Santé : les bienfaits du chant des oiseaux, de la brise et de la végétation

L’UE se sert de la nature pour améliorer le bien-être des citadins, notamment des personnes qui souffrent de solitude.

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Par Horizon Publié le 15 février 2024 à 5h00
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21%21% des Français déclarent se sentir régulièrement seuls.


C’est en menant une étude sur le pouvoir salutaire des jardins collectifs urbains de Denver, dans le Colorado, aux États-Unis, que Jill Litt, professeure, a commencé à envisager de faire profiter aux villes du monde entier des bienfaits de la nature. 

Mme Litt a été frappée par la façon dont les jardins urbains, outre le fait qu’ils favorisent la pratique d’une activité physique ou une alimentation saine, offraient un moyen de se sentir mieux sur le plan général. Ils ont aidé les individus à faire de nouvelles rencontres et à apaiser leurs angoisses.

Contentement général

«C’était comme si les gens lisaient le texte d’un script», a expliqué Mme Litt, chercheuse principale à l’Institute of Global Health, ou ISGlobal, en Espagne. «Ils ne cessaient de dire combien il était agréable de manipuler la terre, mais aussi qu’ils avaient l’impression de faire une parenthèse dans la vie citadine.»

Elle s’intéresse à la façon dont les gens se connectent aux paysages et se demande si ces liens peuvent contribuer à prévenir les problèmes de santé. Les projets réussis de jardinage urbain observés par Mme Litt l’ont amenée à envisager l’existence d’un lien entre la nature et le bien-être des citadins. 

«Même dans des environnements très urbains et bâtis, ils entendaient les oiseaux, ils sentaient le vent sur leurs joues et dans leurs cheveux et ils se sentaient apaisés», a-t-elle déclaré. 

Mme Litt est convaincue que les aspects esthétiques, physiques et sociaux des activités de ce type décuplent les sens des individus, affectent leurs émotions et améliorent leur bien-être général.

Elle met son idée à l’épreuve dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’UE. Son objectif est d’examiner de quelle façon faire des activités dans la nature peut remédier à une cause profonde des problèmes de santé souvent négligée par le corps médical et stigmatisée par la société: la solitude.

Intitulé RECETAS, le projet s’étend sur cinq ans jusqu’en février 2026. Menée par ISGlobal, l’initiative implique des partenaires de cinq pays de l’UE (Autriche, Espagne, Finlande, France et République tchèque) ainsi que le Royaume-Uni, l’Australie et l’Équateur. 

Très courante en Europe, la solitude touche des personnes de tous âges et de tous horizons. En 2022, la première enquête européenne menée sur le sujet a révélé que 13 % des personnes interrogées s’étaient senties seules la plupart du temps ou en permanence au cours des quatre semaines qui avaient précédé et que 35 % avaient ressenti ce sentiment au moins de temps en temps.

Bien qu’elle constitue un risque pour la santé mentale et physique, la solitude est rarement prise en charge tant qu’elle n’a pas eu de répercussions nécessitant une intervention médicale.

Air pur et amitiés

Dans six villes (Barcelone, Marseille, Prague et Helsinki dans l’UE, ainsi que Cuenca en Équateur et Melbourne en Australie), des chercheurs créent des groupes de personnes au sein d’un quartier et elles se retrouvent dans des espaces naturels. 

Selon Mme Litt, les membres des groupes sont considérés comme seuls par les professionnels de santé et sont adressés par eux aux chercheurs du projet RECETAS.

Les groupes choisissent des activités parmi plusieurs options locales comme une sortie dans un parc ou un jardin botanique, ou une promenade le long du littoral ou d’une rivière.

Parallèlement aux activités proposées, un cours aide les participants à repérer les signes et les symptômes de la solitude et à nouer des relations avec les autres durant les sorties pour contribuer à atténuer ce sentiment. 

Les séances hebdomadaires sont aussi combinées à une période de réflexion consistant, par exemple, à tenir un journal sur le moment passé dans la nature, ou à se livrer à la pleine conscience ou à la méditation. 

«La nature est le lubrifiant qui pousse les gens à s’ouvrir», a déclaré Mme Litt, qui travaille aussi au Département d’études environnementales de l’Université du Colorado à Boulder. «Même si ce sont des gens relativement calmes, le groupe les aide vraiment. Participer à ces groupes et entendre à quel point ils comblent un vide dans la vie des gens est extraordinairement beau.»

Blanka Novotná, chercheuse tchèque de troisième cycle, partage cet avis. 

Basée au Centre d’expertise sur la longévité et les soins de longue durée de l’Université Charles de Prague, Mme Novotná a déclaré que les amitiés nouées dans le cadre du groupe créé dans la ville ont aidé au moins une personne à traverser des moments difficiles. 

Elle a déclaré qu’une femme avait rejoint le groupe quelques semaines après le décès de son mari et était trop éprouvée pour parler lors des premières séances. Puis, lors d’une promenade en forêt, un autre membre du groupe, lui aussi endeuillé, l’a rassurée en lui disant que le temps et la nature feraient leur travail et l’aideraient à se relever de cette épreuve, lui apportant ainsi un soutien bienvenu. 

Derrière chaque groupe, interviennent des travailleurs sociaux, des professionnels de la santé, des urbanistes et des biologistes qui se concentrent sur l’intersection entre nature et santé mentale.

L’un des experts dirige le groupe pendant les neuf premières semaines, et le but est qu’il continue de fonctionner seul grâce aux amitiés qui se sont nouées.

Itinéraires verts

Le docteur Tadhg MacIntyre, psychologue environnemental à l’Université de Maynooth en Irlande, a déclaré que la pandémie de Covid-19 et les confinements généralisés qu’elle a occasionnés ont offert de nouvelles perspectives sur les raisons qui poussent les gens à fréquenter les espaces verts et ce qu’ils en retirent. 

Selon lui, ils étaient généralement davantage motivés par les interactions sociales et le bien-être mental que par la pratique d’une activité physique. 

«Les gens ont commencé à réaliser que cela leur permettait en fait de tisser des liens avec leurs voisins, leurs amis et leur famille, ou de tout simplement s’asseoir sous un arbre, de profiter de la nature et de ressentir ses pouvoirs réparateurs», a ajouté M. MacIntyre.

Il dirige un autre projet financé par l’UE qui étudie comment la nature peut améliorer la santé humaine. Intitulé GO GREEN ROUTES, le projet a débuté au plus fort de la pandémie, en septembre 2020, et se poursuivra jusqu’en août 2024. 

Les chercheurs aménagent ou rénovent des parcs et des espaces verts dans six centres urbains: Burgas sur la côte bulgare de la mer Noire, Limerick en Irlande, Lahti en Finlande, Tallinn en Estonie, Umeå en Suède et Versailles près de Paris.

À Limerick, ils ont ainsi aménagé un parcours de 1,2 kilomètre qui traverse une banlieue de la ville. Le docteur Mark Lyons habite le quartier. Il donne des cours de musculation et de préparation physique à l’Université de Limerick. Il utilise le nouveau parcours pour marcher et courir pendant que ses enfants y font du vélo et de la trottinette.

«Le parcours s’est avéré être une liaison indispensable entre les écoles locales pour les gens qui circulent à pied et à vélo, loin des embouteillages», a déclaré M. Lyons. «Les cyclistes, les marcheurs et les coureurs peuvent tous emprunter la piste en toute sécurité. Une population très large l’emprunte. C’est formidable à voir.»

La participation de la collectivité est un aspect important du projet. Les habitants proposent des idées d’aménagement à la ville et contribuent à la création des espaces. 

Une interaction avec la nature est intégrée aux projets, notamment grâce à l’installation d’aires de jeux pour enfants en matériaux naturels avec, par exemple, des rondins sur lesquels courir et des bacs à copeaux de bois dans lesquels creuser. 

Cercle vertueux

D’après M. MacIntyre, le temps passé dans la nature profite non seulement à la santé mentale et physique de la population, mais aussi à l’environnement lui-même. 

Pour lui, plus les gens interagissent régulièrement avec la nature, plus ils en prennent soin et sont susceptibles de modifier leur mode de vie pour réduire leur empreinte environnementale. 

Avant de devenir psychologue environnemental, M. MacIntyre était psychologue sportif et travaillait auprès d’athlètes professionnels. Dans ce secteur, le temps passé dans la nature, en étant actif ou passif, est considéré comme un moyen important de gérer le stress.

M. MacIntyre a également participé à des études qui ont montré que le couvert forestier limité et les niveaux élevés de pollution sonore que l’on trouve dans les villes peuvent générer plus de stress chez les habitants. 

À Lahti, GO GREEN ROUTES a aménagé une passerelle forestière dans un centre médical pour que les employés, les patients et les visiteurs puissent profiter des bienfaits de la nature. Le sentier chemine à travers la forêt et propose des espaces de pleine conscience, de détente et d’interaction sociale. 

Il s’inspire des bains de forêt japonais, dans lesquels les images, les sons et les odeurs des bois favorisent la relaxation. 

«En impliquant les citoyens dans des projets GO GREEN ROUTES très variés, nous faisons en sorte d’améliorer leur santé, ce qui, à long terme, aidera à préserver l’environnement», a déclaré M. MacIntyre.

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Les opinions des personnes interrogées ne reflètent pas nécessairement celles de la Commission européenne.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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