Stress Post-traumatique : parfois parler est trop dur

En cas de TSPT, l’événement est en général trop présent, intrusif et envahissant. Ce n’est pas un souvenir : les perceptions traumatiques sont vécues au présent, en produisant toujours la même détresse.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Francis Eustache, Hélène Amieva, Thierry Baubet, Jean-Gabriel Ganascia, Robert Jaffard et al. Publié le 31 décembre 2023 à 10h00
stress post traumatique ptsd tspt santé
stress post traumatique ptsd tspt santé - © Economie Matin

Lorsque les personnes ne parlent pas, ce n’est pas forcément qu’elles ont oublié ni qu’elles vont bien. Cela peut signifier que la parole est impossible. Parler peut être trop dur (c’est l’évitement), générer une trop forte honte ou un sentiment d’illégitimité, faire craindre de ne pas être compris ou cru, perspective que les victimes voient à juste titre comme un traumatisme supplémentaire. Elles peuvent craindre que parler soit un danger, être prises dans des « interdits de dire » comme c’est le cas par exemple dans l’inceste (« tu déshonorerais la famille », « tu nous tuerais »). Toutes ces personnes font des efforts surhumains pour ne rien laisser paraître et pour ne pas penser à leur traumatisme, avec plus ou moins de succès et parfois avec un TSPT qu’elles portent dans la solitude. Il nous faut donc bien différencier ces deux niveaux : les conditions de la parole, et le souvenir. Ainsi, la parole peut être impossible même si le souvenir est présent et parfois trop présent. De plus, une parole ne peut être énoncée que s’il y a un dispositif pour l’accueillir : un proche de confiance, un thérapeute compétent, quelqu’un qui ne se dérobera pas.

Par ailleurs, d’autres ont vraiment oublié et le souvenir peut revenir très tard ; il peut être très violent, décrit comme une déflagration générant une grande détresse et inaugurant un TSPT avec tous ses symptômes. Ce sont souvent des détails de la vie quotidienne qui viennent déclencher la récupération de ces souvenirs : l’évocation d’un membre de la famille dont on ne parlait plus, un lieu, une situation banale avec son enfant, etc. Il n’est pas rare qu’on se souvienne alors aussi de l’avoir su, d’avoir vécu avec le souvenir de l’événement, et parfois d’en avoir parlé avant la période sans souvenir, ce qui souligne que le souvenir avait été encodé avant d’être oublié secondairement et pose la question de la nature de cet oubli.

Au moment de la survenue de l’événement, il est possible que celui-ci ne soit pas vécu comme un traumatisme. C’est souvent le cas pour les agressions sexuelles de jeunes enfants, notamment lorsque l’agresseur est un proche de l’enfant. C’est lorsque l’enfant grandit et accède à la génitalité adulte que le caractère violent et traumatique va être pleinement perçu et vécu, là où il n’y avait jusque-là qu’une grande confusion. Dans d’autre cas, chez l’enfant comme chez l’adulte, le stress est tellement intense lors de l’événement qu’il va modifier le processus de mémorisation, faisant que certains aspects de la scène ne sont pas perçus et encodés normalement, laissant des pans entiers de souvenirs manquants. Il ne s’agit alors pas d’amnésie (Dodier, 2022).

Un souvenir qui se manifeste brutalement avec vivacité peut aussi être un faux souvenir induit, implanté délibérément par un pseudo-thérapeute ou une autre personne dans un contexte d’emprise et parfois d’escroquerie financière. C’est alors une violence particulièrement perverse qui est commise. La presse relate régulièrement la condamnation de tels escrocs, et le problème est qu’il est extrêmement difficile pour les victimes de distinguer le vrai du faux. Il est possible également que sans malveillance du thérapeute, une forte croyance partagée avec le patient dans l’origine traumatique de la plupart des symptômes et la quête d’un traumatisme originaire puisse conduire à la cocréation, de bonne foi, de tels souvenirs.

Enfin, l’allégation de violences traumatiques passées suivies d’une amnésie prolongée de celles-ci peut relever d’une démarche volontaire et consciente qui peut correspondre à des registres psychopathologiques variés, comme la simulation, la mythomanie et le trouble

Livre Mémoire Et Traumatisme

Extrait de "Mémoire et Traumatisme", écrit par Francis Eustache, Hélène Amieva, Thierry Baubet, Jean-Gabriel Ganascia, Robert Jaffard et al. aux éditions Dunod que nous remercions pour la publication.
Pour obtenir le livre : https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/memoire-et-traumatisme

Laissez un commentaire

Aucun commentaire à «Stress Post-traumatique : parfois parler est trop dur»

Laisser un commentaire

* Champs requis