’énergie pour que le bilan énergétique de votre domicile soit positif», a déclaré Bart Erich, chercheur associé en physique appliquée à l'Université de technologie d'Eindhoven.

Codirigeant du projet Envision, il indique que la superficie totale des façades des bâtiments en Europe est à peu près équivalente à celle des toits. 

Des progrès tangibles

L’utilisation de façades pour absorber l’énergie du soleil apporterait une nouvelle dynamique au secteur européen de l’énergie solaire thermique, déjà en expansion, qui a enregistré une croissance de 12 % en 2022.

Les panneaux thermiques sont couplés à une pompe à chaleur. Dans le cas des logements sociaux, où l'espace est relativement limité, l’installation d’une pompe à chaleur peut exiger la construction d'un cabanon à l'extérieur, comme cela a été le cas chez Mme Crone.

L’ajout d’une batterie permet de stocker l’énergie thermique excédentaire. 

Les prix de ces façades varient entre 150 et 500 euros le mètre carré, selon le type, d’après M. Erich, qui précise que leur durée de vie est généralement de 30 ans et leur retour sur investissements de 7 à 10 ans.

Au cours du projet Envision, les chercheurs ont mené des recherches en laboratoire, construit un site à l’Université de technologie d’Eindhoven pour tester l’idée et procédé à des expérimentations dans des logements, comme chez Mme Crone.

En 2022, l'équipe a été finaliste dans la catégorie Innovation des European Sustainable Awards, qui récompensent les projets et les personnes qui font progresser la transition vers une énergie plus propre.

Depuis la fin du projet Envision, la technologie a pris de l’ampleur. M. Erich est directeur technologique d'une société dérivée nommée Calosol qui vend les panneaux.

Du «prêt-à-monter» de type IKEA

Calosol a pour objectif d’installer 1 200 mètres carrés de panneaux, un chiffre ambitieux par rapport aux 250 mètres carrés produits dans le cadre du projet Envision. Dans l’appartement de Mme Crone, les 15 mètres carrés suffisaient à répondre à tous ses besoins de chauffage, toute l’année, selon M. Erich.

«Au total, les panneaux produisent à peu près la même quantité d’énergie, voire un peu plus, que celle consommée réellement par le logement», a-t-il expliqué.

Les panneaux étant pour l’instant compliqués à poser, les recherches actuelles visent aussi à simplifier cette étape. Le but ultime est que le montage puisse se faire à la façon d’un meuble IKEA, ajoute M. Erich.

«Nous en sommes là: nous avons encore du mal à faire en sorte que le bénéficiaire puisse procéder lui-même à l’installation», a-t-il déclaré.

Fenêtres solaires

Pour aider les bâtiments à puiser la moindre parcelle d’énergie du soleil, d'autres chercheurs financés par l'UE étudient la possibilité de mettre au point des vitrages solaires transparents pour produire de l'électricité.

Ce projet, intitulé CITYSOLAR, a débuté en décembre 2020 et devrait s’achever en avril 2024.

CITYSOLAR a pour but de déployer des technologies photovoltaïques qui absorbent les rayonnements du spectre infrarouge et ultraviolet. Les chercheurs essaient de limiter l’absorption de la lumière visible, car les fenêtres doivent la transmettre à l’intérieur du bâtiment et la lumière visible a pour effet de colorer les panneaux.

La lumière infrarouge et ultraviolette étant moins efficace pour produire de l’énergie électrique, une certaine quantité de lumière visible est utile même pour les fenêtres solaires. La difficulté, pour les chercheurs du projet CITYSOLAR, est de parvenir à trouver la bonne combinaison entre efficacité, transparence et couleur.

Aldo Di Carlo, professeur de nanoélectronique à l'Université de Rome Tor Vergata et à la tête du projet, cite l’exemple d’une serre, dans laquelle la technologie pourrait s’avérer particulièrement utile.

Pour pousser, les plantes ont principalement besoin de la lumière visible de la partie rouge du spectre de couleurs, mais elles peuvent se passer de la plupart des autres couleurs. Par conséquent, des cellules photovoltaïques semi-transparentes teintées de rouge pourraient absorber l’énergie solaire tout en laissant passer la lumière visible rouge qui permettrait aux plantes de pousser.

Au-delà du laboratoire

Jusqu’à présent, la technologie a été testée uniquement en laboratoire. Un prototype devrait être créé début 2024 à l’Université du Danemark du Sud.

Ce prototype jouera un rôle central dans les essais de la technologie afin qu’elle puisse être perfectionnée en vue d'une éventuelle commercialisation.

À plus long terme, les chercheurs du projet CITYSOLAR souhaitent faire en sorte que le «bâtiment à consommation énergétique zéro» devienne le plus possible une réalité. Pour cela, il faudra remplacer à grande échelle des surfaces transparentes ou semi-transparentes par la technologie en cours de développement.  

Pour ce qui est des logements, la difficulté sera aussi de déterminer le bon rapport rendement/transparence, un objectif qui exigera de mener d’autres recherches.  

«Nous devons utiliser le meilleur de nos connaissances scientifiques pour lutter contre le changement climatique. Ceci implique de faire des recherches sur des technologies telles que celles des cellules solaires transparentes», a déclaré M. Di Carlo.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par le biais du programme Horizon de l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

 

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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1 commentaire on «Renouvelables : produire de l’énergie grâce aux façades»

  • A quand le développement de cette forme d’exploitation de l’énergie solaire pour les voitures automobiles ? Chimère ? Vraiment ?

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